KEEP IT LOW Festival – Jour 1 (Monolord, Messa, Russian Circles,…) – 11/10/2024 – Backstage, Munich (Allemagne)

Sans vraiment que l’on sache pourquoi, le festival Keep It Low, qui se tient pour la 10ème fois à Munich, passe sous les radars de la plupart des médias et spectateurs francophones, qui lui préfèrent des options plus standards, même si moins qualitatives. Quand nous avons pris connaissance, une fois de plus, de l’affiche proposée, nous n’avons pas hésité longtemps et avons posé nos valises en terres bavaroises en ce vendredi matin. A noter aussi pour l’anecdote que 2024 sera « une année sans » – comprendre « sans Colour Haze », qui est le headliner naturel du festival pour plus d’une édition sur deux depuis sa création, une sorte de tradition !

Le festival se tient depuis deux ans maintenant dans le très bien fichu complexe Backstage, un site qui propose une belle grande salle, la Werck (capacité d’un millier de personnes environ), bénéficiant d’une énorme fosse en contrebas, ce qui permet à une grande part de l’assistance de trouver des points de vue dégagés sur la scène un peu partout dans la salle. Cette salle est complétée de deux salles plus petites, la Halle, déjà fort conséquente, et sa voisine, le Club, plus petite mais de bonne taille elle aussi (dotée en sus d’une très pratique mezzanine). Les trajets d’une salle à l’autre se font en à peine quelques dizaines de pas, et le complexe est truffé de petits espaces détente, recoins, bancs, terrasses, coins de verdures, avec plusieurs food trucks disséminés sur le site…

 

 


GRAND MASSIVE

Terrible ! Les hostilités débutent du côté lourd de la galaxie qui nous occupe : les Germains déploient un doom très métallique qui a parfois des allures de vieux Metallica déployé en lenteur ainsi qu’en lourdeur. Cette première prestation dans la salle intermédiaire Halle annoncera la couleur pour les photographes – rares – dans l’assistance : ce sera très rouge, nébuleux et exempt d’éclairage en façade… et ce sera ainsi durant les 2 jours… et ce sera pareil sur les 3 scènes ; ça a fait des heureux (vous pouvez nous croire sur parole) ! Sinon, avec la délicatesse d’un rhinocéros en tutu twerkant au milieu des souffleurs de verre de Murano, les Allemands convainquent rapidement les lourdaux, les hippies se rattraperont plus tard. Avec « Revolution Waltz » c’est toute l’assistance qui vibre sous les coups de boutoirs assénés sur scène. Simple et très efficace, le set connaîtra son point d’orgue avec « Taurus » dont la rythmique pachydermique est exemplaire. Une belle baffe pour débuter avec un groupe qui a croisé sur le sillon quelques formations un temps dans notre viseur comme Mustasch ou Sparzanza…


REZN

C’est aux américains de REZN que revient l’honneur d’assurer le premier concert du festival dans la grande salle Werck, qui est déjà remplie ! L’attente est donc grande côté public, mais c’est sans pression que le quatuor prend la scène, avec sobriété et aucun effet de manche : peu de communication avec le public et lights vaporeuses avec beaucoup de contre jour : c’est la musique qui fait le job ! La scénographie est réduite à sa portion congrue : les musiciens sont impliqués et appliqués, ça joue bien, mais ça bouge peu (mention spéciale à Patrick Dunn, posé derrière son clavier, qui s’empare d’un saxo au besoin). Côté musique, le quartet propose pour commencer deux extraits de son réussi dernier album, avec « Instinct » et « Chasm », propices à quelques plans aériens et d’autres bien lourds – un bon résumé de ce set finalement ! Pour le reste, la set list va évidemment piocher dans les meilleurs titres de leurs trois derniers albums, avec assez peu de surprises. Un notera une très belle version de « Possession », qui recevra un bel accueil. Le groupe aura proposé un set riche et exigeant, entre stoner , doom, psych rock, post rock… Les étiquettes virevoltent mais le public reste captivé tout du long.


“SECRET BAND” : DIRTY SOUND MAGNET

Le mystérieux groupe secret que l’affiche teasait depuis sa publication allait étrenner la scène dite Club. La surprise bien gardée nous vient de Suisse puisque nous reconnaissons le trio Dirty Sound Magnet, déjà croisé à Berlin cette année notamment. Invités de dernière minute (les gars étaient par hasard à Munich en day off ce jour-là et ont proposé de jouer plutôt que de faire les touristes), les Helvètes balanceront un set séduisant dans une salle conférant à ces instants un rendu club bienvenu, qui nous renvoie quelques années en arrière alors que le trio n’avait pas encore acquis sa renommée actuelle. Le retour dans le temps a aussi été opéré avec « Social Media Boy » que le combo trimbale avec lui depuis quelques années déjà. Le set se déroule facilement, les mecs ont de la bouteille et enchaînent naturellement, annonçant au public munichois qu’ils seront de retour dans leur ville en février prochain. En guise de final super envoûtant : 10 bonnes minutes de jam articulée autour du noyau de « Meet The Shaman ». Une surprise comme on les aime bien ; c’était la grande classe !


SPECK

Le concert a déjà commencé depuis quelques minutes quand nous mettons les pieds dans une halle assez bien remplie, et il nous apparaît très vite que, scéniquement, nous n’avons probablement pas raté d’événement majeur. En effet, les dizaines de minutes suivantes défilent sans que quasiment rien ne bouge sur scène (à peine les lights – et encore…) : le guitariste Marcel Cultrera et la bassiste Lisa Winkelmüller se font presque face – tout au plus effectuent-t-ils quelques pas et esquissent-ils quelques émotions sincères – tandis que le batteur Patrick Säuerl aligne ses patterns dans la pénombre en fond de scène. Mais ce statisme est-il un problème ? Diantre non, et le public agglutiné dans les premiers rangs, dodelinant en souriant béatement, parfois les yeux fermés, pense comme nous : le psych rock ultra lancinant et répétitif du jeune trio autrichien est parfaitement maîtrisé, emmené par des rythmiques kraut hypnotiques à souhait. Les membres du groupe sont complètement immergés dans leur trip, en quasi-symbiose avec un public conquis. Un très bon set.


MESSA

Le déplacement vers la main stage est court et la “redescente” après ce trip planant à souhait n’est pas trop violente tandis que Messa commence à distribuer ses premiers accords lents et lourds. On passe d’une ambiance à l’autre sans violence, et les riffs doom atmosphériques par lesquels le quartet transalpin entame son set sont parfaits pour mettre en place l’ambiance habituelle d’un concert de Messa. Nous n’avions pas vu le groupe depuis de nombreux mois sur scène, et ce retour aux affaires est peu ou prou sans surprise : dans un light show ténébreux (notez le dénominateur commun des concerts du week-end, probablement supervisés par un ingé lumières neurasthénique), les quatre musiciens interprètent leurs titres en restant concentrés sur leur tâche, sans outrance scénique. C’est en particulier le cas de Sara : la vocaliste, en front-woman modeste, assure ses lignes de chant avec conviction, mais s’efface sur les parties instrumentales. Le focus est donc fait sur la musique, et de ce côté là non plus, pas de grande surprise : le groupe est dans sa zone de confort avec ce doom lent et pesant qu’il tisse durant 50 minutes, sur lesquels viennent se poser les lignes de chant gracieuses et subtiles de Sara. Les titres choisis sont là aussi sans surprise : le quartet pioche largement dans les meilleurs titres de Close, jouera « Leah » bien entendu, « Dark Horse »… Résultat : encore un bon concert de Messa, même si l’on en vient à trouver ça un peu routinier – ça manque un peu du “frisson” des moments d’exception… Mais le concert reste excellent, et la salle, bien remplie et hochant de la tête en rythme pendant presque une heure, semble acquiescer.


VALLEY OF THE SUN


La salle Halle est pleine comme un œuf tandis que le trio américain entame son set… 5 minutes en avance sur l’horaire ! C’est déjà difficile d’assister à tous les concerts, si en plus on nous met des bâtons dans les roues… D’autant plus qu’il ne faut pas longtemps pour prendre conscience que parmi les concerts qu’il ne fallait pas manquer aujourd’hui, celui de Valley of the Sun figure en bonne place. De manière assez étonnante pour un groupe en promo de son dernier disque, il entame son set par la triplette introductive de son vieux classique The Sayings of the Seers (2011), à commencer par le rageur « Hearts Aflame » et son riff en titane. Le gros stoner rock fuzzé du trio, très mélodique et qui assume son héritage blues rock /  heavy rock, est super efficace, et les titres suivants n’en seront que des illustrations supplémentaires, avec des extraits du dernier disque parfaitement intégrés. Ryan Ferrier, solide frontman, même si un peu taciturne, délivre riff après riff, et son chant, puissant et efficace, transcende les compos. Sa section rythmique finit de consolider l’ouvrage qui maintient le public en tension : ça headbangue, ça pogote, ça slamme… Une belle ambiance qui ne faiblira pas pendant presque une heure qui défilera à vitesse grand V.


LURCH

Le quatuor viennois, annoncé en fin de semaine passée sur l’affiche du prochain Freak Valley, prend ses quartiers dans le minuscule Club pour un set débutant avant la fin de Valley of the Sun et terminant durant Monolord : c’est donc compliqué de rameuter le peuple, mais il y a du monde quand-même. Les Autrichiennes envoient un rock fuzzé et daté qui aime à se perdre dans des plans psychédéliques. C’est frais, très frais et ça tient plutôt bien la route en échangeant en allemand avec le public présent (on n’aura pas tout capté). Nouvelle venue dans la galaxie stoner européenne, la formation est très à l’aise sur scène et tient bien la route ; les nuques oscillent et tout le monde a la banane ; que demander de plus ?


MONOLORD

La formation de Göteborg se retrouve très naturellement bien placée sur l’affiche de cette première journée qui, au passage, est clairement au-dessous de la guerre annoncée le lendemain. C’est sous la forme d’un quatuor que les Scandinaves peaufinent leur préparation alors que nous nous plaçons dans le pit photo histoire de tenter de capter quelques plans potables en espérant que le lighteux soit un peu fantaisiste… Durant cette phase d’approche, nous notons deux éléments d’une importance inégale: le bassiste Mika Häkki ne nous gratifie pas d’une toge – il soigne son image tout de même et sera à nouveau le contributeur principal du rendu visuel de ce set – et Per Wiberg est de la partie. Le multi-instrumentiste venu du froid aura un impact certain sur cette prestation de grande classe. Le gaillard n’est pas le rookie de l’année et son CV comprend notamment Spiritual Beggars, Opeth, Kamchatka, Arch Enemy ou Candlemass dans des fonctions différentes ; excusez du peu. Le set, lourd bien sûr, ira piocher dans l’intégralité des long formats commis par ce groupe hors norme qui arrive toujours à nous emballer en évoluant sans pour autant nous trahir. « The Weary » avec ses coups de massue hypnotiques a débuté les hostilités en annonçant la lourdeur omniprésente jusqu’au final sur un « Rust » soigné aux petits oignons. Difficile de citer un titre en particulier tellement la performance était qualitative, mais franchement quel plaisir de se cogner « Cursing The One » sorti il y a 9 ans (quand le groupe n’avait pas son statut actuel) bonifié par le temps et la configuration du jour, ou évidemment le classique « Empress Rising », qui fait éructer le public dès les premières notes de guitare emblématiques. Ah ouais, on oubliait : les lights ont finalement été vaguement OK pour la première fois du fest et on peut partager avec vous des clichés captés dans des conditions presque normales.


SCORPION CHILD

Scorpion Child monte sur la scène Halle et ne laisse pas longtemps douter ceux qui ne savent pas dans quel environnement musical baigne le quintette : le cheveu est long (et sent parfois le brushing), le jean est moulant, la ceinture est à clous, le débardeur noir est omniprésent… On est dans le Hard rock 80’s le plus pur ! Et comme on peut l’attendre pour ce style musical, le groupe déploie une belle énergie : les musiciens arpentent la scène en tous sens et jouent le jeu à fond. L’interprétation est évidemment sans faille, on mange du solo à gogo… Tout cela est très bien fait et très plaisant. Malheureusement ça ne semble pas correspondre aux envies du “grand public”, car on circule bien dans la salle. En revanche, comme nous, le public présent apprécie ce concert fort qualitatif.


DAEVAR

Après s’être fait botter le cul à Berlin au printemps, la même moitié du binôme Desert-Rock dépêché dans la place trépignait d’impatience quant à cette prestation malheureusement coincée sur la petite scène. Il faut dire que le show débute alors que le scorpion pique encore dans la Halle et se terminera sans nous, et sans les amateurs de sensations épicées, partis sur la grosse scène faire des cercles avec les Russes. On regrettera d’ailleurs la ponctualité approximative de ces derniers qui nous empêcheront d’assister à la fin du show des Germains alors que ça teste encore le son sur la grande salle Werck. L’impatience a toutefois payé : on prend les mêmes et on recommence ; le trio maîtrise son art et les déclarations solennelles font à nouveau mouche et entraînent des applaudissements nourris. Le public dans la place peine à appréhender la surface à disposition pour aller taper du pied dans la salle : il y a de la place à l’étage, il y a même de la place dans le pit, mais non, les quidams demeurent statiques dans l’entrée, coincés entre le bar (on comprend qu’après l’Oktoberfest il faut un peu se rattraper) et la porte d’entrée. Daevar est à la hauteur des attentes avec son doom incisif, métronomique aux rythmiques plombées sur lesquels le gratteux à casquette Caspar déploie des riffs imparables en soutien aux vocaux aériens de la souriante Pardis.


RUSSIAN CIRCLES

Même s’il détonne un peu sur une affiche qui ne s’acoquine pas trop avec le post metal cette année, Russian Circles semble attendu par une bonne part du public munichois ce soir – un public qui doit patienter un peu avant le début du set, le groupe étant encore tranquillement en train d’effectuer son sound check à l’heure où normalement ses premiers riffs étaient attendus (notable, dans un festival qui sur deux jours aura été organisé à la perfection). Le set commence, et on est rassurés : aucun choc culturel ou sonore à craindre ce soir, le trio de Chicago, en tournée en ce moment avec REZN, est coutumier d’un post metal aux forts relents doom, parfois pas si éloigné de formations stoner doom plus familières des publics de festivals de ce type. D’ailleurs, la démonstration ne se fait pas attendre : les riffs balourds des deux classiques « 309 » et « Harper Lewis » viennent cueillir le public à froid qui, consentant, se fera rouler dessus avec un certain plaisir masochiste pendant 1h20. Le concert déroule ainsi, avec un light show bien adapté pour accompagner une prestation scénique par ailleurs assez rudimentaire de la part des musiciens. C’est bien la musique qui prévaut ici, et de ce côté-là le groupe a choisi de belles pièces pour constituer sa set list, piochant aléatoirement dans sa vaste discographie, mêlant plans plus atmosphériques et riffs rouleaux compresseurs, dans un ensemble full-instrumental qui vient finir de vider nos cerveaux déjà bien entamés par cette journée haute en émotions.


 

C’est donc exsangues et vides d’énergie que vos serviteurs regagneront leurs pénates pour collecter quelques heures de sommeil bien nécessaires pour raviver nos vieux corps fatigués. C’est le cœur lourd que nous raterons la prestation probablement fiévreuse des thrashers crossover de Zerre, que nous avions déjà vus à Berlin, et qui à n’en pas douter auront explosé les restes de cerveaux disponibles des derniers festivaliers.

 

[A SUIVRE]

Par Chris & Laurent

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