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HELLFEST 2019 : Jour 3 (The Young Gods, Clutch, Phil Anselmo, Acid King, Yob,…) – 23/06/2019

On a beau être un peu sur les rotules (vous moquez pas, on n’est plus tout jeunes) on est quand même passablement excités à la perspective de cette troisième et dernière journée. Le fait majeur de ce dimanche est pourtant plutôt déprimant, avec l’annulation de The Obsessed quelques jours avant, un groupe qu’on attendait de pied ferme… Heureusement la liste des groupes à ne pas rater aujourd’hui est longue comme le bras, et l’ennui n’est pas au programme…

 

*** Notre video-report : le jour 3 du Hellfest en quelques minutes avec entre autres des extraits live de tous les concerts ! ***


DDENT

Les choses commencent tôt pour les mélomanes puisque les parisiens de Ddent, quatuor post metal instrumental dont le nom est sur toutes les lèvres depuis quelques mois, investit la Valley à 10h30. Le public ne s’y est pas trompé et montre son enthousiasme dès les premières notes d’«Arzel». D’abord visiblement tendus (c’est une première grosse scène pour le groupe), les musiciens prennent vite confiance et en quatre titres (deux de Toro leur dernier album en date et deux du précédent) leur set prend des allures de majesté et donne le la pour la dernière journée. Ddent est incomparablement plus envoutant en live que sur album (c’est dire).


GOLD

Malheureusement la tente ne s’est pas plus remplie alors que Gold investit la scène. Plutôt circonspect par la version sur disque du groupe, votre serviteur est pour le moins intrigué de voir à quoi ressemble le groupe en live. Musicalement, pas de surprise, Gold évolue dans un spectre mêlant dark, goth, post rock gentillet, rappelle les vieilles sueurs new wave ou emo… On peut aimer le groupe, et sa qualité n’est pas en cause, mais la question de sa place au Hellfest reste posée… Quoi qu’il en soit, le peu d’engouement démontré par le maigre public présent n’entame pas l’énergie des musiciens (nombreux, eux, avec rien moins que trois guitaristes…) qui sont parfaitement à l’aise. Mais c’est Milena Eva qui monopolise l’attention, théâtralisant son chant, jouant de ses tenues vestimentaires élaborées (carton jaune stylistique, par ailleurs) – autre détail symptomatique d’un certain décalage…


BRUTUS

Soyons honnêtes : on a eu un petit frisson en découvrant le nom de « Brutus » à l’affiche du Hellfest, il y a quelques mois… Frisson vite disparu quand nous avons constaté que ce n’était pas la formation norvégienne de vintage rock que nous aimions tant (et qui a perdu récemment son super vocaliste) mais un trio belge, qui finalement sur le papier s’avère loin d’être inintéressant. Ce sentiment se confirme assez vite en réalité, devant la prestation live de cette formation fort atypique, que l’on a été voir dans cette contrée reculée et sauvage qu’est la Warzone. On y retrouve un guitariste (mode concentré, option taciturne), un bassiste (mode pois sauteur, option souriant), et une batteuse… chanteuse ! Postée sur le côté droit de la scène, contre le bord, Stefanie, la jeune marteleuse de futs, concentre inévitablement l’attention. Il faut dire que la demoiselle officie au micro avec puissance, efficacité et même grâce parfois… tout en frappant comme une mule ! Côté maîtrise instrumentale, elle assure, et côté souffle, on ne vous en parle même pas. Une vraie performance. Le tout alimente un gros rock saturé qui emprunte au post, au noise, au punk… Mais ça fonctionne, les compos passent bien sur scène, et s’avèrent assez variées pour maintenir le public (plutôt nombreux, même si la Warzone n’est pas blindée) attentif et souriant pendant la demi-heure de set. On retiendra quand même un remarquable « War », classique en puissance issu du dernier album, qui devrait figurer dans toutes leurs set list pour les prochaines décennies tant il est efficace et accrocheur. Très bon concert.


MESSA

Voici venu un autre chouchou des spécialistes du doom éthéré. Avec ses airs jazzy (Bohren & Der Club Of Gore jazzy) et la sensibilité vocale de Sara, sa chanteuse, Messa a tout d’une future valeur sûre. D’ailleurs tout le monde se l’arrache. C’est que les italiens ont fait sensation en l’espace de deux albums, mêlant doom et sonorité jazz, et après les DesertFest et le Roadburn, les voici au Hellfest, étape supplémentaire avant de se retrouver partout. En quatre titres (deux de chaque album aussi, décidément !), Marco, guitariste/clavériste/tête pensante, et sa clique emportent une adhésion sans faille sous la Valley. Le public est sous le charme (de Sara pour les uns, de la musique pour la plupart des autres) et en redemande. Nul doute que les nouveaux convertis, nombreux, continueront à faire grossir les rangs des amateurs du groupe.


YOB

Mais que fait Yob si bas sur l’affiche ?  Le trio, sûrement l’un des tous meilleurs groupes live dans sa catégorie, se retrouve à jouer à l’heure de la digestion pour seulement 40 minutes. Dommage. Première bonne nouvelle : Mike Scheidt semble remis de ses problèmes de santé. Ainsi remplumé, le génial guitariste et insaisissable vocaliste ouvre le set avec « Quantum Mystic » et avale d’un coup d’un seul toute l’audience. « Unmask The Spectre » suit, comme un fil rouge dans l’émotion, et tandis que le son – énorme et cristallin – enveloppe les spectateurs, Yob enchaîne sur la violente « The Screen », et son riff rappelant Morbid Angel, joué à l’infini. La Valley est déchainée, tiraillée entre joie et tristesse, dans un spleen absolu. « Breathing From The Shallows » finira par faire redescendre la pression, comme un atterrissage en douceur. Yob a encore fait plier le festival. A quand un headline de Valley, de nuit, avec des projections dans tous les sens ?


CLUTCH

C’est sous un soleil de plomb à cramer les cactus que nous traversons les pelouses qui nous séparent de la Main Stage où doit se produire Clutch. A notre arrivée une heure avant le début du set, les premiers rangs sont déjà compacts. Gasp… Le moment venu les notes d’une bande son made in Maceo Parker retentissent, des cris résonnent, les musiciens montent en scène… c’est l’heure! La passion redouble alors que les yeux rougis, un T-shirt Funkadelic sur les épaules, Neil Fallon fait son apparition. On aurait pu craindre que le groupe soit un peu léger encore pour affronter un tel créneau sur la main stage, mais c’était sans compter sur les bollocks des Ricains qui déroulent impeccablement “Ghoul Wrangler” puis “H.B is in Control”, ne reprenant leur souffle que pour annoncer “The Mob Goes Wild”. Le public reprend en choeur les paroles de “Vision Quest”. A ce moment du concert, nous avons pu comptabiliser 60 slammers à la minutes (10 selon les autorités). Ça pogote dans tous les sens, les pichets de bière volent. Fallon, grandiose de charisme, entraîne le public, JP Gaster frappe ses futs plus fort que le soleil nos crânes. “Noble Savage” voilà ce qu’est Clutch et il le fait savoir du haut de son promontoire pour nous jeter ensuite “The Face” et “Willie Nelson” aux oreilles. Obligés de quitter la cohue, nous prenons du recul. La foule est compacte jusqu’aux consoles et tout le monde chante “A Quick Death in Texas ». Les organisateurs ne s’y sont pas trompés en programmant Clutch à cet endroit. “Electric Worry” déboule, efficace comme un coup de pelle. Les monstres ne se couchent avant que ne soient offerts en pâture à la fosse “X-Ray Vision” et “Firebirds”. Mais soudain tout s’arrête net, 5 minutes avant la fin prévue du set. Les festivaliers se regardent un peu éberlués. Que s’est-il passé ? Tout le monde en voulait encore et soyons francs, 5 minutes supplémentaires n’auraient pas suffi à contenter l’hystérie collective. Allez Hellfest envoie-nous ces p’tits gars-là au firmament lors d’une prochaine programmation. Un spot en début de soirée sur une Main Stage de fou, ils ne méritent que ça.


ÅRABROT

Quelle drôle d’idée que de programmer Arabrot en même temps que Clutch s’évertuant à trouver ses marques sur la Mainstage devant un océan de monde ? Les norvégiens, remplaçants de luxe sur la Valley (ils ont été appelés pour remplacer Emma Ruth Rundle suite à son annulation) jouent devant un public peu dense, mais pas ridicule néanmoins. Et le moins que l’on puisse dire c’est qu’ils semblent stressés. Les morceaux sont tronçonnés, que ce soit les extraits de The Gospel (un indispensable de toutes discothèques) ou du dernier et très recommandable album. « Sinnerman » leur reprise de Nina Simone sera finalement le meilleur moment d’un set malheureusement en demi teinte d’un groupe pourtant habituellement excellent. Dommage.


WIEGEDOOD

Après les étrangetés proposées par Årabrot sur la scène de La Valley, nous sortons à nouveau de notre confortable environnement pour rallier une autre tente et c’est tant mieux car ça cogne dehors. En vrai ça cogne fort aussi à la Temple, mais au moins nous sommes à l’ombre. Le batteur du combo belge envoie la grosse purée derrière ses fûts, son blast beat servant de piste d’atterrissage aux deux six-cordes. Pas de basse dans cette formation ; une machine rythmique trépidante (qui ravira les inconditionnels de l’art bourrin et fera froncer les sourcils des mélomanes avertis friands de haute technicité). Nous avons apprécié ce set entre doom et black hyper pugnace. Les vociférations du guitariste à la capillarité absente ont sublimé ces 50 minutes de sauvageries pour ravagés du bulbe (que nous savons aussi être) et ont fait le lien avec le final de nos pérégrinations lors de l’épisode 13 du festival qui a été clôturé, coté Valley, par Amenra ; ces derniers ayant des influences et du personnel communs. La fameuse école belge se porte à merveille et c’est tant mieux pour nos gueules ! Lorsque les amplis flanqués des logos des flamands ont été éteints, quelques minutes nous ont été nécessaires pour récupérer nos esprits perdus dans les scenarii glauques interprétés par ces redoutables esthètes de la violence (leurs clips sont terribles même si le propos n’est pas toujours compréhensible pour vos serviteurs qui ne maîtrisent pas la langue de ces lascars).


ACID KING

Le roi du doom psych à connotation plombée fait son entrée sur scène. Immédiatement, la lourdeur infinie de Acid King fait son office sur les notes de leur traditionnelle intro « Blaze In ». Sa musique cadre parfaitement avec l’atmosphère du jour. Le bassiste Rafael Martinez (batteur de Black Cobra), est appliqué et agile, il donne tout alors que Lori transpire sur sa gratte. Il est attendu le moment où elle tendra le cou vers son micro. Elle s’en approche, on retient son souffle. Et les notes libérées emportent le Doom du trio vers des sphères bien plus élevées, la preuve en est donnée avec « Infinite Skies ». Cet Acid King là, celui du live, s’écoute comme un Doom en fermant les yeux, « Laser Headlights » offre de se laisser porter mais le sujet est tout autre.  Lorsque les futs de Bill Bowman déversent leurs frappes on en jouit pleinement même si les effets les plus denses ne durent que quelques instants. La Valley est idéale à cette heure du jour. Elle honore le groupe de la présence de nombreux festivaliers. Pour autant le lieu est encore respirable, on peut garder son espace pour planer ou s’asseoir, mort de fatigue, et alors supporter l’assaut des infra basses qui, telles une myriade de serpents obèses, parcourent le sol alors que le groupe fait vibrer « Free ». Les videos qui ornent l’arrière de la scène parlent de paysages de montagne ou de fonds marins, s’entremêlant avec des images d’archives. Quel dommage que l’heure offre encore trop de lumière du jour et ne permette pas de jouir totalement du montage. Une ambiance d’herbe a nigaud envahit la scène comme la pelouse et contraste avec les aigus de la voix de Lori dans les nappes de lourdeur des instruments qui jouent très bas.


MARS RED SKY

L’annonce fut faite quelques jours avant le Hellfest (et a UN PEU séché nos larmes suite à l’annonce du retrait de The Obsessed) d’un concert exceptionnel de Mars Red Sky pour préparer la sortie de son nouvel album. Le concert est planifié à l’heure de l’apéritif (et accessoirement de Phil Anselmo… pas grave !) sur la petite Hell Stage, la scène qui trône au milieu du Hell Square, la zone d’entrée / accueil du festival, qui héberge quelques groupes atypiques ou événements funs dans le week end. Le mot est bien passé en tout cas puisqu’un public plutôt bien fourni se masse déjà alors que les trois musiciens ne sont pas encore sur scène à l’heure du début annoncé. Très vite on comprend que le set se déroule dans une ambiance cool et sans stress, illustré par le déluge de vannes parfois approximatives débitées par Jimmy durant le concert… Sourires, bonne humeur et beaux décibels toutefois, puisque le groupe propose presque une heure d’un set solide et efficace, comme ils nous y ont toujours habitué. Comme prévu le trio propose quelques incursions dans son prochain disque (dont le titre « Collector » déjà écoutable sur diverses plateformes) mais aussi certains de ses classiques à l’efficacité jamais mise à défaut (« Hovering Satellites », « Strong Reflection »…). Un fort bon moment pour se préparer à la fin du fest !


PHIL H. ANSELMO & The Illegals

La famille Hellfest a ré-invité vieux tonton un peu bourrin avec lequel il s’était fâché : le Phil H Anselmo qui est venu avec sa nouvelle compagne, The Illegals. La météo a décidé d’importer la Louisiane pour l’occasion, une atmosphère moite digne du bayou tombe près de la scène et la famille n’a pas sorti l’argenterie, accueillant tonton dans le petit salon de la Valley. Il est venu le vieux tonton, et il a beaucoup causé. Il est un autre homme, il l’affirme. Il a voulu le montrer avec « Choosing mental illness ». Mais les enfants lui ont demandé de refaire ses vieilles pitreries. Il s’en est donné à cœur joie et tout le monde s’est bien amusé. Tonton Phil H Anselmo & The Illegals ont fait un set hommage à Pantera, mettant le feu à la fosse avec entre autre « Yesterday Don’t Mean Shit » et surtout les très attendus « Fucking Hostile », « Walk » ou « Hellbound ». Tout le monde était très heureux de retrouver Tonton Philou, il a reçu plein de cadeaux faits des mains potelées des festivaliers et je crois bien qu’il est rentré chez lui très heureux d’être devenu un autre homme sans pour autant oublier celui qu’il avait été.


The YOUNG GODS

Entre mouillage de petite culotte et dépit, la rédaction était partagée lorsque l’organisation a annoncé le trio suisse. Pas la moinde trace de stoner voire de rock tout court dans le riche patrimoine des jeunes dieux helvétiques (qui sont des personnages très rock’n’roll). Accorder une heure pleine à ce monument de la musique contemporaine, n’est pas un luxe et leur présence pas discutée, mais franchement clôturer le festival sous la Valley en avance (l’horaire ayant été revu suite à la défection de The Obsessed) avec un set electro et psyché c’était pas vouloir rameuter la foule. C’est donc exactement ce qui s’est passé : le trio suisse a déroulé son set hyper soigné devant un public peu nombreux. C’est con, mais encensé par ses pairs ainsi que par la critique, les Gods n’ont jamais eu un succès populaire à la hauteur de leur talent (à part dans leur pays natal où ils fédèrent plusieurs générations de fans notamment en raison d’une longévité impressionnante… putain plus de trente ans !). L’occasion de balancer les furieux titres des débuts était belle pour ces vieux punks, mais que nenni : c’est un majestueux show electro brillamment mis en scène qui a été déployé avec une forte présence du nouvel album très apaisé. “Envoyé” aura rabiboché les groupies historiques de Franz et de sa bande qui ont mis un terme à 3 journées très riches musicalement dans une Valley qui s’ouvre à d’autres genres musicaux et dans un festival qui voit notre genre se déployer sur d’autres scènes !


Bonus : SLAYER

Ils étaient venus pour dire adieu, ils nous laisseront finalement pourrir en enfer. Avec une scénographie incroyable, toute de flamme et d’acier, les quatre bouchers enchainent leurs meilleurs titres sans pinailler, sans discuter, ni même sourire et mettent à genoux les 70 000 personnes, laissés sans défense, tremblants de bonheur, comme rossés par la brute du lycée. Le meilleur concert du festival. [ndlr : l’ensemble de la rédaction de Desert-Rock ne cautionne pas forcément ce postulat 🙂 ]


Que dire de cette édition 2019 du Hellfest ? On s’attendait à une affiche contrastée et parfois iconoclaste, mêlant grosses bombes, valeurs sûres, et incertitudes… Au final, on a retrouvé en haut de notre classement la plupart de ceux qu’on imaginait, et on pourra se targuer d’avoir assisté à quelques excellents concerts qui sortaient un peu du prisme de Desert-Rock. C’est aussi l’année où on aura vu le plus de concerts, avec des groupes « amis » qui nous ont amenés à sortir de la Valley plusieurs fois (hérésie). Bref, une excellente édition encore une fois, qui met la barre toujours haut pour les années à venir… Nous on y sera !

 

Chris, Iro22, Laurent & Sidney Résurrection