Ca y est, après une petite accalmie estivale, les Stoned Gatherings ont entamé leur rentrée. C’est sous un ciel noir et peu accueillant que l’on arrive au Glazart pour assister à cette soirée déjà surnommée « la bûche ». L’affiche est à deux tiers française ce soir : les bretons de Stonebirds et les montpelliérois de ÖfÖ Am se chargent d’ouvrir les hostilités juste avant les américains de Jex Thoth, la tête d’affiche de la soirée. On peut donc parler de bûche tricolore, car après tout, le drapeau des Etats Unis est lui aussi bleu, blanc et rouge.
C’est à Stonebirds que revient la tâche ingrate de commencer les réjouissances sonores face à un public encore assez maigre. Depuis sa création en 2010, le line up du groupe n’est pas la seule chose à avoir changé. Passé de cinq membres à trois, Stonebirds a aussi troqué un stoner classique pour un style plus personnel, complexe et torturé. Le groupe a cessé de lorgner les déserts outre Atlantique pour trouver l’inspiration dans un paysage qui lui était bien plus connu, celui du Centre Bretagne (Kreiz Breizh pour les intimes), et ainsi se forger une identité propre et singulière. L’alchimie opère et le résultat est captivant. Même si l’influence de Kyuss reste manifeste, le groupe évolue dans un univers beaucoup plus sludge, poisseux et marécageux, porté par la voix tantôt criarde tantôt assagie du guitariste Fanch et par les back vocals du bassiste Sylvain. On pense à Kylesa, à un My Sleeping Karma plus anxiogène, parfois à Mastodon… Pour notre plus grand plaisir, la palette sonore du groupe ratisse large, et les paysages de tourbières défilent sans rien avoir à envier aux cactus californiens. Malgré cela, le public ne semble pas franchement réceptif et reste très silencieux et calme. Peut être qu’un peu plus d’énergie de la part du groupe aurait été bienvenue pour secouer l’audience et la sortir de sa légère léthargie. Quoiqu’il en soit, on est musicalement conquis. Dehors il s’est mis à pleuvoir, la musique de Stonebirds a porté ses fruits.
Après s’être rapidement lesté l’estomac d’un excellent sandwich vietnamien du food truck Banh Mi Road, on rejoint une salle un peu plus remplie pour ÖfÖ Am. Les trois gars de Montpellier pratiquent un stoner instrumental avec un bon penchant hard rock. On ne sera pas surpris d’apprendre que le groupe a sorti un split album avec Karma To Burn en 2010, tant leur musique fait penser à celle des américains. Les morceaux sont courts et vont droit au but, les riffs sont bien construits et entrainants, la basse est ronde et heavy, le batteur est énervé, bref, la formule est classique mais efficace. Pour preuve, l’énergie envoyée par le groupe commence à gagner doucement le public qui se réveille petit à petit. Entre deux morceaux, le bassiste déclare sa flamme à la chanteuse de Jex Thoth : « Elle chante bien, OK, mais putain ce qu’elle est belle ! ». Nous voilà rassurés, nous ne sommes donc pas les seuls à être sous son charme. C’est d’ailleurs à elle d’entrer en scène.
Une odeur d’encens a envahi le Glazart, et la scène est plongée dans une pénombre où seules des bougies boursouflées par la cire dégoulinante apportent un peu de lumière. On aperçoit aussi quelques bois de cerf. Pas de doute, c’est maintenant au tour de Jex Thoth. La chanteuse habillée d’une courte cape noire et de bottines fait son entrée et entame « To Bury », titre introductif de leur dernier album en date. Si le groupe a pour nom celui de sa chanteuse, ce n’est pas sans raison. La star du groupe, c’est indéniablement elle. Sa présence scénique est incroyable, au point qu’elle arrive à éclipser complètement les autres musiciens. Entre transes orgasmiques, interactions avec le public et mouvements suggérant une possession démoniaque, elle capte toute l’attention. Dans cette ambiance propice à une séance de ouija entre amis, Jex Thoth allie les bases du doom à la légèreté de la voix douce et suave de notre blondinette, pour un résultat sonore semblant venu d’une autre époque. Et Jex Thoth c’est précisément ça, une sorte de Grace Slick pratiquant la magie noire en tenue hippie. Le concert est envoutant, servi par un son d’une qualité impeccable, et c’est la bave aux lèvres et les yeux écarquillés que l’on fixe béatement la chanteuse dans tous ses déplacements, grande prêtresse prêchant la diabolique parole du doom face à un parterre de fanatiques. On regrettera juste une sortie de scène un peu brutale, sans un mot ni geste pour le public. À trop vouloir jouer la comédie, on en oublie les règles de bienséances.
En définitive, une belle soirée assez éclectique grâce aux Stoned Gatherings, qui fêtent leur 5 ans cet automne. Joyeux anniversaire et merci à eux !
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