Ah, le mois d’octobre ! Ses innombrables tournées, ses festivals tous les weekends, ses semaines constellées de dates toutes plus appétissantes les unes que les autres. C’est un véritable pain béni pour les amateurs du genre. Le sésame du jour nous emmène au Gibus de Paris. Un événement à l’estampille Below The Sun qui propose un trio prometteur : d’un côté les deux groupes britanniques Elephant Tree et Steak, coutumier des scènes parisiennes, de l’autre les Américains de Lo-Pan qui inaugurent ici leur premier show dans la capitale.
À son habitude, Elephant Tree monte sur scène de bonne humeur et bien déterminé à la partager. Armés d’un doom puissant et de ses deux voix si complémentaires, les Londoniens déchaînent leurs envoûtants murs de sons. Le parterre de convives demeure un tantinet épars en ce début de soirée, laissant encore ces quelques mètres carrés de no man’s land entre la scène et le public. Un timide espace qui disparaitra à l’orée de « Dawn », « Wither » et d’un couple de nouveaux titres dont « Wasted ». Enfin, plus si nouveau que ça si l’on considère l’avoir déjà entendu à l’occasion de leur précédente tournée, il y a exactement un an de cela. Tout comme ce charmant John Slattery, accompagnant désormais le trio au synthé, à la guitare et prêtant même parfois sa voix. Il est ce coup-ci officiellement introduit par ses comparses, qui en profitent pour le taquiner sur ses origines irlandaises lorsqu’il admet ne pas raffoler du whisky offert par le serveur du Gibus. Au-delà des sourires échangés et vannes qui mettent tout le monde à l’aise, l’équipe de Sam et Jack ne plaisante plus quand elle prend les instruments. Le flot des riffs lourdement groovy et des mélodies hypnotiques font s’agiter les têtes et transportent l’audience dans un monde à part ; sur « Apothic Blues » on s’approche presque d’un hymne rituel sur son final désormais caractéristique. Le tout offrant une prestation de sept morceaux qui ne soulèveront qu’une seule interrogation : à quand ce nouvel album que l’on nous promet depuis si longtemps ?
Le temps d’un Picon et d’un tour sur le merch, Steak s’installe déjà. Plus réservés que leurs prédécesseurs, il ne faut surtout pas commettre l’erreur de les sous-estimer. Grosse batterie, riffs avec la dose de fuzz qui bouscule, voix musclée, le tout donnant naissance à un desert-rock stellaire plein d’une redoutable énergie. Mais au cas où on voudrait à l’inverse les prendre trop au sérieux, n’oublions pas que leur setlist reste écrite sur des assiettes en carton décorées d’une jolie collection de zobs. N’oublions pas non plus l’absence de quatrième corde sur la basse de Cam qui n’apprécie de toute évidence guère s’encombrer du superflu. Le sort voudra d’ailleurs que sa pédale d’effet s’arrête de fonctionner après le premier morceau et le forcera à se brancher directement à l’ampli. En dépit d’une foule qui mériterait d’afficher un peu plus de mobilité, les têtes s’agitent et les bras se lèvent. Notamment en face de titres dévastateurs comme « Living Like A Rat » ou « Coke Dick ».
Pour le clou du spectacle, c’est au tour de l’équipe des crânes rasés en provenance de Colombus Ohio de prendre empire sur scène. Et le projet n’est ni plus ni moins que de présenter leur dernière production en date ; le fameux Subtle façonné chez Aqualamb Record. Ça commence par le groovy « Sage », puis les fondamentaux s’enchaînent : « Old News », « Savage Heart », « A thousand Miles » ou encore la sulfureuse « Ascension Day ». Pourtant, pour leur premier concert à Paris, c’est une audience timide qui les accueille. De par un manque d’agitation, l’absence de pogos dans des moments où les Parisiens ont l’habitude de se jeter les uns sur les autres, mais aussi de par la porosité croissante de la fosse. D’un rapide coup d’œil, on constate qu’il s’y trouve moins de monde que pour les deux groupes précédents. C’est fort dommage, car les absents n’auront jamais eu si tort que ce soir. La performance scénique de Lo-Pan met à l’honneur la qualité de composition du studio. Leur heavy rock burné à souhait nous régale. La basse ronronnante d’un Skot Thompson en semi-grand écart, les yeux exorbités, les Paiste de Bartz au supplice sous le tabassage de rigueur qu’elles subissent, les riffs acérés de Chris qui, rappelons-le, sort tout juste de l’hôpital avec un bandage au pouce. Sans oublier le chant de Jeff Martin qui donne son empreinte au groupe. Précis, mesuré et, disons-le, excellent. Attention toutefois à ne pas rester trop près de la scène sous peine de manquer du volume nécessaire pour l’apprécier. En plus d’être balaise sous les projecteurs, les gars de Lo-Pan affichent des sourires et partagent leur reconnaissance de pouvoir jouer ici, le tout teinté d’une certaine humilité somme toute assez touchante. Le set s’achève presque trop tôt (22h30), avec ce désir coutumier de vouloir toujours un dernier morceau de plus. La marque d’un show de qualité.
Le visage de nouveau au frais à l’extérieur du Gibus, on se dit qu’on a quand même de la chance. La saison des tournées bat son plein, et comme à chaque fois, les copains de Below The Sun savent nous dégoter les combos aux petits oignons qui transforment un vendredi soir classique en une sacrée expérience musicale.
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