Troisième jour. Comme chaque année, la 3ème matinée est un mix de sensations et d’émotions un peu étrange, mélange de fatigue, de courbatures, d’excitation aussi au regard de la programmation de la journée, envie de bien profiter du sprint final avant l’année prochaine, tout en regrettant déjà l’arrivée imminente de… “la fin” de cette édition 2017 qui a déjà tenu ses promesses. Haut les cœurs ! On repart au charbon… avec le sourire !
BRIGHT CURSE
Le public ne s’est pas déplacé massivement pour applaudir les Londoniens de Bright Curse, mais aucun de ceux ayant fait le déplacement ne l‘auront regretté. Le power-trio doom/psychédélique distille une musique aussi lourde que planante qui ravit les aficionados, et le groupe est récompensé par un public plus que réceptif. Le format court (et frustrant) des premiers sets de la journée ne permet pas au trio de développer ses titres à l’envie, mais le choix de la set list (essentiellement basée sur l’efficace dernier album “Before the Shore”) fait mouche, et ce même si le groupe n’a pas forcément choisi les titres les plus “directs” de son répertoire.
VÔDÛN
Pour Vôdûn, le public s’est déplacé en masse. Un mélange entêtant d’influences vaudous hawaïennes et de stoner pour une musique réellement sulfureuse et pleine d’une magie mystique. Une sorte de Black Sabbath soul qui sort des habituels sentiers battus stoners. Celles et ceux qui avaient déjà assisté à une prestation du groupe ces derniers mois y ont retrouvé les ingrédients clés qui font toute l’originalité du trio anglais… mais avec une maturité encore supérieure. Celles et ceux en revanche qui ne connaissaient pas le groupe (la plus grosse part de l’assistance) repartira abasourdi avec l’impression d’avoir pris une grosse claque.
THE VINTAGE CARAVAN
Nous avions déjà naguère à plusieurs des prestations généreuses du combo hardrockisant islandais à plusieurs reprises. Naguère, ils étaient encore des gamins – presque des ados boutonneux – et la confiance dont le trio faisait preuve sur scène flirtait avec l’arrogance. C’est sur un show en plein jour au Freak Valley 2015 que nous avions vu pour la dernière fois les Scandinaves, qui avaient gagné à leur cause de nouveaux fans, notamment lorsque le guitariste avait contourné la scène pour ressortir dans le public afin d’y déployer un généreux solo de gratte. Un tantinet sceptiques quant à l’évolution de la formation nous attendions cette prestation et – bordel ! – elle s’est bonifiée avec le temps comme le bon pif ! La maturité en plus, The Vintage Caravan perpétue son style hérité des meilleures formations de hard (comme on disait jadis en parlant de musique et qu’il ne faut pas confondre avec les émissions taguées ainsi sur le câble qui se consacrent à une autre forme d’expression plus ou moins artistique) et s’est encore amélioré musicalement. Putain ! Ils ont enchanté une Valley blindée (et pas uniquement à cause de l’effet canicule) avec leur côté entertainer certes mais pas que ! Ils nous ont gratifiés de brulots faciles à aborder qui furent propices aux reprises en cœur d’un public qui finit par les ovationner en fin de set juste après un final du bassiste sur les crash barrière parmi les corps dégoulinants et malodorants. On craignait la comparaison suite à la performance envoutante de Vôdûn, mais c’est pour les suivants que la journée s’annonce compliquée vu le niveau déjà atteint à l’heure du repas.
CRIPPLED BLACK PHOENIX
Ce n’est pas uniquement jour d’élection en ce troisième jour, c’est aussi l’anniversaire de Jonas l’un des trois (trois !!!) guitaristes de la formation britannique qui déploie son œuvre hors du contexte purement stoner. Pour la photo de famille, les photographes présents dans la place ont misé sur un objectif à l’angle XXL afin de faire rentrer les 8 protagonistes de cette chose sur un seul et même cliché. Si ça a sacrément de la gueule autant de monde aligné comme ça sur scène, si côté dégaine le groupe envoie – et se réfère à du – lourd et si la présence féminine fait toujours plaisir dans ce monde de brutes épaisses avinées par la bière, c’était un peu light quand-même question gros son. Si Crippled Black Phoenix est capable de prouesses envoûtantes, le groupe a aussi tout le potentiel de ramollir le public de la Valley (un peu comme celui de l’abus de Muscadet sur la bite des festivaliers de Clisson). Malheureusement, les Anglais ont opté pour un setlist très axé sur la partie calme de leur répertoire et leur show déployé sous une chaleur à la limite du supportable ne restera pas dans les annales comme la meilleure prestation de cette formation – nous les avons connus nettement plus énervés sur scène et ce registre leur sied plutôt vachement bien. La torpeur gagnant les âmes errant depuis trois jours sous la chaleur et dans la poussière en accumulant les courtes nuits de sommeil n’est certainement pas étrangère à notre ressenti ; tant pis pour nos gueules !
UFOMAMMUT
Sans parler d’heureuse surprise, l’on est content de retrouver le trio transalpin aussi haut sur l’affiche, bénéficiant d’un slot « charnière » de fin d’après-midi intéressant. Un signe aussi de reconnaissance qu’il leur faut maintenant valider ; on n’attend donc rien moins qu’un coup de massue pour les 40 minutes à venir. Et coup de massue il y eut. Voire plutôt bulldozer, tant le matraquage en règle appliqué au public fut long, répétitif et ininterrompu. Chaque titre défilant sur la set list « taylorisée » du groupe labourait un peu plus le sillon d’un doom désormais estampillé « Ufomammut » : riffs pachydermiques, rythmique massue, assénée de manière répétitive et lancinante, éructation vocales… La combinaison est désormais reconnaissable entre mille et fait montre d’une efficacité live simplement époustouflante. Par ailleurs, dégagés de tout impératif “promo”, le trio nous gratifie d’une set list impeccable, piochant un peu partout dans sa discographie, et incluant au passage deux nouveaux titres, extraits de son album à venir (et on vous rassure, en première écoute, ils semblent bien tabasser). Clairement, on est écrasés au sol pendant tout le set, et on finit les yeux grands ouverts, sans trop comprendre ce qui s’est réellement passé. Ufomammut atteint un statut indétrônable, maîtrisant l’exercice à la perfection. S’ils arrivent encore à se renouveler (à voir avec leur prochain album studio, imminent) sans dégrader leur performance scénique, on tient sous nos yeux un des rares groupes de doom capables d’élever le genre sur des scènes plus exposées, vers des publics plus variés.
PENTAGRAM
Pentagram sera le gros pincement au cœur de la journée. Non que la prestation ne soit mauvaise, loin de là, mais l’absence de Bobby, empêtré dans ses habituels déboires narco-judiciaires est comme un coup de poignard aux entrailles [ndlr : pour ceux qui auraient raté l’information, Bobby Liebling a été arrêté il y a peu pour de sombres raisons, et le groupe a décidé de continuer en trio sans son frontman]. Le concert est habilement exécuté, avec notamment un Victor Griffin en frontman toujours impeccable à la six-cordes, et pas ridicule derrière le micro, mais aussi un Greg Turley qui prend sa part du job et occupe bien la scène. Le choix de la set list est à la fois impeccable et sans aucune surprise, ne piochant jamais loin du “best of” traditionnel du groupe (propice à quelques perles comme cette excellente version de “20 Buck Spin” chargée en soli). Mais malgré tout, voilà, il manque la présence surréaliste de ce Garcimore halluciné. On croise le tourneur français du groupe, qui confirme : « C’est la dernière fois. Bobby va probablement mourir en prison. »
Ite missa est.
BLUE ÖYSTER CULT
Blüe Öyster Cult livrera par contre sûrement le meilleur show de la journée, et ravira les fidèles avec son hard rock teinté de psychédélique et de références parfois ésotériques, parfois geeks, parfois juste stupides ! L’enchaînement parfait “Godzilla”/ “(Don’t Fear) The Reaper” est obligé de mettre tout le monde d’accord, et le final sur “Cities on Flame With Rock and Roll” achèvera de coucher tout le monde.
CLUTCH
La présence de Clutch en headliner de la Valley est aussi peu surprenante qu’elle est légitime. Déjà il y a trois ans, la « machine » Clutch déroulait des concerts tous plus impressionnants d’efficacité, s’appuyant sur un excellent « Earth Rocker » à l’époque (et, accessoirement, presque 25 années de live dans les jambes, l’air de rien). Bref, c’est un peu l’assurance tous risques. Et de fait, l’heure de concert qui suit n’étonnera personne a priori, sauf ceux qui découvrent le quatuor U.S. en live : Clutch reste une redoutable machine de guerre en live, d’une efficacité quasiment à toute épreuve. Musiciens impeccables de maîtrise et de technique, qui s’entendent parfaitement, un frontman de plus en plus dynamique (Fallon assume complètement et efficacement son job de frontman), le seul point discutable sur un concert de Clutch tient au choix de la set list, en particulier sur un set court d’une heure, générant encore plus son lot de sacrifices. Faire la fine bouche en regrettant le peu d’incursions dans le back catalogue « ancien » du combo serait un combat d’arrière-garde : le groupe ne renie pas son passé, mais s’appuie (et c’est le cas depuis plusieurs années, donc pas la peine de feindre la surprise ou la déception) sur un set de titres plus récents à l’efficacité live (re)connue pour constituer le squelette de ses concerts. On apprécie toujours les vieilles pépites comme « Profits of Doom », « The Mob Goes Wild » ou ce rutilant « Burning Beard » en début de set. Par ailleurs, le groupe enquille les titres sans tergiverser, bien décidé à titrer le plus riche profit de ce slot de 60 minutes dans tous les cas frustrant ; pas de place à la parlotte ou la branlette de manches de guitares… On est donc un peu frustrés de voir débarquer le classique titre de conclusion « Electric Worry », et du coup assez contents de voir que les traditions évoluent puisqu’ils y associent un « X-Ray visions » surprise pour vraiment appuyer leur baroud d’honneur. Bref, Clutch a délivré une prestation de maestro, exactement au niveau de maîtrise et d’efficacité que l’on pouvait attendre. Prise de risque modérée, certes, mais toujours une machine live rutilante, impressionnante. Et dire qu’ils en ont encore sous la pédale…
HAWKWIND
Les légendaires Hawkwind font de nouveau escale à Clisson. La formation britannique pionnière du space-rock, toujours emmenée par Dave Brock, 75 ans, fidèle au poste, vient distiller un son terriblement planant, qui transporte un auditoire ravi dans les cosmos S-F, soutenus par une panoplie de projections psychés stroboscopiques qui en envoient plein les mirettes. Une bien belle façon de finir ce festival, éreinté mais heureux.
Et voilà, l’heure des au-revoir est arrivée, on quitte le site dans la nuit, la tête basse et le dos courbé (un peu accablés par la tristesse c’est vrai… mais aussi par le poids de la fatigue sur nos vieux corps, avouons-le !), en repensant à ces trois journées splendides de ciel bleu et de riffs lourds, de surprises, de révélations, de confirmations… On a adoré cette édition, et on réfléchit déjà à la suivante. En espérant vous y voir !
Alain Blanville, Chris et Laurent
(Photos Laurent)
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Notre video-report de la journée :
le B.O.C. meilleur concert de la journée et il n’y a que 5 malheureuses lignes pour le compte-rendu. Allez-y comprendre quelque chose.
L’essentiel y figure pourtant résumé en treize mots au début.