Voilà c’est l’heure de prendre un dernier coup derrière la nuque, l’une des plus grosses journées de ce festival nous attend aujourd’hui, avec un running order garni de belles pépites, qu’elles aient déjà été vues mille fois ou non. L’excitation d’en profiter un maximum chasse la fatigue, le soleil nous accompagne et cela promet des moments inoubliables. C’est parti pour ce dernier sprint avant la ligne d’arrivée !
20 SECONDS FALLING MAN
Post hardcore avec des morceaux de musiciens d’Inglorious Bad Stars dedans, 20 Seconds Falling Man vient servir le café à la Valley pour ce dernier jour de fest. Un jus noir et corsé qui ébouillante la gorge et ravit les oreilles. Le public accuse probablement le coup de ces trois journées de festival, et ne se masse pas dans la tente à cette heure un peu trop matinale. Tant pis pour eux, ils manquent un set solide et maîtrisé, qui aura convaincu les présents.
THE ATOMIC BITCHWAX
Avec son distillat de pastilles zeppeliniennes, The Atomic Bitchwax vient semer les graines du rock dans le champ de boue qu’est devenu la Valley. Rah la belle journée qui s’annonce déjà. Un groove stoner comme on aime vient gifler le public qui s’est désormais massé dans une raisonnable proportion, laissant espérer dans le futur un meilleur positionnement du groupe dans le running order de ce type de festivals. Les pépites de stoner pur jus défilent (dont une très large proportion issue de leurs deux premiers albums, de quoi ravir les fans !), avec toujours le même scénario : Kosnik et Pantella assurent la rythmique, Sweeny débite les riffs nerveux et dépose quelques flamboyants soli, partageant avec Kosnik le micro lorsque nécessaire. La colonne vertébrale de Monster Magnet à l’œuvre, dans un registre plus fun, mais pour un résultat toujours à la hauteur. Comme à leur habitude le trio écrase la pédale d’accélérateur et fonce pleine balle droit devant… jusqu’à la panne sèche ! En effet le set s’arrête net faute de son de guitare, pour changer le jack, la tête d’ampli, puis l’ampli… Le problème réglé, le groupe reprend son set sans se laisser démonter, et récupèrera une poignée de minutes en fin de set pour compenser. Chapeau bas, merci pour la leçon !
BOKASSA
Avec le T-shirt Baroness du front man, sa voix stoner as hell et ses riffs idoines, on comprend pourquoi Bokassa revendique l’étiquette de Stoner punk (l’inverse marche aussi). Nous avons donc entamé notre première incartade hors Valley du week-end, propulsés par notre professionnalisme forcené tout autant que le manque de Vitamine D (le soleil ne manquera pas pour célébrer ce dernier jour de fest). Les norvégiens occupent largement l’espace d’une main stage de midi (usant des passerelles constituant le snakepit de Metallica, qui occupera la scène ce soir) et attirent nombre de curieux avec leur mélange de punk californien et de stoner rock énergique, qui rappelle occasionnellement un autre groupe “hybride” scandinave, Mustasch. Quoi qu’il en soit les mecs assurent le spectacle, peu effarouchés par une foule habituelle pour un groupe qui a déjà ouvert pour Metallica. Un set plus californien que punk et plus punk que stoner, mais le taf est bien fait, surtout avec un final plus groovy beaucoup plus proche de nos écoutes de prédilections.
YEAR OF NO LIGHT
Retour à la Valley pour du sale. Les Bordelais de Year of No Light font dans le post metal costaud et atmosphérique, dressant une ambiance musicale propice à la pause méridionale au calme sous la tente… Deux batteries sont installées (pas toujours utilisées, Bertrand navigant entre son clavier et le second kit de batterie) et martèlent les riffs de trois gratteux et d’un bassiste. Massif et tannique le groupe joue dans une cour musicale qui grignote peu à peu les créneaux de la Valley et visiblement gagne de plus en plus de public, ce n’est pas le prochain concert qui nous contredira.
REGARDE LES HOMMES TOMBER x HANGMAN’S CHAIR
La combinaison de ces deux groupes français est très attendue par le public, manifestement, et est somme toute représentative d’une partie importante de la programmation de la Valley ces dernières années. L’anxiogène formation éphémère délivre un art poisseux et malsain qui fait le plein de la Valley. Les curieux et candidats à la psychanalyse bourrent la tente et ils vont en avoir pour leur argent. RLHT c’est ce qui manquait de terrifiant à Hangman’s Chair, avec une orgie de guitares énervées et l’appui d’un chant hurlé grave qui place encore un peu plus haut la barre du terrorisme sonore. Les deux formations se cumulent donc sur scène (pas moins de neuf musiciens évoluent en même temps !) mais le chaos sonore que l’on pourrait craindre accouche finalement de quelque chose de profond et étonnamment assez “carré” : le travail de complémentarité a été efficacement mené, à l’image du partage des tâches pour les deux batteurs, ou de manière plus évidente pour les deux chanteurs. L’ensemble génère un objet musical bien structuré, massif et un concert solide et efficace… mais sombre.
UFOMMAMUT
La renaissance de Ufomammut après leur split semble prendre la tournure d’un vrai retour aux affaires. Même si leur dernier album n’est pas révolutionnaire, il montre un trio bien en place, vivant – et c’est exactement ce que le set d’aujourd’hui nous confirme. Avec leur nouveau batteur en fond de scène, le groupe ancre son set autour de la promo de Fenice, leur dernière galette – ce qui pour les anciens fans laisse quand même un goût amer, sorte de désaveu de la riche histoire du groupe. Les premières minutes du set viennent toutefois rassurer les plus intégristes : stylistiquement le groupe est toujours où on l’a connu, avec son doom-indus aux rythmiques martiales et aux riffs bulldozer répétés à l’envie. L’efficacité est ainsi toujours au rendez-vous, illustrée par les vagues de headbanging constatées dans la fosse, joliment garnie. Pour autant, on ne sort pas terrassés de cette prestation, comme cela eut pu être le cas sur certaines prestations de Ufo’ ces dernières années.
HANGMAN’S BLOOD
Petit détour derrière la Valley, sur la petite Hell Stage, pour assister au set des Hangman’s Blood, boueux et graveleux, comme à leur habitude. Sans fan base folle, les nantais attirent pourtant les curieux et le chanteur fait saillir les veines de son cou à hurler sa rage, les cordistes suent du manche alors que le batteur fait déferler ses frappes massives. On se prendrait à rêver de les voir sous la Valley avec un son gonflé aux hormones pour les laisser poutrer un peu leur auditoire de bon matin. Notre point de vue, “support your local scene”.
THOU
Le set des énigmatiques Thou était très attendu, et la Valley bruisse d’une sorte d’excitation. En effet, le groupe est rare sur les planches, discret sur les réseaux, et auréolé de quelques prestations exceptionnelles qui ont participé à leur réputation culte. Les premiers tours de roue nous laissent penser que la prestation du jour ne se rangera pas au même niveau. Il faut dire que de l’aveu même du groupe, Thou n’est pas un groupe forcément très fun à voir en live : l’attitude des musiciens est hétéroclite, allant du sérieux le plus total à la joie débonnaire, en passant par l’anxiété, mais globalement plutôt auto-centrée, avec peu d’interactions avec le public. Ce qui frappe ensuite c’est la prestation de Bryan Funck, sans barbe, ressemblant désormais à une sorte de sosie de Igor (ou plutôt Aïgor) du film Frankenstein Jr. : regard fixe, chant en coin, le vocaliste appuie sa maîtrise du chant sludge sur une solide section rythmique et des guitares acérées. Une avalanche d’un sludge efficace vient recouvrir le public. Ça craque, roule, souffle, rien ne doit survivre au choc, c’est écrit dans chaque mesure. La set list va piocher précisément dans chaque album et dans une poignée de chansons piochées dans leur quantité d’EP, compilations… Pas de parti pris très fort, ça joue sécure… Thou assied sa domination à grands coups de spots dans la gueule des premiers rangs du public qui, consentants, baissent la tête et headbangent de bon cœur. Efficace, mais pas exceptionnel.
EYEHATEGOD
Après un dernier album plutôt décevant, EyeHateGod avait pour mission de se racheter auprès de son public et son passage à Clisson, son jardin en quelque sorte puisqu’il s’agit de leur cinquième Hellfest. L’occasion de remettre le riff au milieu du village… Hélas, trois fois hélas, entre un problème d’ampli basse et un Jimmy Bower trop propre pour être honnête, le set lasse vite, malgré les facéties d’un Mike Williams qui peine à insuffler le danger qu’on lui connait. La Valley se déplume à mesure que le set avance. Rien ne se passe, la set list souffle le chaud et le froid, les riffs ne prennent pas, le concert ne décolle pas, à l’image des slammers, quasi-absents aujourd’hui alors que l’on a connu le groupe en déclencher des déluges ininterrompus – et ce n’est pas un gentillet circle pit qui vient changer le constat froid. Je quitte le concert avant la fin (c’est bien la première fois que cela m’arrive pour EHG), les yeux remplis de tristesse.
PENTAGRAM
Que vaut le quasi septuagénaire Bobby Liebling en live, après tant de déboires et démêlés, l’ayant même amené en prison ces dernières années ? Que vaut Pentagram sans Victor Griffin, que les aspirations religieuses exacerbées depuis le confinement ont éloigné de ses camarades ? Que vaut ce groupe de losers de génie, pour ses 50 ans ? La réponse est sans appel : tout l’or du monde. Sous une tente incandescente, peut être un poil attentiste au départ et très vite emportée par un tourbillon de bonheur, Pentagram déroule une set list efficace, porté par leur nouveau petit prodige à la guitare : Matt Goldsborough. Liebling est sûr de son talent, très en voix, multiplie les poses et facéties et régale son audience sur « Be Forewarned » ou « Forever My Queen » (enchainée par une version raccourcie de « 20 Buck Spin ») évidemment. Le concert du festival, tout simplement.
ORANGE GOBLIN
Le putain de Goblin contre Metallica, le combat du siècle ! Bien sûr, ceux qui sont venus s’en balancent de savoir s’il y aura un gagnant et vont gueuler leur hargne et leur amour de Orange Goblin pendant un set sans surprise d’une heure. Durant cette faille temporelle, cette tornade musicale, s’enchainent les classiques : “Scorpionica”, “Saruman’s Wish”… Lorsque le géant Ben Ward réclame un circle pit sur “The Filthy and the Few”, bien évidement on s’exécute. Le foutoir commence réellement sur “Acid Trial” – évidemment, le morceau en appelle à la furie, les slammers commencent à arriver et lorsqu’une fois de plus le frontman commande un wall of death sur “They Come Back”, celui-ci emporte la moitié de la fosse. Un titre plus tard, l’équipe de sécurité chargée de réceptionner les slammers montent au front et commencent à interpeller le public, debout sur les crash barrières. “The Devil’s Whip” les accompagne et c’est un raz de marée continu qui déborde la fosse et vient écraser ses vagues de slammers sur la barrière. Orange Goblin donne de l’amour comme lui seul peut en donner, remerciant le public d’être venu si nombreux et d’envahir la Valley. Le public le lui rend en hurlant, réactif comme pour une première fois alors que la plupart de fans ici présents en sont au moins à leur dixième fois. Depuis le pit photo, impossible de contempler autre chose que la furie du public, le spectacle n’est déjà presque plus sur scène et les slammers sont impossibles à compter alors que les anglais clôturent, magistraux, sur “Red Tide Rising”. Orange Goblin clôture le Hellfest, et finalement, le concert de ce fest, n’était-ce pas plutôt celui-ci ? Qu’importe ce qui à bien pu se passer sur une autre scène, ils ont gagné : Orange Goblin a arraché sa couronne à Metallica. Orange Fuckin’ Goblin, Baby !
Les muscles sont peut-être douloureux, les oreilles bourdonnent peut-être, les poches sous les yeux font probablement peur à voir, et sans doute que beaucoup de choses indiquent que c’était une épreuve pour nos corps peu habitués à s’entretenir… néanmoins c’est le sourire jusqu’aux oreilles et en secret le cœur gros que nous quittons cette 15ème édition du Hellfest, deux week-ends de bonheur, pleins de souvenirs et d’amitiés incroyables. Un moment hors de nos vies avec un gout d’indispensable. Hellfest, nous reviendrons encore l’an prochain pour tes concerts mais aussi pour ton ambiance et ceux que tu attires jusqu’à toi à chaque édition. A l’an prochain.
Rédacteurs : Sidney Résurrection (+Laurent, Iro22)
(Photos : Laurent)
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