Après une courte nuit de sommeil, nous rejoignons la verte prairie du Hellfest pour la deuxième période de la cuvée 2016. Le ciel est clément, la température agréable et la foule pénètre nettement plus rapidement sur le terrain que la veille. L’affiche du jour est hyper bandante et c’est tout sourire que nous nous précipitons dans la Valley pour la première prestation de cette journée qui a connu moult chamboulements en ce qui concerne sa programmation. De très grosses pointures sont de la partie et il y a même des revenants dans les parages. Nous n’allions pas nous faire prier pour squatter un maximum notre antre de prédilection malgré la météo de Loire-Atlantique car, après tout, nous n’avions pas fait le déplacement pour parfaire notre bronzage.
THE LUMBERJACK FEEDBACK
Pour nous tirer de notre torpeur, les sympathiques programmateurs de l’événement sont allés chercher la structure nordiste qui nous a gratifié en début d’année de l’incroyable « Blackened Visions » (dont l’écoute est chaudement recommandée par la rédaction). La formation instrumentale – au goût irréprochable pour la mise en scène de sa musique – a débuté sa prestation devant un public peu nombreux, mais visiblement ravi d’être présent. Il faut préciser que contrairement à ce qui s’était passé la veille, les festivaliers ont pu pénétrer rapidement dans le périmètre du festival (certains devaient déjà accuser les excès de la veille : tant pis pour eux !). Actif dans un registre qui poutre pas loin de bandes genre Cult Of Luna (ça y est je l’ai placé), le groupe incarne avec d’autres, comme les Lyonnais de Celeste par exemple, un certain renouveau du metal hexagonal très orienté sludge et doom. Le son de la prestation a été d’excellente facture et ces invités de – toute – dernière minute ont sacrément fait de l’effet auprès des quidams dans la place. Il faut avouer que la présence de deux batteurs sur l’estrade apporte un rendu tribal plutôt plaisant ainsi qu’une touche visuelle qui ferait presque oublier l’absence de vocaliste. Bref, à l’aise sur scène, les Lillois nous ont foutu un bon coup de pompe au cul pour débuter cette journée du bon pied ce qui n’était pas gagné d’avance vu leur convocation tardive en raison de la malheureuse défection des Crazy Canucks de Dopethrone.
Ayant découvert depuis peu Steak Number Eight, on s’est ensuite précipités pour les voir sur la mainstage 1, mais on préfèrera finalement ne pas en parler ici : les conditions étaient probablement moyennes (pas de soleil mais pas de pluie), la set list inadaptée, le public amorphe, le son perfectible (peu de relief il est vrai) et nos petits gars un peu perdus et inhibés sur cette scène géante… Quoi qu’il en soit, le concert était médiocre et on préfère attendre de les revoir en bonnes conditions pour vraiment jauger ce groupe .
HANGMAN’S CHAIR
Tout comme leurs prédécesseurs (et compatriotes), les Frenchies se voient contraints de convertir un maximum de fidèles en une trentaine de minutes. Même si l’espace s’est quelque peu garni entre les deux premiers actes de cette folle journée, l’exercice n’est pas des plus aisés et la haute maîtrise des Franciliens va les aider à accrocher rapidement les festivaliers curieux ou déjà acquis à leur cause. Les chevelus vont taper essentiellement dans leur dernière sortie en date, « This Is Not Supposed To Be Positive », durant ce set qui s’achèvera quelques minutes après que le clocher de l’église de Clisson aura sonné les douze coups de midi. Le frontman velu du quatuor pourra s’enorgueillir d’avoir délivré une prestation frisant la perfection en ce qui concerne ses parties vocales, lesquelles ne sont pas toujours le point fort des groupes du genre. Le rendu de leur performance sera très similaire à ce que les Parisiens livrent sur leurs nombreuses plaques. Pas de grosse surprise, mais une confirmation de tout le bien que nous pensions de ces gens.
CROBOT
Dire qu’on a été surpris par Crobot relève de la litote. On s’attendait à un énième groupe de vintage rock soporifique et/ou rébarbatif, pour tout dire, mais dès que nos quatre gaillards ont pris la scène, on a vite compris que ça serait une toute autre paire de manches : déployant l’énergie d’un Death Alley sur une base musicale mélangeant Orchid, Witchcraft, ou Horisont, et invoquant tour à tour Led Zep ou Deep Purple, le combo pousse la synthèse en art, et transforme l’hommage en création respectueuse… et foutrement excitante ! En passant de titres aussi furieux que « Necromancer » (et ses excellents passages d’harmonica) jusqu’à des mid-tempo efficaces comme « La Mano de Lucifer », en passant par son groovy nouveau single « Not For Sale », les titres tapent juste. Sur scène, les gars sont déchaînés : Brandon au chant est au taquet dans son rôle bien assumé de frontman, le guitariste bouge dans tous les sens et monte une demi-douzaine de fois debout sur son ampli, le bassiste danse sans arrêt et accueille son chanteur sur ses épaules, … Les gars sont dedans et ne s’ennuient pas ! Musicalement on n’est donc pas dans l’originalité la plus absolue, mais il y a tant de talent dans ces compos et tant de fougue dans cette interprétation qu’on ressort groggy de ce set. Et avec le sourire siouplé ! Un vrai coup de pied au cul de tous ces combos opportunistes et suivistes qui s’engouffrent encore de nos jours dans cette brèche musicale. A suivre de très près.
MANTAR
Ceux qui étaient au Doomed Gatherings en mai le savaient, les autres l’ont appris à leurs dépens : en live Mantar est un véritable rouleau compresseur. Le duo allemand, guitare / batterie, déverse une coulée heavy sur la Valley, se servant à parts égales dans ses deux albums (“Death By Buring”/2014 et “Ode To The Flame”/2016). L’audience, littéralement emportée par la fougue d’Hanno Klänhardt, intenable malgré son corps décharné, se secoue à l’unisson jusqu’aux derniers larsen de « White Nights », à mes yeux l’un des plus grands moments du week-end.
TORCHE
Les amateurs de riffs graisseux ont clairement fait une parenthèse entre le set roboratif en la matière de Mantar et celui, à venir, de With The Dead. Reste une Valley très correctement remplie tandis que Torche fait son entrée – et les présents n’auront pas à le regretter. Sans surprise, le sympathique quatuor floridien enquille les titres sans trop tergiverser, avec fougue, bonne humeur et efficacité. Il a constitué pour aujourd’hui une set list « sans risque », où il fourre les meilleurs titres de ses deux classiques, « Meanderthal » et « Harmonicraft », et quelques extraits de son récent « Restarter », sa première production chez Relapse sortie l’an dernier (ils se lâcheront sur le rappel, constitué uniquement de titres de leur dernier opus). C’est donc sans déplaisir que l’on entend à nouveau les efficaces « Kicking » ou « Grenades », ou bien sûr le furax « Healer » qui fera quelques dégâts dans la fosse. Même si le groupe souffre occasionnellement d’un son défaillant (basse…) il fait le job et emporte l’adhésion d’un public qui, aujourd’hui en particulier, était plutôt là pour manger du gras ou du sable. Beau challenge de se retrouver au milieu de cette affiche…
WITH THE DEAD
Les concerts de With The Dead se comptent sur les doigts d’une main de mort vivant. Depuis la publication de leur album en 2015, le « supergroupe », composé à la base de la section rythmique ancestrale d’Electric Wizard et de Lee Dorrian (voix de Cathedral et tête pensante de Rise Above Records, entre autres), ne se sera produit live que 3 fois (deux dates anglaises plus le Roadburn Festival) c’est dire si leur venue au Hellfest était attendue. Désormais en quatuor et se produisant sans Mark Greening remercié (ce dernier était présent la veille avec Ramesses), With The Dead joue son album, dans l’ordre et sans fioriture. Il y a alors deux façons de voir leur set : soit l’on ressort déçu que rien de particulier n’ait été proposé voire un peu agacé par le jeu de scène statique des musiciens et cette attitude si particulière qu’a toujours eu Dorrian en live, soit l’on se contente de ces 40 minutes de doom chic et propret, conscient qu’elles ne se représenteront pas de sitôt. De mon côté je n’ai pas vraiment réussi à trancher.
GOATSNAKE
Drôle de parcours que celui de Goatsnake. Formation culte s’il en est, en sommeil pendant 15 ans, de tous les groupes stoner reformés, il est probablement celui dont le retour discographique a été le plus réussi. C’est bien simple, il n’y a rien à jeter de leurs trois disques et quelques EPs. Reste que les rares incursions faites par le quatuor en Europe se font sans réelle logique ni promotion. Pour autant le Hellfest semble être constamment un passage obligé, et ce pour notre plus grand plaisir. Le concert du jour sera une sorte de best of de ce que le groupe propose de meilleur, puisant autant dans ses anciens albums que dans le nouveau, proposant « Black Age Blues » et surtout l’incroyable « Killing Blues » à un parterre médusé par le bonheur. Si l’on peut regretter l’absence de « IV » dans leur set list, toutes les autres pépites sont au rendez-vous et Pete Stahl fait le show, comme à son habitude, entre roulades et soli d’harmonica, quand son fil de micro ne s’emmêle pas sur sa bouteille de vin. Plus qu’un set, une messe absolue.
HERMANO
Certes, il n’y a pas de groupe de la dimension de Rammstein sur les main stage en simultané, mais quand même… Il se passe clairement quelque chose quand, dix minutes avant le set de Hermano, on constate que la Valley est déjà remplie. Quelque chose qu’on ne voit quasiment jamais pour des groupes de tête d’affiche sous la Valley ! Difficile pourtant après plusieurs années d’inactivité d’imaginer le niveau de notoriété du combo américain. Et bien on peut d’ores et déjà l’affirmer : le pari des programmateurs du Hellfest est gagné, haut la main. Pour ce concert en exclu européenne (et probablement mondiale, à voir sur le reste de l’année), le quintette a mis les petits plats dans les grands et constitué une set list absolument imparable, composée d’extraits de leurs trois albums, à commencer par une entame rageuse avec un « Left Side Bleeding » efficace, associé à un « The Bottle » qui rappellera le talent du combo pour les mid-tempo, associant riffs percutants et groove imparable sur une base blues. Tout est là, et le reste de la set list en fera la démonstration dans toutes ses variantes. Sur scène, les musiciens (qui, comme le rappellera Garcia, habitent tous à plusieurs centaines voire milliers de kilomètres les uns des autres, sauf Dandy et Garcia, voisins) montrent un plaisir d’être ensemble et de jouer sur scène qui ne fait pas l’ombre d’une doute : le trio rythmique (Chris Leathers derrière les fûts, et le duo Dandy Brown / Mike Callahan) est efficace et incisif, tandis que Dave Angstrom, que l’on a connu plus exubérant, reste un impeccable soliste et riffeur. Quant à John Garcia, qui évidemment capte toute l’attention, on aurait pu le penser éteint, tant il répète à l’envie depuis plusieurs mois avoir fait une croix sur ses autres projets (hors sa nouvelle carrière solo)… on est donc agréablement surpris de le retrouver non seulement parfaitement juste sur ses parties vocales, mais en plus bien impliqué dans le set (on l’avait par exemple senti plus en retrait sur le set de Unida il y a 2 ans…). Le groupe nous gratifie en milieu de set d’un nouveau titre, un mid-tempo qui aura du mal à nous transcender en première écoute, mais qui apparaît dans la veine de la production déjà connue du groupe. Côté public, l’ambiance est à la fois électrique et enjouée : de bout en bout de la tente, tout le monde chante, headbangue ou ondule selon la chanson, et sourit… Le groupe remplit son slot d’un peu moins d’une heure et finit par un trio dévastateur « Kentucky » / « Manager’s Special » / « Angry American » afin de mettre tout le monde d’accord : Hermano a joué le set parfait, et l’on n’en espérait pas moins.
FU MANCHU
Troisième géant étasunien du stoner à se produire d’affilée sur notre scène de prédilection en cette deuxième soirée, les Californiens du sud se sont vus upgradés en headliner du jour de la Valley suite à l’annulation de Down sur laquelle nous n’avons pas franchement envie de revenir. La place est bondée ; il faut avouer que comme concurrents directs les Américains ont les vieilles gloires de Twisted Sister et les bourrins plus très jeunes de Napalm Death. Étrange programmation que celle de cette journée qui n’a pas une grosse pointure comme tête d’affiche, mais une multitude de formations brillantes qui se succèdent toutes les heures dans tous les styles possibles et imaginables. Moins rare que ses deux prédécesseurs dans nos contrées, Fu Manchu bénéficie non seulement d’un passé qui les range au rayon des pères fondateurs du genre, mais aussi d’une technicité de haut vol qui sera particulièrement frappante ce soir-là. Habitués à tous types de scène, leur assurance et leur énergie font mouche, et le public ne s’y trompe pas : malgré son statut d’outsider, le quatuor mythique va déclencher de multiples slams durant son set de soixante minutes. En ce qui concerne la set list, nous ne boudons pas le plaisir qui a été le nôtre en se retapant les vieux standards que sont « Hell On Wheels », « Godzilla », « Evil Eye », « Eatin’ Dust » ou « King of the Road ». Il faut concéder qu’avec la réédition récente de « Daredevil », nous attendions plus de titres de cet opus que « Push Button Magic » envoyé en troisième position. Mais pas de grosse surprise de la part de la bande des Scotts si ce n’est une fin en forme de zizi tout mou post orgasmique sur « Saturn III » à qui nous aurions préféré un titre nettement plus véloce. Au final, nous aurons assisté à une excellente performance de la part d’un groupe qui n’aura pas volé son statut de tête d’affiche vu la place de choix qu’il occupe dans nos cœurs de – vieux – rockers.
Après ces joyeuses choses, la prairie a été illuminée d’un feu d’artifice à la gloire de Lemmy qui interrompait toutes les prestations et contraignait donc le running order de la soirée. Tout le monde a versé sa larme alors que nous n’avions pas le sentiment, l’an passé dans des circonstances identiques, que tout le monde était fan de Motörhead. Cette grande communion – soutenue d’extraits vidéo du concert de l’an dernier – achevée, nous avons bataillé avec les réseaux pour vous livrer notre résumé en image de la journée (voir la vidéo ci-dessous !) puis sommes aller dormir du sommeil du juste afin d’être d’attaque pour une dernière ligne droite placée sous le signe de l’éclectisme (y compris dans la vallée des stonerheads).
[A SUIVRE]
Chris, Iro22, Laurent
Voir les commentaires (0)