HELLFEST 2015 – Jour 3 (Eyehategod, Saint Vitus, Weedeater, Red Fang, etc…) – 21 juin 2015 (Clisson)

Après deux jours de festival, nous ne sommes plus aussi vigoureux qu’au premier jour. Le lever suivi du petit-déjeuner en mode quick and dirty a un peu plus d’inertie, mais c’est pas à des vieux babouins comme nous qu’on va la raconter…

On reprend la même équipe, la même soucoupe spatiale et la même soif de décibels pour rejoindre le même open air. Tout comme la veille et l’avant-veille : il fait beau, sec et chaud (tout comme d’hab’ dans cette région nous murmure-ton dans les oreillettes) et c’est sans surprise que la Valley sert à nouveau de refuge aux ennemis du soleil en plus d’être la seconde maison des aficionados de notre style de prédilection. On échange quelques impressions au sujet des shows de la veille, on se réjouit de voir la Nouvelle-Orléans bien représentée sur scène en ce dernier jour et on débat aussi des heures de départ, des itinéraires, du job qui repointe sa fraise (et ça c’est pas glamour du tout) etc… Enfin bref alors que certaines pouliches sentent l’écurie, que certains canassons accusent la fatigue (voire paient cher leur habitude nouvelle de se taper une carafe de pisse plutôt qu’un verre de taille usuelle) et que les yearlings s’émerveillent d’un rien, les pur-sang que nous sommes sont dans les starting-blocks pour une nouvelle journée dédiée au Dieu Stoner.

WITCHTHROAT SERPENT

Comment se faire Electric Wizarder de bon matin ? T’as passé un bon samedi soir et tu veux retrouver les tréfonds et les tourments de l’âme, la poisse bien noire qui colle à la joie ? Les toulousains sont les anti-Zebda et vont le prouver en ce début de dernière (sniff) journée de festival. Riffs lourds et lancinants, les cordes graissées à la suie et les fûts remplis de pétrole, le trio déroule un set gluant porté par l’armée de subs au garde à boue en devant de scène. Du gros doom dégueu qui, par moments, perdra de sa force quand les zicos perdront la cohérence et l’unité nécessaire. Un mal vite récupéré et une belle ouverture de troisième jour devant un parterre attentif et heureux devant tant de souffrance. Les groupes français n’auront pas démérité, loin de là, au cours du festival, et on aimerait les voir un peu plus haut placés dans le running order pour la prochaine édition.

DEATH ENGINE

Groupe du cru, remplaçant du groupe qui remplaçait le groupe qui n’a pas pu, Death Engine ne rentre pas dans la ligne éditoriale de votre webzine préféré mais ils nous a quand même sacrément retourné avec leur noise obscur teinté de hardcore servi dans un écrin violent de prestation. 11h40, la mandale est violente et la découverte belle. Merci messieurs.

SOFY MAJOR

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On ne va pas vous mentir, c’est un peu le chaos dans le running order de la Valley ce matin : après l’incorporation de Death Engine, c’est maintenant aux auvergnats de Sofy Major de se retrouver bombardés invités de cette prestigieuse scène. Un peu inhibés par cette opportunité, le trio n’est pas franchement débridé sur scène, même s’ils font le job, à savoir se faire connaître. Sur le papier, on pouvait craindre un délire bruitiste prétentieux, mais il n’en est rien sous nos yeux : sur une base effectivement bien noise, les clermontois alignent les riffs et les rythmiques massues susceptibles de satisfaire bon nombre d’amateurs de stoner, et peut même se targuer, c’est rare dans cette veine musicale, d’avoir des passages au groove naissant… La démonstration sur le moyen terme s’avère convaincante : loin d’être pompeux et ennuyeux, le groupe aligne les compos énergiques et plombées, et convainc un public un peu disséminé, mais réactif et apparemment appréciatif. Bonne performance, un peu hors sujet peut-être, mais pas si éloigné de nos affinités premières.

RED FANG

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Nous avions été positivement impressionnés lors de l’annonce des groupes du Hellfest par la présence de Mastodon sous la Valley, un groupe habitué aux Main Stages. A l’inverse, voir les « habitués » Red Fang (deux Hellfest déjà dans la besace) émigrer vers la Main Stage ne nous a pas forcément rassuré. Souvenirs mitigés des groupes que nous affectionnons (Crowbar par exemple ?) jouer sur ces scènes impersonnelles, au son approximatif, sous un soleil de plomb… Bingo, on prend les mêmes et on recommence ! C’est donc sous un soleil de plomb que l’on gagne la scène principale pour aller retrouver les quatre musiciens un peu perdus sur cette scène bien trop grande pour eux. Ils se sont d’ailleurs positionnés au milieu (derrière un grand backdrop qui apparaît minuscule au fond de ce gigantesque volume), bien près les uns des autres, seul Bryan Giles se mouvant un peu hors de son emplacement, parfois. On est un peu alertés par la qualité du son au début, mais très vite, il devient juste impeccable, et ce à différents endroits dans la fosse. Une fosse étonnamment assez animée, d’ailleurs : même si le public est au mieux attentif passé le milieu de la fosse, il reste impliqué, souriant, ondule en rythme et gueule pour célébrer chaque fin de morceau. Le quatuor a quarante petites minutes pour convaincre, pas le temps de papoter (les échanges avec le public sont brefs), ils déploient l’artillerie lourde direct, pas de quartier. Il faut dire que le combo s’y connaît en compos efficaces : le duo « Hank is Dead » / « DOEN », « Wires », « Blood Like Cream », une version légèrement accélérée de « Wires », « Malverde »,… En gros, on va pas se plaindre, c’est vraiment le point fort de Red Fang. En terminant, on en a pris l’habitude, sur le classique « Prehistoric Dog », ils sortent de scène sous les applaudissements nourris (et mérités) d’un public qui est prêt à leur manger dans la main. On s’attendait au pire, on a eu du très bon. Comme quoi…

RUSSIAN CIRCLES

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Quand vous les voyez arriver, vous ne pouvez pas dire qu’un élan de charisme vous domine… Et puis, les instruments branchés, la vague déferle. Puissante, immense. Là ou Godspeed You ! Black Emperor emploie entre sept ou huit musiciens pour emplir le spectre sonore, Russian Circles le fait à trois. Et le fait bien. Le voyage est aérien, psychédélique, post-truc, stoned bourrin, il leur est propre, ça c’est certain. Les nappes superposées par les cordistes puisent leurs forces dans l’entrelacs rythmique que créé le batteur. Ce dernier caresse son charley autant qu’il martyrise ses toms, défriche les terrains pour faire place et honneur en grande partie à « Memorial ». Ça écarquille grand les mirettes dans le public à l’écoute du live et de son interprétation. La communication, minimale, permet de rester dans chaque seconde de silence entre les morceaux. On ne décroche pas un seul instant, bercé par de nouvelles nappes aériennes avant d’être frappé à nouveaux par la puissance des compos. Un vrai bon concert du Hellfest, qui aura grandement participé à la haute teneur qualitative proposée en ce dimanche de fête de la musique.

WEEDEATER

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Quand le régisseur vient chercher Dixie Collins à l’heure de commencer le set, tandis qu’il sirote tranquilou une bouteille de Jack Daniel’s avec Jimmy Bower, on se dit que niveau professionnalisme, engagement et investissement émotionnel dans le set, on est pas au top du côté de ces branleurs de Weedeater. Pour parfaire le tableau, le bassiste se comporte comme le dernier des clodos durant le set, tétant sa bouteille carrée à chaque occasion, projetant un filet de morve qui reste accroché à sa barbe une bonne part du concert, arborant un tee-shirt suintant de sueur, déchiré sur 50 cm sous le bras… La grande classe. Mais au final, ça passe. Faut dire que niveau gras, on a notre dose pendant quarante minutes. Le frontman déjanté au regard de maniaque n’est pas qu’un rigolo – il caresse sa basse comme si c’était une femme de mauvaise vie sur les trottoirs glauques de leur patelin de Caroline du Nord, faisant cracher par la même occasion des torrents d’huile de vidange des amplis (notons que ça manque un peu de pêche en façade sur la basse, mais encore une fois… l’essentiel est bien là !). Côté vocaux, le beuglard met à profit son stock de glaire quand il daigne aller lécher le micro, finissant l’enrobage de chaque titre. Le surcouche de goudron frais est apportée par le son de gratte de Dave Sheperd : le six-cordiste a beau avoir la présence scénique d’un plat de nouilles froides, il assure. Et que dire du jeu de batterie déjanté de Travis Owen ? Chargé de groove, la prestation du frappeur est inattaquable, et l’on pourrait passer le set entier à le regarder jongler, faire tourner et lancer ses baguettes, frapper sa cymbale avec le pied, grimacer… Et la set list dans tout ça ? Pfff, on s’en fiche un peu non ? Le groupe jouerait la même chanson pendant quarante minutes qu’on prendrait quand même notre pied à avaler des bidons d’huile de vidange en headbanguant. Il n’empêche, on ne boude pas notre plaisir de discerner des petites perles comme les duo « Turkey Warlock » / « Jason… The Dragon » ou encore les nouveaux et efficaces « Goliathan » / « Cain Enabler ». Mais l’essentiel n’est pas là. On ne sait pas vraiment où il est, d’ailleurs, l’essentiel… En tout cas on a pris notre dose de graisse et on a adoré.

EYEHATEGOD

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On reste dans une galaxie plutôt bourrin avec une autre formation originaire des USA. Décidément, l’ultime jour est très axé grosses bûches made in America et de ça, nous n’allons pas nous plaindre (surtout qu’il y a un putain de niveau sur scène). Nous demeurons donc en compagnie de personnages rompus à l’exercice scénique pour une cinquantaine de minutes consacrées à la débauche musicale dans toute sa splendeur. A leur entrée dans l’arène, les vétérans de la scène de Louisiane ont une mine un peu moins joviale qu’au Freak Valley où ils débutaient cette nouvelle tournée. Mais comme ces garnements sont plein de ressources,  c’est confiants que nous nous plaçons pour déguster les spécialités des bûcherons en chef. Du renfort de sécurité débarquera par ailleurs de la Warzone pour assurer la réception des crowd surfeurs qui vont s’en donner à cœur joie durant le set d’EHG. Le concert débute sur un titre récent : « Agitation ! Propaganda ! » puis on exhume « Lack Of Almost Everything » avant de frapper très fort avec l’incroyable « New Orleans Is The New Vietnam » qui constitue toujours un temps fort des prestations de cette – pas si – fine équipe. La suite du show sera du même baril avec des titres anciens et d’autres extraits de la plaque éponyme sortie il y a peu (« Worthless Rescue » ou « Parish Motel Sickness »). Du Grand Art comme on l’aime. La prestation aura poutré jusqu’au final débridé habituel et le peuple de La Vallée signifie sa satisfaction au groupe qui quitte la scène. Après deux formations actives du côté obscur de la force, il va falloir patienter un moment pour se faire à nouveau botter le popotin (ou se reposer, ou se désaltérer, ou se bourrer la gueule sans avoir nécessairement soif) ; c’est quartier libre pour les moins de trente-huit ans pour presque trois heures.

LIFE OF AGONY

Difficile d’expliquer ce que vient faire Life Of Agony sous la Valley, alors que la Warzone, à moitié dédiée aux groupes d’émanation hardcore, semblait toute désignée pour héberger la prestation du groupe… LOA est une directe engeance de la vague new-yorkaise du genre, et même s’il a su injecter au fil des albums des aspects sombres et metal à sa musique (s’éloignant de fait de ses origines NYHC), le groupe reste stylistiquement plus proche d’un Sick Of It All que d’un Brant Bjork, par exemple ! Toujours est-il que l’excitation est palpable lorsque commence ce set improbable sous une Valley chargée d’affect : il faut dire que le quatuor, dont la vocaliste Mina Caputo était précédemment connue en tant que Keith Caputo (faut vous faire un dessin ?) drive la performance énergique du combo perpétuellement sur la brèche entre émotion pure (c’est un cliché que de faire allusion à un comportement très féminin ?) et puissance vocale inaltérée. La voir chanter presque trois morceaux complets dans le pit photo, à enlacer ses fans, leur parler, les faire chanter, enlacer les spectateurs handicapés, etc… est juste hallucinant. Mais bon, on est musicalement hors sujet dans ces pages… Disons néanmoins que c’était probablement l’un des meilleurs sets du week end.

SAINT VITUS

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Retour en terres plus connues avec d’authentiques survivants des seventies. Plus tout à fait jeune, mais gardant une attitude terriblement infantile dans sa manière d’aborder ce set, Saint Vitus va botter des culs durant soixante minutes. Nous n’allons pas faire durer le suspens bien longtemps : Wino n’est pas de la partie et c’est l’autre bon vieux Scott (Reagers pour ceux qui sont dissipés) qui assure le chant pour un show d’excellent doom psychédélique vintage. Ce set très traditionnel verra se succéder des soli orgasmiques, des interventions tombant à plat de Dave Chandler (à la ramasse totale) et des titres d’anthologie. Nous assisterons aussi à un lâché de baudruches (vos limiers ont cherché en vain de trouver l’heureuse personne qui avait organisé ce dîner d’anniversaire…vous dire si nous ne sommes pas pro).

Question titres, après une attaque prometteuse sur « Dark World », les Californiens demeureront sur Die Healing le temps d’un deuxième titre. Ce choix est cohérent compte tenu du fait qu’ils se produisent ce soir avec le vocaliste occupant cette place sur cet enregistrement. Dans le même esprit, ils ont aussi gratifié le public du Hellfest de titres issus de la première plaque légendaire de 86. Le setlist sur mesure a contribué à l’humeur joviale de leur chanteur qui sera très contagieuse puisque tout le monde a passé un sacré bon moment durant ce concert majeur. Il demeurera assurément un très grand moment de cette édition tout comme ceux délivrés le même jour par Weedeater, Eyehategod ou Red Fang. Il est à mentionner que le public n’a pas été le seul à communier avec ce groupe faîtier de ce genre puisqu’une grosse représentation des formations citées deux lignes plus haut, ainsi que de Superjoint Ritual qui se produira plus tard, était présente sur scène pour profiter de ce spectacle (et se désaltérer en communiquant avec le groupe qui joue ; normal). Malheur aux absents, ces gens sont vraiment passés à côté de quelque chose. Forcément le show se termine en apothéose alors que commencent à débarquer dans la Valley quelques têtes croisées ces derniers jours en d’autres lieux. Étrange…

SUPERJOINT

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… ou pas en fait. Superjoint Ritual – dont une partie de l’équipe de Desert-Rock boudera la performance qualifiée de pas stoner – va se produire pour mettre un point final à ces trois jours de furie et d’amour dans la Valley. Un indice ne flouera personne à l’approche du début du concert : il y a une putain de queue du côté des photographes qui veulent immortaliser ce concert historique. Il y a aussi, parmi la foule, des nostalgiques des nombreuses formations emblématiques auxquelles leur leader Phil a participé. Il est à mentionner que Monsieur Bower effectuera son deuxième concert de la journée en ces lieux après celui d’EHG.

Le concert a démarré avec un peu de retard, mais les fans – appelons les choses comme il se doit – ont frisé l’orgasme durant un set qui a été constitué principalement de titres issus du splendide « Use Once And Destroy ». Anselmo a tenu le crachoir comme d’habitude et quelques extraits de « A Lethal Dose Of American Hatred » sont venus pimenter un peu ce set très pro qui a fait des heureux parmi de nombreuses tribus de la grande nation metal.

Une journée de grande classe (dont un résumé visuel traduit un peu l’ambiance au pied de cette page) qui fait suite à deux autres du même tonneau. Des groupes généreux pour la plupart, un temps radieux, un public fantastique et une organisation au top ont constitué une cuvée anniversaire du Hellfest d’excellente facture. A l’heure de rendre sa quiétude au bled agricole, nous nous jurons de revenir nous faire bourriner la gueule sur la route qui mène de Nantes à Montaigu (la digue, la digue…) l’an prochain pour une nouvelle édition de folie ; what else ?

Cliquez ici pour voir les photos live de la journée !

 

Chris, Flaux, Laurent

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