Loin de l’agitation d’un Hellfest 2022 hors norme, on célébrait cette année la dixième édition du Rock in Bourlon. Située près de Cambrai, la commune de Bourlon se démarque de son “voisin” clissonnais par une ambiance familiale et décontractée (et la présence de sandwiches camembert cuits au barbecue, c’est peut être un détail pour vous mais pour moi cela veut dire beaucoup) mais aussi par une qualité de programmation qui laisse rêveur quand on sait que le festival à toujours été à prix libre. Depuis une décade, le Rock in Bourlon met en avant la scène stoner / musiques psychédéliques avec des groupes comme All them Witches, Toner Low, Karma to Burn, Monolord, Mars Red Sky ou encore Five the Hierophant, et des groupes au style gravitant autour de cette base stoner comme Eyehategod, Mantar, Coilguns ou Ddent. Pour sa dixième, le festival nous propose quelques mutations comme l’ajout d’une seconde scène et une troisième journée de concert. Pour notre plus grand bonheur, l’affiche reste, elle, dans la lignée des années précédentes.
Vendredi 24/06/2022
Grosse inconnue de cette première journée, et du week-end en général : la pluie !… Longtemps la météo nous promettait averses, orages accompagnés d’une pluie de sauterelles… Plus de peur que d’humidité en finalité puisque la plus grosse saucée du week-end aura lieu pendant le montage des tentes.
C’est donc le postérieur posé sur l’herbe que j’attaque le festival avec les italiens berlinois de Sneer. On est rapidement envoûté par les lignes de chant sombre et fragile de la chanteuse alors que le mariage entre rock, pop psyché et post rock opère sur la foule qui intègre le festival.
Moins à l’aise avec la musique plus punk de Yonic et Tunic (quelle puissance de la part de la chanteuse de Yonic cela dit), la première claque de ce Rock In Bourlon viendra avec les anglais de Desert Storm. Situé pile poil entre heavy metal et doom, Desert Storm masse les nuques de la fosse à la perfection et nous enfouit sous une avalanche de riffs brutaux allant même sur certains morceaux vers des sonorités et une lourdeur plus stoner rappelant Elephant Tree. Le chant primitif et l’énergie déployée par le groupe amène une ambiance heavy épique. Performance plutôt impressionnante car les anglais ne s’appuient pas sur une imagerie scénique marquante et ont plutôt opté pour un look de papa façon Lowrider.
Invité à jouer sur chacune des journées, et l’affiche étant cette année peu orientée vers ces sonorités, Ecstatic Vision sera le facteur saxophone et psychédélisme du festival. Après des balances à rallonge (phénomènes récurrents de la nouvelle scène, cela dit le son était correct voire très bon à chaque fois), le fougueux quatuor nous délivre un premier set plutôt puissant et brut. Comme à son habitude, le guitariste et multi instrumentiste rayonne de bonheur et semble complètement absorbé par la musique, jonglant entre guitare, saxophone et flûte. Leur chanteur Doug est tout aussi hyperactif. Dès le premier morceau il fait monter des gosses sur scène pour danser avec eux (bon, sans succès, mais en même temps les petits étaient sobres) puis enchaîne les danses, sauts sur scène tout en assurant à la guitare et à l’harmonica. La foule est bien moins énergique, balayée par les vagues de saxo et la puissance du groupe…
Il sera d’ailleurs difficile d’enchainer sur les concerts suivants… Toutefois, impossible de manquer Eyehategod, tête d’affiche du jour, qui commence son concert devant une foule enfin dense (pas évident de rassembler un vendredi, l’affluence augmentant à partir du début de soirée). Pas fan du groupe que ce soit en studio ou en concert, la mayonnaise prendra cette fois-ci pour moi. Il faut dire que les américains sont particulièrement énervés ce soir et emportent tout sur leur passage. La fosse elle aussi est survoltée, venant provoquer plusieurs fois Mike Williams et Jimmy Bower ainsi qu’en multipliant les actes de maltraitance sur la barrière de sécurité.
Samedi 25/06/2022
Un des (nombreux) avantages du Rock In Bourlon est que les concerts ne commencent que l’après-midi. C’est donc frais et reposé que l’on attaque cette seconde journée décimée par les annulations. Maggot Heart, Nekromantheon puis Thou, cette journée semble maudite d’autant qu’elle est menacée à nouveau par les orages… Insect Ark démarre d’ailleurs courageusement sous la pluie et devant des festivaliers cachés dans les tonnelles du merch et du bar.
La journée démarre vraiment pour moi avec les fabuleux polonais de Moonstone. Leur doom aux odeurs stoner et heavy vient chasser instantanément le mauvais temps à gros coup de riffs aussi lents que massifs. On est pris dans le mouvement dès le premier morceau pour ne s’arrêter d’headbanguer que 5 à 10 minutes après le dernier morceau, les riffs résonnant encore dans nos corps.
Difficile de se remettre de cette bûcherie et pourtant Sordide, qui avait clôturé la soirée précédente, vient remplacer Maggot Heart en proposant un set très qualitatif de covers de Nirvana. Plus influencé par l’énergie punk du groupe, Sordide balance des titres comme “Tourette’s” ou “Territorial Pissings” avec un son cru et une certaine authenticité (j’en ai regretté de ne pas avoir eu la foi d’aller les voir la veille, je ne me ferai pas avoir la prochaine fois).
Profitant des lieux sur les concerts suivants (la zone merch est toujours intéressante à Bourlon, celle du sandwich camembert l’est tout autant mais pour d’autres raisons plus vitales !) c’est avec Messa que cette seconde journée reprend d’un point de vue musical. Ne les ayant jamais vus et n’ayant que très peu écouté leur dernier album, la peur d’être déçu était présente mais s’est très rapidement dissipée devant l’aura de Sara et la qualité du son. Le contraste entre la subtile fragilité du chant et l’atmosphère pesante, parfois à la frontière du doom, des mélodies était juste fantastique.
On se remet à peine de nos émotions qu’Inter Arma nous ramène brusquement sur terre pour nous enfoncer la tête sous le gazon bourlonais. Encore plusieurs crans au-dessus de l’intensité mise par Desert Storm la veille, Inter Arma nous prend littéralement aux tripes et vient à son tour nous masser nuque et vertèbres.
L’enchaînement avec le second set d’Ecstatic Vision me sera fatal, venant achever ma barre d’énergie. Ce second concert sera en tout point similaire au premier, à la différence prêt que cette fois aucun gamin n’aura fini sur scène.
Dimanche 26/06/2022
Cette dernière journée commence avec une bonne et une mauvaise nouvelle. La mauvaise est que Midnight Ghost Train est contraint d’annuler son concert… La bonne c’est que le soleil est enfin de retour ! Un soleil magnifiquement accompagné par le rock tropical apocalyptique de We Need A Plumber (la formule vient d’eux). L’ambiance sur scène est plutôt décontractée, avec un guitariste nous annonçant que tel morceau parle des accidents de voiture (ou des cassoulets carrefour) ou cataloguant leur musique de rock tropical apocalyptique. Définition plutôt juste vues les compositions lumineuses, agrémentées de nombreuses percussions, appelant clairement au voyage… l’aspect fin du monde venant sans doute des passages plus tortueux techniquement.
Une mise en bouche qui vient réveiller nos popotins et suivie par les non moins entraînantes mélodies de Djinn, décalant son créneau de l’après-midi pour remplacer la voix rocailleuse de Midnight Ghost Train. Devant une foule qui grossit malgré le concert spécial dans l’église de Bourlon (la chaleur et le monde présent là-bas auront eu raison de notre patience), les bretons marquent par la maîtrise de leur rock psychédélique, guidé par la voix rocailleuse de Chloé, et gagnent en assurance scénique au fur et à mesure que les morceaux passent, Chloe se jetant carrément dans la fosse sur le dernier morceau !
La logique voudrait qu’ensuite Ecstatic Vision entre en scène pour la troisième fois du week-end afin de nous achever et c’est exactement ce qu’il va se passer puisque les américains ont encore de l’énergie à revendre. Un troisième set plus psychédélique et moins brut que le premier, mais avec une ambiance plus chaude côté public (le groupe jouant cette fois sur la scène principale) motivant Doug à monter en haut de la scène puis à se faire quelques frayeurs lors de la redescente. Une petite déception toutefois d’entendre des morceaux déjà joués lors des deux premiers jours, le fait de les voir 3 fois laissant espérer au moins un concert plus particulier (en acoustique ou un album joué de bout en bout par exemple).
Malgré la fatigue qui commence à tirer, impossible de finir cette édition 2022 sans aller voir Slift. Peu de souvenirs, hormis ce sentiment d’être complètement emporté par les vagues psychédéliques du groupe, les jambes se transformant en coton et la tête se désolidarisant du reste pour s’échapper dans la nuit … !
Cette année encore le Rock In Bourlon nous a enchanté et cela malgré les pépins techniques ou d’organisations qui ont glissé sur la bonne humeur des festivaliers et des bénévoles. On ne le dira d’ailleurs jamais assez, mais les bénévoles sont en or et sont impossibles à dissocier de la réussite de cet évènement. Ce cru 2022 se voulait sans doute plus grand pour ce dixième anniversaire, avec cette seconde scène, ce jour supplémentaire et cette affiche encore plus éclectique que les années précédentes. On sera là l’an prochain, en espérant une onzième édition, pas forcément plus grande, mais fidèle à son atmosphère si particulière et si captivante musicalement.