C’est le cœur léger que nous gagnons ce bon vieux Santana 27, une belle salle de concert de Bilbao, où, il y a quelques année,s nous avions assisté à quelques éditions de ce sympathique festival : le Kristonfest. Sauf qu’en 2017, après 5 belles éditions bilbayennes, le festival se délocalisa vers la capitale, Madrid. Après quelques années sous ce format, le festival semble avoir trouvé la formule idéale, avec un festival sur une journée, mais sur deux dates consécutives, une dans chaque ville !
UNIDA
Le public est déjà présent en bonne quantité quand le quatuor californien prend la scène. Pour ceux qui ont raté quelques wagons, aujourd’hui Unida c’est évidemment la paire Arthur Seay / Mike Cancino, accompagnés par le bassiste Collyn Mc Coy (Ed Mundell’s Ultra Electric Mega Galactic, Aboleth,…) et, depuis plus de deux ans, du chanteur Mark Sunshine (Riotgod) en lieu et place du charismatique John Garcia. Pas vraiment de surprise donc concernant la formation, et pas non plus sur la set list, en particulier sur les premiers titres, avec un fort bel enchainement de tubes du groupe (“Wet Pussycat”, “Thorn”, une superbe version de “Stray”,…). Côté interprétation, on est habitués : Arthur est un très bon client, il joue chaque solo comme si sa vie en dépendait et vit chaque riff comme si c’était le dernier. Il sourit, grimace, bouge… Il tient la scène. McCoy est à l’aise dans son jeu (quel groove, quelle aisance…) et sur scène, comme Mike Cancino – la paire rythmique du groupe n’en fait pas des caisses, mais abat un beau boulot. Quant à Sunshine, il assume son rôle de frontman, ses pas de danse et postures cambrées un peu décalées deviennent habituelles, et sa voix, naturellement pas trop éloignée de Garcia, a le mérite de ne pas le singer non plus. La set list continue à enquiller quelques pépites, qu’il s’agisse d’autres classiques du groupe, des titres plus rares (“Delta Alba Plex” ou “If Only Two”) ou même d’un inédit (à voir sur album, mais bon feeling pour un titre plutôt calme et groovy). Après une énorme version de “Black Woman” (où Seay finit dans le public) le groupe remonte sur scène, pour se faire spécifier par le régisseur que le créneau horaire est fini… Une heure de set, c’est déjà généreux, mais “MFNO” passe à l’as, et la frustration de quitter abruptement la scène se sent chez les musiciens – mais pas du côté du public, heureux d’avoir assisté à un bon set du groupe.
PENTAGRAM
On a assisté à Berlin il y a quelques semaines (live report ici) au dernier concert de Pentagram sous l’une de ses incarnations les plus classiques (avec en particulier son emblématique bassiste Greg Turley) dans le cadre de sa tournée d’adieux. Depuis, le groupe a annoncé un nouvel album à venir (le chant du cygne ?) et donc quelques date de concerts supplémentaires (les dernières ?), le tout avec une autre formation : autour de l’indéboulonnable Liebling, on retrouve désormais le touche-à-tout Tony Reed (Mos Generator entre autres, et accessoirement ingénieur du son sur le nouvel album), son bassiste Scooter Haslip, et Henry Vasquez, batteur de plusieurs formations cultes de doom metal (St Vitus, Spirit Caravan… ce soir il excellera vraiment sur les titres doom les plus lents). Un line up fait de bric et de broc, qui forcément suscite bon nombre d’interrogations… vite balayées tandis que le groupe lance une belle intro, avec un “Bloodlust” sorti de nulle part (un beau riff très rarement – voire jamais – joué live) puis une doublette convaincante de classiques (“Starlady” / “The Ghoul”). Pas de doute, les zicos assurent à la perfection. Côté feeling et présence scénique, on verra à l’usage, car forcément pour un premier concert les gars sont concentrés.
Une grosse surprise : le groupe interprète rien moins que CINQ (!) nouvelles chansons ce soir ! Logique finalement vu que ce sont des titres que les musiciens viennent d’enregistrer ensemble, mais un peu déstabilisant pour le fanatique (un peu trop habitué peut-être à des set lists un peu répétitives ces dernières années, reconnaissons-le). Forcément, donc, quelques standards sont cruellement absents ce soir (point de “Be Forewarned”, “Relentless” ou autres “Last Daze Here”…), mais au profit de quelques extraits permettant de se faire une opinion très brève du prochain disque (spoiler : ça a l’air pas mal, quelques titres sonnent très classiques). Même si on a connu Bobbly plus flamboyant et outrancier, il est en forme, câline toujours son guitariste, déploie mimiques et pas de danses improbables entre ses lignes de chant assurées – toujours – à la perfection. Pas le concert le plus incroyable que l’on ait vu de Pentagram, mais difficile d’y critiquer quoi que ce soit – a fortiori pour un groupe “en rodage” qui a bien fait le taf !
MONSTER MAGNET
Petite tension en attendant les headliner de la soirée, car nous avons entendu que, du fait d’un Dave Wyndorf malade, le groupe a dû raccourcir un peu ses set lists il y a quelques jours. La présence d’un tabouret en front de scène, avec une tablette surélevée pour les pédales d’effets, nous donnent quelques indices sur l’état de santé du frontman du groupe. Pour autant, c’est avec le sourire que Wyndorf gagne sa place, alors que le groupe enclenche un impeccable “Dopes to Infinity” associé à un massif “Tractor”. Premier constat : la qualité du son aura été crescendo ce soir, et la mise en son de Magnet est juste impeccable. Le gros de la set list qui vient ensuite vient pour beaucoup piocher dans les pans les plus “space rock” de Magnet : “Superjudge”, “Zodiac Lung”, “Look to Your Orb”, le rare “Ego the Living Planet”… Même s’il vient “trancher” cette série plutôt envoûtante par le nerveux et fédérateur “Negasonic Teenage Warhead”, cette set list, dans son intention, est non seulement un gros flashback (pas UN SEUL titre de ce soir n’a été écrit après 1998 !) mais vise aussi à donner à cette tournée une tonalité space rock peut-être plus marquée que les tournées précédentes. C’est aussi la “couleur” qu’ils donnent à chaque fois à leurs tournées qui rend ce groupe si attachant…
Côté spectacle, c’est plus pauvre, évidemment : même si Wyndorf n’a jamais été un feu follet sur scène, assis sur son tabouret, à triturer ses pédales d’effet et gratouiller sa guitare, il ne transmet pas une forte dynamique scénique. La paire de bretteurs Caivano / Sweeny n’est pas la plus statique du genre, mais pas la plus dynamique non plus (et ne parlons pas d’Alec Morton, impeccable à la basse, mais quasi-immobile en fond de scène). Vous me baignez tout ça dans une lumière sombre blafarde entre le verdâtre et le mauve et vous réunissez tous les éléments pour une composition scénique un peu morne. Wyndorf quant à lui, ne donne pas tant l’impression d’être malade : certes, ce n’est pas son énergie et son jeu de guitare qui viennent étourdir le public, mais ainsi immobilisé, le frontman se concentre sur son chant qui est… nickel. Impeccable, remarquable même, le chanteur incarne d’autant plus ses paroles, il module plus, s’exprime (mimiques)… Rien à redire ! Quand il remonte sur scène pour un rappel sur “Space Lord”, il lutte un peu (et tousse sur le côté entre chaque mesure) pour rappeler qu’il est vraiment malade, mais soyons honnêtes, ça n’a pas véritablement impacté le concert. Il en est de même de la set list, supposément raccourcie sur les concerts précédents : ils ont ce soir joué environ 80 minutes, ce qui dans un contexte de petit festival est assez généreux.
Bref, comme pour Pentagram plus tôt, s’il ne s’agit pas du meilleur set de Magnet auquel on ait assisté, il s’agissait néanmoins d’un bon cru. Set list audacieuse et originale, interprétation impeccable (même si un peu crispée – bien compréhensible vue la situation dégradée), difficile dans ce contexte de présumer que quelques jours plus tard le groupe se verrait, à Paris, obligé d’arrêter son concert au bout de quelques minutes, Wyndorf étant trop malade pour continuer.
Ce retour en terres basques pour le Kristonfest est une franche réussite. Trois groupes triés sur le volet (rappelons que suite à l’annulation de Masters of Reality, l’orga a ramené Pentagram pour un remplacement de bon niveau), une salle impeccable, un public cool pour une bonne ambiance… Toutes les conditions étaient réunies pour une bonne soirée – et c’est exactement ce que nous avons eu !
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