Ce soir la France a peur! Alors que le président de la république doit annoncer la fin du monde de la culture, une petite ville résiste encore et toujours à l’envahisseur. Une fois de plus l’association Erato est en lutte pour proposer dans l’écrin de La scène Michelet une soirée pleine de gras acoustique et de subtilités ensablées. C’est Grandma’s Ashes qui ouvrira la soirée comme à l’accoutumée désormais, en deux sets successifs devant 45 personnes assises chacun. Puis ce sera au tour de Red Sun Atacama de se prêter à l’exercice.
Il est 20h10 et Chloé chanteuse de Djiin et organisatrice vient gueuler en terrasse l’ouverture de la salle. Chacun monte alors prendre place sur chaise et c’est un acte toujours déstabilisant de se dire que l’on va assister à un concert pimenté le cul posé. Les trois musiciennes de Grandma’s Ashes montent sur scène, prennent leurs marques et rapidement enchaînent les riffs de leur musique qu’elles définissent comme un mélange de punk et Stoner notamment.
Il faut rapidement retirer les bouchons d’oreille car aux premiers rangs la saturation est intenable. Une fois le conduit auditif libéré on peut se rassurer, la balance est tout à fait correcte. Le trio de Parisiennes délivre une musique où sonnent quelques accents grunges. Il y a du Muse là-dedans aussi et si le groupe ne joue pas les copy cat c’est un constat au travers duquel on ne saurait passer. La musique de Grandma’s Ashes transpire et goute l’acidité, en cela on ressent une volonté punk d’en découdre et le jeu sait se faire violent à bon escient. Dans leur phrasé néanmoins on a parfois du mal à suivre la logique qui les anime, l’asymétrie des morceaux étant souvent perturbante. Lorsque le chant trouve les rails et que le chœur entamé tend à un moment de plaisir intense, souvent la gratte cherche à s’exprimer plus avant et prends des risques puis la rythmique prend un virage à 180° et la batterie rattrapée par la basse fait voler en éclat les morceaux.
Grandma’s Ashes se complait dans une sorte d’expérimentation sonore qui désarçonne l’auditeur. Autant dire qu’il n’y a pas chez elles de consensus et la volonté des gonzesses n’est pas de sombrer dans le conformisme. Quitte à livrer un patchwork musical où le public aurait été moins désarçonné grâce à quelques transitions. Qu’importe le plaisir est intact lorsque l’on garde à l’esprit les accès de rage et les quelques tours de passepasse du côté des cordes qui n’étaient pas piqués des vers.
Le temps d’une causerie autour d’une bière bien méritée et d’une perception assez partagée du set que l’on vient de vivre et c’est à nouveau l’heure de venir se caler devant la scène. Red Sun Atacama a déjà investi les planches et les brûlent de leur impatience de se lancer dans le set. Voilà plus d’un an que le groupe n’a pas jeté sa hargne à la face du public.
A peine la salle remplie, déjà Clém le bassiste demande si le temps imparti permet de se lancer dans une jam session. On sent bien que les gars ont besoin de se défouler avant d’attaquer les choses sérieuses. Le trio n’attend pas, il démonte la salle à coup de riffs et on se demande comment le public accepte la frustration de rester assis. On se demande aussi comment le premier rang évite la baguette qui glisse de la main du batteur à la fin du premier échange. Le plaisir est communicatif et le titre “Gold” ajoute de la pression sous le couvercle de la salle. Red Sun Atacama offre un investissement total dans le show. Jamais poseurs les gratteux se mettent en avant juste ce qu’il faut pour enivrer le public et valoriser leur musique.
Ce soir le trio vient proposer ses nouveaux titres, on ne s’arrête pas de vivre parce qu’on a pas repris la scène depuis longtemps et c’est après une intro à l’orientation très blues que les gonzes font voler en éclat ce qui aurait pu rester de calme dans chaque auditeur présent et faisant ainsi naître des sourires que l’on imagine plein de dents derrière les masques.
Red Sun Atacama a pleinement profité de l’acoustique de la salle et fini de me convaincre, si c’était encore nécessaire, qu’il s’agit d’un groupe de scène, un groupe vivant à la musique lumineuse. Plus au point que la dernière fois où j’avais pu profiter de leur set en première partie de Black Rainbows, à présent ils jouent l’absolu collectif dans une sorte de triptyque où le plat passe de la batterie à la basse puis à la guitare. Cette fois-ci Red Sun Atacama profite jusqu’à la dernière seconde, les parisiens se ravissent de leurs dernières 7 minutes quitte à accélérer le tempo. Plus d’un ce soir sortira de la salle avec une seule hâte, celle d’être au prochain album l’an prochain, rendez-vous est pris.
On descend les oreille bourdonnantes, ravis d’avoir encore pu participer à une soirée vivante et musicale grâce à deux groupes de qualité et l’opiniâtreté de lieux et d’orgas qui luttent dans une période critique. Au moment de se dire au revoir on apprend les annonces de la soirée. Une chape de plomb est tombée sur une bonne parties grands villes de France et le couvre-feu décrété annonce des jours encore bien sombres pour pas mal d’acteurs de la culture. Comme à Nantes quelques-uns passent pour cette fois au travers des gouttes, espérons que cela durera, en attendant ce n’est pas ça qui viendra gâcher le plaisir pris ce soir ni l’envie de remettre ça le plus tôt possible.