Une telle affiche méritait bien les quelques centaines de kilomètres de route nécessaires pour rejoindre cette salle superbe et atypique qu’est le Cafe Antzokia, à Bilbao : une salle en plein centre ville, une sorte d’ancien théâtre ou salle de bal avec balcons, un superbe escalier majestueux et une déco à l’avenant.
On est en revanche un peu dépité lorsque, à la minute où les néerlandais de KOMATSU montent sur scène, la salle est quasiment vide… Heureusement, les premiers accords du quatuor batave font rentrer ces branleurs d’espagnols qui étaient probablement en train de finir leurs tapas sur le trottoir (on n’est pas à un cliché près, hein). Quoi qu’il en soit, l’ambiance se réchauffe assez vite grâce à une salle à moitié pleine, mais surtout grâce à la musique du combo. Le stoner rock très massif de KOMATSU fonctionne bien, et l’effet “découverte” marche à plein. Sur scène, c’est clairement Mo, le chanteur / guitariste, qui porte la responsabilité de frontman du combo, que ce soit à travers ses vocaux percutants ou ses parties de gratte robustes. Pas loin derrière, Martijn à la basse se démène comme un beau diable pour tirer sa part de la lumière, quitte à friser le ridicule avec ses poses de bass-hero et son habitude de finir le dernier titre dans le public (un public un peu clairsemé dans ses premiers rangs ce soir durant leur set, l’effet n’étant donc pas génial pour le pauvre bassiste qui s’attendait sans doute à une furie de stoner-metal dans le pit…). On passera pudiquement sous silence la prestation toute aseptisée de l’autre guitariste Stephan, et on s’étonnera de ne pas retrouver la batteuse Miriam, apparemment fraîchement remplacée par un nouveau batteur qui, ma foi, fait le job. Bref, sur scène ça bastonne bien, les nombreux passages instru sont toujours bien virils et les compos accrocheuses. Gros point fort : le set dure trente minutes pétantes, soit exactement la bonne durée pour ne pas s’ennuyer !
L’ingé son a un sens de l’humour bien particulier, n’hésitant pas à balancer du QOTSA pendant le court quart d’heure qui suffira à STEAK pour investir la scène et faire son line-check rapido-presto. Un peu trop rapido peut-être, étant donné que le quatuor briton bataille pendant les deux premiers titres pour ajuster ses retours et qu’en salle le son n’est pas encore au top. Mais les choses rentrent vite dans le rang, et la salle, désormais quasi pleine, commence à voir apparaître la cohérence musicale de cette belle affiche : clairement, Steak ce soir représente le chaînon manquant entre le stoner rock “européen” (un petit peu “à la scandinave”, quoi) et le desert rock U.S. le plus aride. Scéniquement, les zicos sont quand même assez introspectifs, surtout la section rythmique, qui illustre complètement le concept de flegme britannique. Reece Tee abat un boulot sur ses parties de guitare qui le dispensent de facto de faire le mariole sur scène : ses rythmiques tranchantes n’ont d’égales que ses soli percutants. Kippa, le chanteur capilairement approximatif ce soir (il est assez rare en y réfléchissant de trouver des vocalistes dédiés parmi les groupes que nous affectionnons, cette tâche revenant souvent au gratteux le moins mauvais, voire, pire, à un bassiste…), assure lui aussi son rôle de frontman, malheureusement sans trop communiquer avec le public, évoluant étrangement sur scène (voir ce titre joué devant les retours, côté public mais… dos au public !), le plus souvent les yeux fermés. Côté compos, les titres sont longs et sinueux, et pour ma part je retiendrai dans ce schéma le toujours somptueux “Liquid Gold”. Le public est bien dedans, mais toujours dans cet “entre-deux” un peu étrange que génère la musique de Steak sur scène : on n’est jamais dans un ennui profond, mais jamais non plus dans la folie qu’on les croit toujours capable de générer. Toujours ce satané groupe qui ne parvient pas à transformer l’essai (scéniquement ou sur album – voir leur dernier album, très bon mais toujours pas excellent), alors qu’on est tous persuadés de leur talent. On reste patient en attendant l’explosion, mais va pas falloir qu’ils nous fassent végéter longtemps non plus… Plus étonnant que pour Komatsu, c’est seulement 35 minutes qui sont allouées aux anglais, qui auraient sans doute, eux, tiré profit d’un petit rab d’un ou deux titres…
C’est sur un instru vaguement dérivé du pourtant attendu “Caterpillar March” que le trio instrumental du backing band de JOHN GARCIA entame son set. Et c’est sur le groovy “Rolling Stoned” que le desert messiah rejoint le trinôme. Le gaillard est en forme, bien plus que sur certaines de ses récentes interventions Vista Chino-iennes notamment : déhanchements et manipulations de pieds de micros caractéristiques, sourires occasionnels… Il revit ! Alors qu’il glisse très rapidement un “One Inch Man” dans la set list (carton assuré dès l’intro), c’est quand même sur son catalogue propre qu’il forge son set, le constat ne souffre d’aucune contestation. “My Mind”, “The blvd”, “Flower”… Et les autres ! Au final, seuls deux ou trois extraits de sa galette solo ne seront pas jouées ce soir. D’un autre côté, difficile de lui en vouloir, on sait les titres pas mauvais, et par ailleurs, force est de constater qu’ils passent haut la main l’épreuve du live. Mention spéciale à “5000 Miles” qui fonctionne particulièrement bien. En revanche, les vrais pics d’effervescence du public (qui désormais blinde la grande salle) sont atteints sur les différentes occurrences Kyussiennes, ne nous leurrons pas. Le chanteur se livre par ailleurs à une revue très particulière de la carrière de Kyuss, avec de gros focus sur “Blues…” et sur “… Circus”… (c’est râlant de voir ainsi presque zappé “Sky Valley”, uniquement représenté par le modeste “Supa Scoopa and Mighty Scoop”).
Aux deux tiers du set environ, Garcia s’éclipse pour mieux mettre en lumière ses trois compères, qui s’illustrent alors sur un titre instrumental bien charpenté (clairement pas improvisé : un titre bien carré, efficace, à l’image de ce qu’auraient pu composer les Karma To Burn de leur vivant, en plus répétitif peut-être). Faut dire que nos lascars n’avaient jusqu’ici pas vraiment marqué le public : même si impeccables musicalement, on ne peut pas dire qu’on ait été jusque là étouffés par la densité scénique du trio, exception faire de Greg Saenz, un tueur à la batterie. Mike Pygmie fait le taf et évolue sur ses 2 mètres carrés de scène avec sa mine renfrognée et en regardant aléatoirement ses baskets, son manche de basse, ou le fond de la scène. Le bât blesse un peu plus face au guitariste Ehren Groban, guitariste très doué par ailleurs, mais doté du charisme d’une crêpe au sucre. Il n’y a que quand il lève le pied pour appuyer sur une pédale d’effet qu’on est sûr qu’il ne s’est pas endormi sur son manche, objet de toute sa concentration… Heureusement son t-shirt “tie dye” importé en droite ligne des pires heures des eighties nous pique assez les yeux pour ne pas nous endormir quand on lui adresse un regard…
Mais le public s’en fiche, au final il est venu pour Garcia, et il a ce qu’il voulait, même si une set list plus orientée “Kyuss” aurait forcément plus cartonné. Une doublette Slo-Burn plutôt maline pointe le bout du nez vers la fin du set, avec “July” (qui tombe un peu à plat devant un public finalement pas si averti que ça) enchaîné avec la version “Garcia” de “Cactus Jumper” (“All these walls”). Et là, constat effarant (qui ne nous avait pas marqué jusqu’ici), Dieu ouvre la bouche à destination de ses apôtres ! Et oui, il aura fallu attendre une grosse heure de set, une petite quinzaine de chansons, pour que Monsieur Garcia s’enquérisse de l’humeur de son public en lui adressant la parole pour la première fois de la soirée ! Alors qu’il engage un “Supa Scoopa…” des familles, on se dit que les planètes sont alignées et que l’explosion attendue est imminente. Et… fini ! Le groupe quitte la scène… Un petit moment de doute passe avant de voir le public revenir pour ce qu’on imagine un baroud d’honneur en bonne et due forme, sentiment confirmé par le choix d’un “Green Machine” qui fait de sérieux dégâts dans un pit devenu incandescent. Pouvant se reposer sur des braises ardentes, c’est le moment que choisit le groupe pour… quitter à nouveau la scène, sans rappel cette fois ! Toujours pas de “Whitewater”, prévu sur la set list quasiment chaque soir…
Mais à l’heure du bilan, finalement, quasiment que du positif : deux très bonnes premières parties, et un set de Garcia qui en a donné pour son argent à un public qui ne demandait pas autre chose (un peu de Kyuss, un Garcia en forme, quelques raretés…). Le bilan est donc très positif, et cette affiche de qualité aura séduit la quasi-totalité de l’assistance. Force est toutefois de constater que le “format” de carrière de John Garcia s’éloigne de plus en plus largement du tribute band qu’inconsciemment, tous les fans de Kyuss espèrent trouver… Mais donnons-lui sa chance !
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