Initialement organisé pour prendre place à l’été 2020 afin de fêter dignement les 15 printemps de la sympathique structure Sound Of Liberation, puis agendé il y a un an pour les 16 ans à cause de ce que vous savez, nous nous retrouvons finalement dans la capitale de la Bavière pour les 17 piges de SOL en 2022.
C’est dans le mythique Backstage, en périphérie de la cité, que la grosse fête se déploiera. Le cadre de ce festival fleure bon l’héritage des centres autonomes des années 80, et ses travées arborées abritent salles de concerts, foodtrucks (malheureusement pas tous actifs durant ces deux jours de réjouissances), bars, biergartens, boîtes, etc. Réputée pour ses binouzes et son équipe de foot, Munich recevra durant ces deux jours une palanquée de groupes qui enverront le gros bois, débutant à l’heure du goûter ou de l’apéro (en fonction de votre horloge interne).
Question affiches, les organisateurs ont déployé les gros moyens pour remplacer Fu Manchu pourtant annoncé en grande pompe depuis que l’événement communique (2 ans en gros). Le quatuor US ayant finalement annulé au fil de l’eau toutes ses dates européennes ou presque, c’est une dernière salve de quatre groupes qui ont été annoncés en last minute pour compenser l’absence des californiens.
THE GREAT ESCAPE
Parmi la foison de groupes actifs sur la fin de la première vague du stoner européen (fin des années 90 / début des annes 2000), The Great Escape n’est pas celui qui aura rencontré la plus grande notoriété. Sa discographie pourtant ne manquait pas d’intérêt, mais c’est en se transmutant sous la forme de My Sleeping Karma (avec la même section rythmique) que le groupe a commencé à gagner le succès que l’on connaît aujourd’hui. Le guitariste Uwe a récemment reconnecté avec ses vieux copains pour relancer le groupe, et, après quelques répétitions, les voici revenir aux affaires avec leur première apparition sur les planches – sous nos yeux, là, maintenant. Les sourires et les bonnes vibes sont largement présents, de même que le public, déjà assez dense dans la “petite” salle du festival, pour le lancement de cette journée de fête. Le groupe est bien en place malgré les années passées (plus de 15 ans après leur dernier album !), fluide et efficace. Malgré des albums proposant des choses plus variées, la set list du jour repose sur une assise franchement stoner en mode old school, ce qui ravit autant nos tympans que l’audience du jour. Une excellente entrée en matière.
VILLAGERS OF IOANNINA CITY
C’est à 18 heures que les choses moins obscures débutent sur la Liberation Stage qui sera la “grande salle” du festoche. Sise au centre du complexe, cette salle organisée tel un espace voué à accueillir des compétitions sportives de faible envergure avec ses gradins s’avère des plus propices pour voir les groupes et circuler grâce à ses larges travées. Les bars en fond de salle avec leurs mange-debouts et le merch côté cour en font un endroit tout à fait agréable pour mater les formations.
Revenons aux ambassadeurs d’Epire qui ont emmené un public honorable dans leur voyage cosmique et ethnique. Visuellement, leur prestation tient pour le moins la route et accompagne le spectateur dans le trip proposé par les Grecs, placés en arc-de-cercle sur le devant de la scène, avec leur batteur à gauche bien visible pour ceux qui suivaient au parterre. Les spectateurs en gradin bénéficient pour leur part d’une vue presque en mode hélicoptère qui apporte un plus pour certains mélomanes intéressés par des points de vue peu conventionnels. L’enchaînement de plans à la cornemuse, voire à la clarinette, s’avère au final plus qu’un élément de bête de foire puisque parfaitement inséré aux compos de ce combo ethnico-psychédélique qui nous en a mis plein les mirettes.
DVNE
Retour dans la salle obscure baptisée Sound Stage pour ces deux jours. Il s’agit d’une salle de petite taille tout en longueur avec un dénivelé sur le fond permettant aux personnes de petite taille de voir un peu le bordel qui se déploie scéniquement et à ceux qui ont trop picolé ou qui accusent la fatigue (voire les deux à la fois et nous avons les noms) de se reposer un poil.
Après avoir reçu un groupe vintage, cette scène accueille des Britanniques qui ne se sont pas déplacés pour enfiler des perles. Après un démarrage bien à la bourre – le premier, mais pas le dernier du festival – Dvne calme tout le monde en attaquant dans leur registre couillu ! Ceux qui piaffaient d’impatience ont la banane : le set est impeccable. Ça bastonne à la guitare et au chant sur les deux flancs de la scène, épaulés par un bassiste charismatique, et dépourvu de micro (mais pas de pilosité), au centre, tandis que l’homme bidouillant les machines se cache dans la pénombre en fond de scène. On a carrément changé de registre et les lourds de l’assistance se délectent des vocaux hurlés sur fond de grattes distordues. Il faut pourtant reconnaître à la bande d’Édimbourg (avec un français dans le lot) un sacré talent quand ils abordent les parties moins rentre-dedans de leur set durant lesquelles le travail de l’homme au clavier se fait très présent alors que se déploient des vocaux plus éthérés. Un gros coup de cœur pour cette prestation aussi excellente qu’inattendue.
ELDER
On n’est même pas à la moitié de la journée, et déjà le public est bouillant, manifestement plus qu’enthousiaste à la perspective d’assister au set des germano-américains. Tassé dans la fosse de la main stage, il répond présent dès les premières notes d’un somptueux “Compendium”, valeur sûre dont l’interprétation est sans faille (évidemment, on n’en attendait pas moins) enchaîné au dévastateur “Dead Roots Steering”; à partir de là, et pour les 50 minutes suivantes, le public mangera dans la main du quatuor. Impeccable dans sa maîtrise instrumentale et scénique, le groupe apparaît solide et inspiré, et fait un carton plein sur sa set list, avec une poignée de classiques (cf. plus haut, mais aussi “Blind”) et en y injectant l’atmosphérique “Halcyon” issu de sa dernière galette. Le son de la main stage est plus que correct (le groupe a fait durer le soundcheck – ce phénomène fut d’ailleurs le fil rouge du week-end…), condition nécessaire pour apprécier la prestation du combo, qui apparaît énergique et à l’aise (belle perf au regard du style musical pratiqué). Une démonstration.
TOUNDRA
Les vétérans madrilènes ont la lourde tâche de succéder à – et d’interférer un peu avec le set de – Elder en ayant le potentiel de toucher un public presque similaire. Actifs depuis 15 piges, ces vieux briscards prennent leur tâche avec le sérieux et la sérénité qu’apportent les années en débutant par un « Cobra » de grande classe dans l’esprit des premières compositions concises de Monkey3. Les Ibères sont rudes à Munich et ils enchaînent leurs brûlots les uns après les autres, n’interagissant avec le public qu’avec leur musique et leurs quelques cris sans micro (allant à l’essentiel, ils ne se sont même pas donné la peine d’installer un pied de micro). L’avantage pour les rares photographes dans la place sera d’avoir un champ totalement dégagé quand ils entameront des pas de danse en face-à-face à la manière de My Sleeping Karma. Le show cosmique et sacrément bandant des Espagnols verra s’enquiller principalement des titres de leurs albums III et Vortex durant les 50 minutes de jeu qui leurs étaient accordées.
HIGH ON FIRE
Le trio américain monte sur les planches de la main stage sous une nuée de poings rageurs tendus vers le ciel depuis la fosse ; manifestement ils étaient attendus. Il faut dire que la tendance musicale de cette journée est un peu moins “nerveuse”, et la perspective de s’énergiser un peu dans le pit semble faire des émules. Matt Pike et Jeff Matz prennent chacun place d’un côté de la scène (accompagnés de Coady Willis derrière les futs, batteur déjà vu chez les Melvins ou les Murder City Devils) et décochent les premiers accords saturés de “Turk” pour donner le ton de l’heure qui vient. Un déferlement de missiles sol-sol est lancé à destination d’un public très consentant, labourant les oreilles avec une saturation poussée dans ses retranchements. Une saturation qui tourne même un peu trop souvent à la bouillie sonore (le groupe est probablement venu avec son propre ingé son, et ne connaît pas bien la salle) d’où émergent occasionnellement les riffs destructeurs des plus dévastateurs brulots du trio : quand Pike et sa bande enchaînent “Fertile Green”, “Rumors of War” et “Baghdad” par exemple, l’efficacité est au rendez-vous. La mécanique High on Fire est bien huilée, chacun connaît son job, pour un résultat qui, sur les premiers rangs transformés en mosh pit, s’apparente à une arme de destruction massive. Et même si on n’aurait pas craché sur un petit “Carcosa”, ce petit “Snakes for the Divine” en conclusion, même en mode charpie sonore, finit parfaitement l’opération. Le set s’avère d’une belle efficacité, même si un peu monotone dans son exécution (une belle machine bien huilée).
UFOMAMMUT
C’est avec « Fenice » (extrait de leur nouvel album du même nom) que le trio transalpin a attaqué son set sur la petite scène. La grandiloquence de leurs shows habituels passant à la trappe, c’est un groupe concentré sur son son qui a clôturé la journée sur la Sound Stage devant un public acquis dès leur intro presque interminable. Vos envoyés sur place n’ayant pas encore vu in vivo la nouvelle articulation des Transalpins avec leur batteur tout neuf, ils constateront au terme de ce concert que les choses n’ont pas franchement changé : Ufomammut fait du Ufomammut et le fait à merveille tout comme d’hab même, avec l’omniprésence de lights rouges rendant le côté visuel peu séduisant, mais laissant à ce qui restait des cerveaux la capacité de se concentrer sur le son de ces Italiens aguerris scéniquement. Ils axeront leur set essentiellement sur leur nouvel album – ce qui est probablement logique pour leur nouveau batteur qui n’a jamais interprété sur disque leur ancien répertoire – à la grande satisfaction du public présent, qui le fait bien savoir.
COLOUR HAZE
Apanage des derniers groupes de la journée, le soundcheck est sans pression (aucun groupe n’attend derrière). On a donc tout le loisir de bien prendre la mesure de notre fatigue accablante pendant que l’on écoute longuement les musiciens répondre aux molles consignes des ingé son. La nuit est bien entamée quand Stefan et ses sbires engagent enfin leur set, de manière assez traditionnelle, via un jam tout en progression amenant petit à petit à quelque chose de plus structuré. Le groupe local de l’étape (il semble qu’aucun événement significatif de la planète stoner ne passe par Munich sans que Colour Haze n’y prenne part !) évolue devant un public conquis d’avance, semble-t-il… ce qui ne signifie pas pour autant qu’ils font n’importe quoi : musicalement, les quatre sbires sont en pure symbiose, et pris individuellement, c’est du solide. Même si le grand ordonnateur reste Stefan Koglek, ses trois comparses viennent apporter un véritable relief à ce qui s’apparente, pendant presque deux heures, à une longue jam en mode “montagnes russes”, sans véritable temps mort – hormis les quelques secondes de transition parfois propices à des torrents d’applaudissements ravis. Colour Haze, c’est toujours une valeur sûre pour clôturer une fin de journée un peu dense…
Il est grand temps de rejoindre nos pénates afin de recharger les batteries de nos vieilles carcasses rouillées et celles de nos divers accessoires polluants ainsi que de manger la moindre, car le seul bémol de cette première journée réside dans l’unique foodtruck présent sur le fest dont la queue aux heures raisonnables explosait la demi-heure d’attente, rendant impossible de voir toutes les fanfares présentes avec les chevauchement entre les deux scènes. Et puis on était à Munich pour le son et pas pour la bouffe, sinon on serait allé ailleurs.
[A SUIVRE…]
Chris & Laurent
(Photos : Laurent)