Alors que la grisaille s’installe tranquillement au dessus de nos têtes, le Sombre Novembre Tour a saisi l’occasion pour faire son retour au Klub le 11 novembre. Il y a un an, cette tournée réunissait Barabbas et Goatess pour 3 dates françaises. Cette année, Barabbas est toujours de la partie mais Goatess a cédé sa place à Lord Vicar, la mythique formation doom finlandaise. Pour accompagner ce séduisant duo sur cette date parisienne, Ataraxie et The Bottle Doom Lazy Band ont également fait le déplacement. Au total, 4 groupes et beaucoup de doom. Récit d’une soirée à guichet fermé où la vitesse était encore plus limitée que devant l’école d’un petit village de Dordogne.
Le caverneux Klub semble parfaitement approprié pour accueillir cette soirée : salle six pieds sous terre avec voûte de pierres apparentes et d’une exiguïté idéale pour une ambiance intimiste. La scène est même trop étroite pour accueillir Barabbas au complet. Le chanteur Rodolphe, à la carrure rappelant celle d’un Ben Ward sous stéroïde, se place donc par défaut en pleine fosse, à quelques centimètres des premiers rangs, accompagné de son imposant crucifix lui servant de pied de micro. Si l’on retrouve les sonorités lourdes et lentes caractéristiques du doom, la musique de Barabbas est plus dynamique que léthargique. La puissance des riffs portés par une impeccable section rythmique emmène le groupe aux frontières du stoner. Cette énergie communicative est en partie aidée par Rodolphe qui harangue les premiers rangs tout au long du concert, leur crachant sa bière ou leur hurlant à la face ses douces paroles. Et en français, silvouplait. Car oui, Barabbas a le culot de chanter en français. Sur ce genre de musique, un tel exercice peut sembler aussi périlleux qu’un malvoyant jonglant avec des couperets. Et pourtant, le groupe s’en sort étonnamment bien. En reprenant toute l’imagerie liée au genre (occultisme, religion, etc), Barabbas vise juste sans pourtant tomber dans le pathétique. Et pour ça, chapeau. Après un baptême à la bière sur les têtes de quelques heureux élus du public par Saint Rodolphe en personne, le concert prend fin. Sacré claque !
The Bottle Doom Lazy Band prend la suite. La scène est définitivement trop étroite pour accueillir 5 personnes, et les membres du groupe doivent redoubler d’attention pour ne pas se marcher dessus. Le quintet de Poitiers a sorti cette année un nouvel album intitulé « Lost N Drunk », qui vient marquer ses dix années d’existence. Autour d’un doom dans la droite lignée des grands du genre comme Saint Vitus, dont le chanteur arbore un tatouage sur l’avant bras, le guitariste soliste tisse des solis psychédéliques et cosmiques, épaulé d’un impressionnant pedalboard aux multiples effets. La voix du chanteur paraît possédée, comme venue d’un autre temps, et donne de l’emphase à l’ensemble. Si la musique fonctionne bien, le show est quant à lui un peu volatil et fouillis. Le chanteur quitte la scène, y revient, va saluer un ami, le guitariste s’arrête de jouer et tente un slam raté, donne sa guitare à un spectateur puis s’en va… Bref, tout cela respire la franche rigolade mais dessert un peu le groupe et sa crédibilité, puisqu’on a finalement du mal à rentrer pleinement dans les compositions pourtant bien foutues du groupe. Dommage.
Curieusement, Lord Vicar qu’on pensait être la tête d’affiche du jour ne joue pas en dernier. La salle a presque doublé son auditoire, les Finlandais sont bien les plus attendus de la soirée. Et pour cause. Groupe né des cendres du légendaire Reverend Bizarre, Lord Vicar perpétue la tradition d’un doom assez classique au chant clair. Le public a d’ailleurs la chance de voir deux des membres du Reverend réunis ce soir : Peter Vicar, le guitariste chanteur, et son pote Albert Witchfinder à la basse. Autant dire que ces deux là ont roulé leur bosse dans les contrées du doom et en connaissent un rayon quand il s’agit de pondre des riffs d’anthologie. Et les premières notes de « Down The Nails » qui ouvrent le concert nous en apportent la preuve sonore. Le groupe assène ses hymnes doom dans une bonne humeur éthylisée qui contraste avec l’apparente gravité du genre, et nous offre un spectacle mélodramatique proche du burlesque. Parce qu’après tout, la musique, ça n’est que de la musique, même quand elle parle d’apocalypse et de désespoir. Une autodérision qui fait plaisir à voir et surtout à entendre.
La salle a quelque peu désempli pour le dernier groupe de la soirée, Ataraxie, qui viendra clôturer la soirée sous le signe du death (concert auquel nous n’avons malheureusement pas pu assister).
Suave moiteur, douce lenteur, riffs acérés et saveurs houblonnées, voilà le bénédicité de cette soirée doomeuse. Amen !