Une météo idéale s’installe et va baigner Clisson toute la journée : gentiment nébuleux, le ciel distille quelques rayons de soleil filtrés, réduisant un peu la chaleur, pour mieux accompagner cette journée qui s’annonce riche en surprises, temps forts et… décalages…
MY DILIGENCE
Fouette cocher, car la qualité n’attend point ! Et c’est aux aurores tel l’Express Poney que My Diligence réveille le public de la Valley qui n’a pas oublié de régler son réveil. Avec l’appui de leurs samples finauds, l’atypique trio Bruxellois (deux guitares et une batterie) nous offre la garantie de la grâce et de la violence noise à défaut de s’orienter vers leurs compositions les plus proches de la scène stoner. Une formation qui mériterait à gagner quelque hauteur dans le running order tant l’art est maîtrisé.
LLNN
Les danois s’imposent avec un son aussi bas que l’enfer, pour un set aux allures de tour dans une essoreuse à linge, qui envoie le festivalier valdinguer contre des vocales surpuissantes, emmenant un Dark post metal qui ne s’encombre pas de légèreté malgré un synthé, ce dernier suivant la ligne de conduite de ses collègues. Une fessée le cul à vif en bonne et due forme y compris lorsque la guitare est laissée de côté par le frontman pour aller exciter la foule.
HELMS ALEE
Le trio à majorité féminine bénéficiait d’un placement étrange en regard de sa notoriété, toute relative dans nos contrées : actif pourtant depuis plus de quinze ans, le groupe est surtout connu comme première partie de groupes plus prestigieux (Melvins, Russian Circles, Cave In…) et délivre une musique aux atours post rock imprécis (quelques bons riffs surtout emmenés par la basse, pas mal de travail sur l’utilisation des guitares pour des sons d’ambiance, des lignes vocales disparates partagées entre les trois protagonistes…). Malheureusement la foule s’érode au contact d’une démarche artistique possiblement inadéquate.
PRIMITIVE MAN
Doom à descente d’organe. Même si on est loin de l’approche chirurgicale, le trio bosse l’approche viscérale du sujet. Bim, tiens, prends ça dans ta gueule ! Les deux équarisseurs à cordes, affairés sur leurs billots truffés de bidules électroniques pour développer des ambiances bruitistes entre des séquences de riffs écrasantes, et distillant quelques growls gras et épais, hachent menu le public en ne leur dispensant que de rares interactions ou même regards. Brut de décoffrage, violent, mais redoutablement efficace.
BONGRIPPER
Dans l’aspiration du trio du Colorado, le trio de Chicago prend la scène à un horaire étonnamment tôt au vu de leur statut. Pas de pied de micro, set-up minimaliste, Bongripper ne s’embarrasse pas d’artifice et engage lentement un solide « Hail » devant une assistance réceptive à ce classique des doomsters US. Plantés chacun dans leurs coins sur une scène trop grande pour eux, les musiciens (qui dans leur carrière scénique ont probablement peu vu la lumière du jour) exécutent néanmoins leur sacerdoce avec force, rigueur et maîtrise de leur sujet. Leurs interactions sont rodées, organiques quasiment, et les regards entre eux leur permettent de se caler sur les différentes sections de leurs morceaux fleuves. Au bout d’un quart d’heure, c’est « Slow » qui vient clôturer la set list du jour (deux titres en tout !) avec ses 25 minutes de haute densité riffique et mélodique. Le set se clôture de manière un peu abrupte selon les standards du groupe (pas de redescente sonore à base de bidouilles sur les pédales d’effet), et même s’il restait quelques minutes sur leur créneau, impossible de caler un de leurs titres en supplément. Clairement un quart d’heure de plus (et une ambiance moins « ensoleillée ») aurait permis au groupe de proposer une prestation de plus haut vol, même s’ils ont sans doute posé la barre la plus haute de la journée.
WEEDEATER
Popeye a fumé tous ses épinards. En une fraction de seconde, le public est couché par la première salve de notes, et trois mesures plus tard c’est la brume odorante du vert frichti qui recouvre la vallée. Une fois les biscotos gonflés il n’a plus qu’à laisser rouler la machine en prenant soin de l’alimenter régulièrement de Jack Da’. Le cocktail fait merveille, rompant les nuques et soulevant le sol à la seule force des infrabasses, assurant ainsi la parfaite continuité du set de nos héros de Bongripper. Les standards des rednecks, qu’il s’agisse “God Luck & Good Speed”, “Jason The Dragon” ou “Weed Monkey” en conclusion sont passés en revue pour la plus grande joie des fans aglutinés à la barrière et chantant en cœur avec Dixie qui réalise en toute fin de set un splendide jeté de chaussure. Prévisible, voire téléphoné de A à Z, mais toujours aussi efficace.
GREG PUCIATO
La prestation de l’ex résident évadé de Dillinger Escape Plan laisse les fans transis d’amour extatiques. Que ce soit les mains jointes en prière ou la paupière gonflée et humide, une petite portion du public habituellement étranger à la Valley se laisse capter par un set que nous aurons l’inhumaine dureté de juger inapproprié, et de fait confinant au pathétique. Basant largement sa set list sur son premier album solo, et un peu du dernier, et incorporant un titre de Dillinger et un autre de Alice In Chains (« Them Bones », reprise sans intérêt, introduite en rappelant qu’il était là en support de Jerry Cantrell l’an dernier), le vocaliste développe un heavy rock sans relief, très radio-friendly (sauf quand il se lance dans une saillie vocale Dillingeresque, sortie de nulle part). De son piédestal, le frontman ne s’est sans doute pas rendu compte de l’éclaircissement continu de la fosse, ce qui aura au moins le mérite de préserver son petit cœur et son ego.
TRIGGERFINGER
Arrivés aux premières lueurs de « First Taste » certains d’entre nous durent (avec un certain plaisir) ouvrir une voie à la machette dans cette foule si dense. A croire que ce groupe qui roule sa bosse si bien à l’étranger et si peu en France aura laissé un souvenir indélébile lors de son dernier passage au Hellfest en 2015. D’une classe folle, le trio emmené par un redoutable Ruben Block (au four et au moulin en tant que machine à riffs catchy et vocaliste-crooner-groovy impeccable) déroule un set qui fera sautiller de joie un public qui n’aura pas désempli durant l’heure de set. Mais voilà, le choix si mainstream de Triggerfinger fait souffler un vent de révolte dans les voiles des puristes. Oui la Valley s’ouvre aux showmen de tous poils gagnant quelques milliers de nouveaux adeptes et sacrifiant par-là ses plus légitimes enfants. La Valley devient petit à petit la terre d’accueil de toutes les formations sortant des sentiers battus. Même si parfois, comme c’est le cas ici, il faut admettre que les artistes maîtrisent leur sujet et réalisent le carton plein.
BOTCH
Une Botchrie ! Les Mathcoreux ouvrent grand un puits dans les cages à miel des festivaliers. Re-formés après un break de vingt ans, les papas (papis) quadras/quinquas sont néanmoins pleins d’énergie : Dave Verellen en particulier, saute dans tous les sens, crache ses poumons dans le micro et… passe tous les moments entre les morceaux à retrouver son souffle ! Rien de déshonorant, mais les années passent…
Deux titres suffiront pour nous convaincre du décalage énorme du style musical pratiqué par le quatuor, constat culminant ici mais largement alimenté par les trois dernières prestations de la journée.
Nos jambes prennent la direction du repos du guerrier, laissant nombre de nos camarades exposer leur bonheur jusque sur les réseaux sociaux. Honte à nous. La journée de demain s’annonce énorme…
[A SUIVRE…]
Reportage (textes, photos, vidéos) : Chris, Laurent, Sidney Résurrection.
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