Réussir la deuxième édition d’un festival participe du même challenge que de réussir son second album. Quand on a envoyé la sauce sur son premier essai, il faut confirmer, ne pas décevoir, justifier les attentes et espoirs placés en vous. Bref, serrer les miches, être sincère dans la démarche et honnête avec ses envies. Ne faisons pas durer le suspens plus longtemps, l’essai est transformé haut la main. Il est même satellisé, artistiquement et techniquement.
C’est donc le vendredi 18 avril 2014 que je retrouve avec plaisir la salle du Clacson à Oullins, cet antre du rock et de la sueur, où Kadavar et Mars Red Sky m’avaient explosé les entrailles l’année dernière. Et le moins que l’on puisse dire c’est que le festival démarre fort. Là où un an auparavant j’étais dubitatif sur certaines premières parties, je dois admettre que cette année les groupes chargés d’ouvrir les hostilités ont foutrement rempli leur rôle. Déboule donc Dätcha Mandala, des bordelais bourrés d’influences 70s, explosifs, à l’aise techniquement, se fendant d’une reprise du Sabbath Black, histoire de planter le décor du week-end et se permettant quelques fulgurances grasses de stoner massif. Mis à part le bandana et quelques attitudes un peu surjouées, ils méritent qu’on les suive sérieusement. Bière, clope, abdos (non, j’déconne), changement de plateau. The Squared Circle prennent ensuite possession de la scène pour un set éthéré et hypnotique. Les compos du groupe portent en elles le germe mélodique de Joy Division, elles s’étirent en nappes de synthés et guitares incisives portées par les vidéo psychées qui défilent en arrière-plan. J’aurai aimé cependant que les morceaux durent plus longtemps, que le groupe prenne encore plus le temps de développer son univers. Planant. Clope, bière, cardio-training (oui oui c’est la running-joke de ce report). Domadora pose ensuite ses petits petons sur le plateau du festival. Précédé d’une coquette réputation live et porté par son album Tibetan Monk, le trio va mettre la première grosse baffe du week-end. 45min de heavy-jam massif et jouissif. Le guitariste, aux faux-airs détachés de Woody Harrelson, nous emmène aux confins du solo, essayant de faire plier la section rythmique en s’éloignant du canevas des morceaux. Las, le batteur et le bassiste envoient du lourd, c’est un outil de précision dans le corps d’un éléphant, et soutiennent les délires de leur six-cordiste. Natural Born Killers. On vient d’assister à trois quart d’heures intenses de jam et de progressions orgasmiques. Messieurs merci. Mais il fait soif, mon cours d’aérobic va commencer et nous devons laisser DeWolff se préparer. DeWolff, le trio made in Hollande (le pays bien sûr) remplace Blues Pills qui a dû annuler sa tournée pour raison de santé. Encore un coup de maître de l’organisation car ces trois jeunes loups ont livré un show puissant et électrique à souhait. Le début du set me laisse perplexe pourtant. La zic, deep purplienne, déboîte, le trio est en place, carré, impressionnant techniquement mais quelque peu figé, peut-être fatigué du voyage. Erreur cher moi-même ! Car lorsque retentit « Don’t you go up the sky » le public se met à pogoter méchamment entraîné par le riff dévastateur du morceau, et le groupe de suivre l’énergie de la salle. Car le pogo est tel le feu ; sans oxygène pas de brasier. Ce soir-là n’étant pas sold-out, la place fut suffisante pour décupler le furieux mouvement du jeune en joie, l’explosion fut immense. Et emporta le groupe avec lui pour le reste du set. S’en suivit un live magistral et enlevé de la batterie nerveuse à l’orgue Hammond. Le claviériste, fils de John Lord, frère de barbe de Kadavar, finit de m’achever sur un morceau incestueux entre les Doors et le Take Five de Brubeck. Gros live, grosse prestation, quelle bande de bataves ! Je pense qu’ils ont pris un énorme pied, et que cette date surprise les a convaincus de revenir dans notre contrée. C’est le souffle court que je sors du Clacson pour boire ma dernière clope et fumer mon dernier verre de la soirée. A demain Stone Rising Festival !
Samedi 19 avril 2014, 17h30. Je suis arrivé plus tôt pour interviewer The Socks. J’en profite aussi pour faire le tour des stands de merchandising (c’est comme les soldes, faut toujours repérer le vinyle qui va vous mouler le boule comme il se doit), tailler le bout de gras avec Jo Riou, un graphiste rocailleux qui expose ses merveilleuses illustrations le temps du festival, zieuter le stand de Sentenza, un fabriquant de pédales d’effet. Déjà 19h30 et un running-order serré, Horta prend place. Belle surprise, les morceaux du quartet se construisent patiemment, méthodiquement. J’ai l’impression de voir un gratte-ciel se construire devant moi, émergeant sous les notes empruntées à Pink Floyd et plus proche de nous, sous le sens artistique de RIEN, les grenoblois. Et tendre vers RIEN, c’est déjà beaucoup. Une demi-heure et puis s’en va, place maintenant aux cinq moustachus, barbus, poilus de Brutus, place à la sueur et la bière, à un show garage et sexy malgré un son de grosse caisse dégueulasse qui déroutera un peu mon sens rythmique. Mais peu importe, le gobelet du chanteur (sosie de Philippe Katerine) nous toise et le groupe nous balance ses petites bombes, Personal Riot et Big Fat Boogie, dans la face. Ça commence à dodeliner sérieusement de la tête et olfactivement, on sent bien que ce soir est sold-out. Y a plus d’aisselles qu’hier, c’est certain. Comme sur album, Brutus est meilleur quand il ralentit le tempo, la voix prenant tout son sens. Et à mon grand regret, ils ne joueront pas Reflections. Ce set mérite tout de même que j’achète un Lp histoire de participer à la tournée, les bougres ayant perdu une bonne partie de leur matos dans un incendie, deux semaines avant de partir. L’ambiance est toujours au beau fixe grâce à l’organisation aux petits oignons, au public merveilleux et une temporalité maîtrisée. Aussitôt dit, aussitôt prêt, les ténébreux Aqua Nebula Oscillator acidifient l’ambiance. La musique du combo à géométrie variable est un buvard de LSD sexué, malsain et désirable. Quand il reste dans les structures, la profondeur des mélodies fait corps avec la gravité de la voix, mais je décroche quand le groupe part en jam psyché. Je suis peut-être un peu affamé et conventionnel mais quand surgit une paire de bongos dans le mix, je décide qu’il est grand temps de croquer dans un de ces sandwichs qui me draguent depuis une heure. Et bien m’en fut pris car des forces j’allais en avoir besoin pour supporter la déflagration qu’allaient être les concerts de The Socks et Radio Moscow. La belle histoire de The Socks, sa signature chez Small Stone, son album incroyable, ses instruments vintage, ses cheveux soyeux, la fiancée lyonnaise prend place sur scène, le public prêt à l’étreindre sans réserve. La salle est bondée, la tension palpable, la magie noire du rock dans les starting blocks. Some Kind Of Sorcery. Le concert est monstrueux, les harmonies vocales en place dès le premier morceau nous uppercutent les esgourdes, les riffs enflamment la façade. Oui, The Socks envoie un heavy rock 70s efficace, il a tout bien appris de ses aînés, mais le son, la puissance, l’originalité de ses compositions en font un groupe bien dans son époque, les guitares sont énormes (quand elles ne disparaissent pas d’un coup, la faute à une tranche de console capricieuse j’imagine) et la voix à vous fendre une petite culotte en deux. La section rythmique explose littéralement sous Holy Sons et son incroyable frappe de caisse claire. Autant vous dire que ça pogote, que ça slame, que ça lève le poing à tire-larigot dans la fosse. C’était la première date de la tournée pour The Socks, ce fut monstrueux. Allez, on va se prendre un LP et une petite pinte pour fêter ça ! J’épanche ma soif, j’éberlue mes yeux devant le bleu merveilleux de la Socks galette, puis je repars dans la salle. Je me fraye un chemin sur le côté jardin de la scène et je tends l’autre joue pour en prendre une bonne grosse de la part de Radio Moscow. Parce que oui, la fin du festival est dantesque. La radio de l’est n’usurpe pas son succès. Le trio est énorme et nous balance un blues-rock puissant et aérien, tranchant et suintant le groove. Parker Griggs est un maître de cérémonie démoniaque protégé par Hendrix, John Mayall, par Jeff Beck, par tous ces putains de génies de la guitare. Tous ses solos sont inspirés, techniques et profondément soul, encadrés et cajolés par une section basse-batterie ronflante, précise. J’ai encore la chair de poule en repensant à ces montées et descentes de manche tout en souplesse, quand on y réfléchit c’est une musique hyper phallique. Mais point de branlette dans ce show, que de l’utile, de l’efficace, du direct qui te prend aux tripes. Une fois de plus les oiseaux ont la gueule d’un public qui slame, il ne vole pas bien haut mais sa joie d’être là est contagieuse et il hurle à chaque fin de morceaux. Mon ptit pref, 250 miles, sera joué, j’ai le sourire aux lèvres et le sang au tympan.
Voilà, le Stone Rising Festival 2014, 2ème édition est terminé. Stoned Box association a une nouvelle fois fait des merveilles. Programmation, organisation, accueil, bien servis dans cet écrin rock qu’est le Clacson. On ne peut qu’espérer une troisième édition avec encore plus de groupes merveilleux, d’artistes talentueux et chevelus, de guet-à-pintes et autres réjouissances gustatives, de gentil public éclectique et de riffs en pagaille. Merci et bravo à tous.
Flaux
Bravo pour ton report. C’est très agréable à lire. J’écris moi-même de temps en temps des reports mais la qualité de ton ecriture est vraiment superbe. On a hâte de te retouver sur de nouveaux articles!
Merci beaucoup. Ca fait bien plaisir ce genre de retours ! Je suis tout nouveau chez desert-rock mais j’ai déjà chroniqué Elder, Brutus et Pet The Preacher si tu veux t’abreuver encore de grasse lecture.