KEEP IT LOW Festival, Jour 2 (Elder, Wo Fat, Lowrider, The Well, Sasquatch…) – 20/10/2018 – Munich (Allemagne)

Nouvelle journée ensoleillée sur Munich ! La météo idéale pour aller s’enfermer de longues heures dans l’obscurité de salles emplies de fumigène et de vapeurs éthyliques. On attaque cette fois-ci un peu avant 16 h et pour presque le double de groupes par rapport à la veille. Et pas des moindres. Pour l’occasion, le Feierwerk met à disposition sa troisième salle : l’Orange H. Mais une fois n’est pas coutume, c’est vers l’Hansa 39 que l’on se précipite pour l’ouverture.

 


SUPERSOUL

Le premier groupe nous vient de Grèce et s’appelle Supersoul. Tandis que nos oreilles bourdonnent encore des excès de la veille, le trio entreprend de nous décrasser tout ça à grands coups de riff catchy et de séquences ma foi très rock’n’roll (parfois même un peu Poprock). Sans transcender ce genre vu sous toutes les coutures ni lui apporter davantage que ce qu’il a déjà à offrir, ils lui font cependant honneur. La voix évoque par moment celle d’Alex Turner des Artic Monkey, notamment durant les balades proposées par le groupe et surtout à cause des effets caractéristiques de ce type de rock accrochés au micro. L’énergie en revanche s’avère un tantinet plus entraînante. En dépit de la lourde tâche de monter sur scène en plein milieu de l’après-midi, les Athéniens ne se laissent pas abattre. Au contraire, ils se défendent bec et ongle contre la langueur qui semble avoir écrasé l’audience comme une chape de plomb. À grand renfort de sauts dans tous les sens pour le bassiste, de soli exécutés genoux au sol pour le guitariste et de breaks percutants pour le dernier larron, Supersoul nous réveille. Après les presque trop courtes quarante-cinq minutes dont ils disposent, on a enfin les pendules à l’heure. Aucun risque de prendre un claquage pour ce qui va suivre.

 


DUNE PILOT

Et tant mieux parce que c’est parti pour bouffer du sable ! Lorsque l’on entre dans l’Orange H, Dune Pilot joue déjà depuis plusieurs minutes. Tel un vieux moteur chromé au carburateur brûlant, le groupe crache un désert rock énergique doté de puissants riffs bien fuzzés. Les influences de Kyuss, Slo burn et autre Unida se captent sans mal pour ce quatuor originaire de Munich ; mais pas que, si l’on juge par le T-shirt karma to Burn porté par Chris le guitariste. Là-dessus s’installe la voix d’Andris, puissante sans s’efforcer d’aller dans les hauteurs. Elle évoque par moment les manières de Phil Anselmo, donnant une patte assez particulière à Dune Pilot. Une sorte de Pantera du désert. Quoi qu’il en soit, les fidèles sont venus nombreux assister au show, et il faudra batailler pour se frayer un chemin au travers de cette foule compacte et agitée dans l’espoir de prendre une photo décente (plutôt ratée au bout du compte…).

 


SOMALI YACHT CLUB

Loin de la fureur des dunes parcourues de gros véhicules motorisés, petit détour en Ukraine avec un groupe à la subtilité n’ayant d’égal que son habileté. Pour ces compositeurs de talent appréciant s’affranchir des standards, difficile d’œuvrer correctement avec à peine quarante-cinq minutes de set disponibles. Les contraintes étant ce qu’elles sont, c’est donc armé de seulement cinq titres qu’ils montent sur scène. Pour autant, rien ne semble entamer leur légèreté et leur bonne humeur. Alors qu’il exécute des phrasés de guitares tous plus mélodiques les uns que les autres, Mez affiche des mimiques amusantes. Derrière sa batterie, Lesyk chante les paroles dans son coin à mesure qu’il pose sa rythmique hypnotique. La musique flotte aux oreilles comme un doux rêve, on s’y sent bien. « Sightwaster » et « Loom » issues du premier album finissent d’installer l’ambiance et viennent même arracher des cris de joie à un public déjà conquis. Puis on glisse doucement vers The Sea avec la longue « Vero » (non pas celle-là, l’autre). Envoûtante et captivante composition de presque douze minutes confirmant toute la dextérité du trio pour invoquer des atmosphères planantes à la richesse indéniable. C’est finalement sur un retour à The Sun avec « Up In The Sky » qu’ils clôtureront ce remarquable live. Une prestation qui retranscrit à merveille toute la mesure et l’équilibre enregistrés en studio. Un grand coup de cœur.

 


HIGH FIGHTER

Changement d’ambiance avec High Fighter. On peut d’ores et déjà oublier le côté doucereux et onirique du précédent show au profil d’une essence un tantinet plus violente. Ici ce sera des burnes et de scream. Armés de Gibson SG, les deux guitaristes balancent des riffs acérés et pleins de fougue tandis que la section rythmique bombarde. Là-dessus la frontwoman Mona Miluski cale un chant puissant et saturé n’ayant rien à envier à celui d’une scène de trashmétal. Le quintet en provenance d’Hamburg se dit d’ailleurs producteur d’heavy stoner Bluescore. J’ai trouvé le heavy, le stoner et le core, mais je cherche encore le blues. Hélas, ils font face à une fosse poreuse, témoin d’un effectif bien faible de la salle. Il faudra d’ailleurs incriminer l’influence des deux autres shows qui chevauchent ce créneau plutôt qu’un quelconque manque de talent. Leur envie de casser des bouches aurait pu se transmettre et littéralement emporter le pit, or les trop peu nombreux spectateurs ne paraissent pas réceptifs à cette énergie destructrice. Comme souvent ils se contentent de hochements de tête et de quelques acclamations entre chaque titre.

 


SASQUATCH

Nous les avions appréciés deux jours plus tôt dans la capitale, et voilà que le trio californien revient déjà nous combler les esgourdes de son stoner rock bien musclé. Et s’ils avaient une petite forme lors de la précédente représentation, c’est avec une franche bonne mine et la passion qui convient qu’ils débutent ici leur set. Fidèle à lui-même, Craig Riggs débouchonne la sacrosainte bouteille de jack et s’en enfile une goulée avant d’en proposer à ses comparses. Puis, il fait un sort à son kit de batterie. À peine les premiers morceaux s’achèvent que ses baguettes sont en charpie. Au commencement de « The Message », déjà deux gisent au sol. Par ailleurs, ce bûcheron sait aussi donner de la voix et ne s’en prive guère sur « Bringing Me Down ». Morceau du dernier album très représenté durant cette tournée du groupe (plus de la moitié des titres). On remarque en comparaison que celle de Keith manque un peu de volume. Sans doute s’agit-il d’un réglage de l’ingé son, car le guitariste et vocaliste principal ne manque pas de mordant. À chacun de ses solos, il vient se coller aux animaux de la fosse, et lorsqu’il chante, il défend chaque lyric avec la hargne d’une mère ours pour ses petits. Dans l’ensemble, la prestation est impeccable. Énergie formidable, gros accueil de la part du public qui gonfle la salle plus que de rigueur et même quelques bousculades au premier rang, c’est dire ! Le set s’achève par un changement dans le running order des morceaux qui invite Craig à de nouvelles pitreries. Cette bonne humeur est communicative. Puis c’est déjà le rappel. Un titre qui en appelle aux premiers amours du groupe : la belle et non moins téméraire « Chemical lady » qui finira de mettre tout le monde d’accord.

 


LOWRIDER

Niveau agitation, le prochain concert promet d’en déclencher. Et ils sont très très nombreux à venir s’amasser devant la scène de Lowrider. La salle manque d’exploser tant elle est pleine. D’un côté, il s’agit de leur premier passage à Munich et faut croire que beaucoup désirent cocher la case Lowrider de leur catalogue des groupes de prestiges vus en live. Et croyez-moi ça coche. Le stoner rock des terres arides concocté par le quatuor sait convaincre. Depuis toutes ces années à poncer la même galette et malgré leur longue absence sur scène, les Suédois savent toujours invoquer cette passion et cette ardeur qui rend leur musique si entraînante. La fuzz traverse les murs, fait grésiller les cerveaux déjà brassés par d’incessants hochements de crâne. La lourdeur du groove donne le sentiment de chevaucher un énorme bison en pleine Death Valley. Et ça fait du bien. Par ailleurs, ces quatre gaillards ne feignent pas la sympathie. En plus des sourires échangés des deux côtés, Peder fait régulièrement de petites interventions afin de réduire la distance scène fosse à néant. Il nous informe qu’ils reprennent de vieux titres écrits lorsqu’aucun d’entre eux n’arborait de poil au menton. Puis à un autre moment, il vient serrer la main d’un petit bonhomme posé sur la gauche de la scène. Vous vous souvenez cette ouverture dont je vous ai parlé plus tôt servant à observer les groupes de côté ? Beh voilà, celle-là. En sommes, talentueux, sympas, jeunes et beaux, on ne saurait leur demander davantage que de continuer dans cette voie-là. Ne vous inquiétez pas, les gars, il ne nous décevra pas ce nouvel album. Finissez-le, Bon Dieu !

 


WO FAT

Ça y est, les gros bestiaux viennent occuper la scène. J’ai beau les avoir vu deux jours plus tôt, j’en ai encore les jambes qui tremblent. Faut dire qu’encaisser la lourdeur des riffs de Wo Fat, la lourdeur de ce groove en fonte, ça use les rotules. Et surtout les cervicales. « The Conjuring » se lance et déjà la fosse s’agite. Elle l’ignore encore, mais elle va consciencieusement se faire péter la nuque pendant pas moins d’une heure de live. Elle se fait piétiner par le mammouth aux poils grisonnant et toujours en redemande. « Read The Omens », « The Black Code », pour la dernière date de cette tournée européenne, les Américains sortent toute l’artillerie. Un set offert dans la bonne humeur et reçu avec une joie non dissimulée. Je m’étonne encore de n’avoir constaté un chaos total au milieu de ce pit. Assister à tous ses concerts sans observer la pagaille méritée a quelque chose de frustrant. Un peu comme s’agacer le poignet sur une mayonnaise qui refuserait catégoriquement de monter. Par chance, le trio de Wo Fat ne s’en formalise guère et continue d’offrir le meilleur de sa substance.

 


THE PICTUREBOOKS

Quelle belle découverte que ce duo allemand en provenance de Gütersloh. The Picturebooks appartient à ces trop rares duos composés de ce qui fait l’essence du rock bluesy. Une sorte de Left Lane Cruiser sans le bottleneck et avec une batterie qui tape plus fort. Monsieur Philipp Mirtschink est la définition de que j’appellerais un mulet. Percutant, incisif et furieusement en place. Avant même de débuter les hostilités, son kit parle pour lui. Lorsque tu te ramènes sur scène avec des grosses caisses retournées en guise de tom basse et zéro cymbale, tu sais que c’est pas pour interpréter une reprise de « Seven Nation Army ». Ce blues collant qui sent la Louisiane emporte la foule qui ne cesse de manifester sa joie. Tantôt elle lève les bras, claque des mains, tantôt elle brandit le doigt du milieu sous requête de Fynn. Votre serviteur avoue ne point jouir de grandes connaissances de la langue germanique, mais il parvient à capter un « Fucksgiving ». Ce qui, après réflexion, n’est ni un mot Allemand ni un quelconque soulèvement contre la fête américaine du 4ème jeudi du mois, mais bien le titre d’une de leur chanson : « Zero Fucks Given ». Un titre qui résumera finalement à merveille cette heure de show. Au bout du compte, c’est une ambiance assez festive qui s’empare du lieu et apporte une chaleur nouvelle au festival. Qu’on soit né de ce côté-ci de la frontière ou en dehors, on se sent comme à la maison.

 


THE WELL

Détour par l’Orange H pour assister au set de The Well dont on entend le plus grand bien ces temps-ci. Pour preuve, pas moins d’une dizaine d’énergumènes jouent des coudes au premier rang pour filmer, prendre des photos et streamer le live sur les réseaux. Le tout pour une heure et quinze minutes d’un rock au groove langoureux et de riffs fiévreux en compagnie du trio made in Austin. Sur scène, ça se rapproche davantage du rock’n’roll que sur les galettes, où les ascendances Sabbathiennes et blues sont plus perceptibles. En revanche, on gagne en dynamisme, même s’il ne transparaît guère par le jeu scénique des Texans. Ces derniers concentrent leur énergie sur leurs instruments, sans en faire des caisses. Ici il s’agit de frapper juste, de jouer vrai. Ian Graham glisse sur sa dix cordes avec l’assurance du professionnel, le batteur Jason Sullivan exécute ses séquences sans excès de zèle ni remplissage abusif ; tandis que leur partenaire, l’envoûtante Lisa Alley pose sa voix pleine d’effets à la manière d’une prêtresse électrique. Le groupe séduit, la foule transpire. Et tout le monde se félicite de cet échange.

 


ELDER

Nous y voilà, les maîtres de cérémonie du samedi. Ceux qui, tandis qu’encore deux lives se tiennent dans les salles voisines, voient déjà leur fosse se remplir à grand rythme. Les balances commencent à peine que la moitié de la salle est déjà pleine. Faut dire qu’assister à un show d’Elder relève toujours de la félicité. Leur heavy prog très psychédélique et composé avec brio sait déchaîner les passions. Et d’ailleurs, surprise, après « Sanctuary », lorsque le fameux « Compendium » et son groove si dévastateur déferle sur les fidèles, le chaos s’invite enfin à la partie. La tension contenue jusque-là explose la soupape de sécurité tant chérie des festivaliers et les premiers pogos éclatent. C’est le bordel, mais un bordel sale. Les premiers rangs sont tellement bousculés qu’ils parviennent à déplacer les retours. Qu’à cela ne tienne, Jack Donovan les replace d’une pression du pied. Au milieu du pit, ça bouge presque trop, des lunettes se perdent puis se retrouvent, un mec monte sur scène pour un slam, deux types trop bourrés manque de se taper dessus, bref une belle pagaille. À croire que tout le Keep It Low est venu se finir dans ce merdier. L’agitation étire les lèvres des musiciens en un sourire satisfait et les invite à donner encore plus du leur. Les patrons exécutent leurs titres sans rien mettre à côté. Une presta exemplaire, impeccable, à l’image du sound system. Pas de « Blind » en guise de rappel ce coup-ci malheureusement, mais la non moins génialissime « The Falling Veil » issue de cette pépite d’album qu’est Reflection of a Floating World. Puis la fin survient, comme toujours trop tôt, trop brutalement.

On ressort alors de là comblé, hébété, les bras chargés des produits du merch et les oreilles d’acouphènes. Le Keep it Low a transformé l’essai et se grave désormais parmi la liste des festivals incontournables de l’automne. Ne le manquez plus.

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