Les Ricains, qui étaient en tournée pendant plus d’un mois en Europe, et les Scandinaves, qui se payaient une petite campagne de deux semaines presque exclusivement en terres germanophones, se sont rejoints le temps de quelques dates. Il n’a pas fallu me titiller bien longtemps pour me convaincre de franchir la barrière linguistique séparant la Suisse afin de me rendre à Winterthur un samedi soir pour me taper une tranche de bonheur dans la métropole zurichoise malgré les kilomètres séparant ces terres de mon douillet domicile. C’est donc accompagné de deux potes, proches de notre site depuis le début, que nous embarquâmes pour 3 heures de caisse direction le pays des wursts et des röstis !
Chaud comme des baraques à frites, nous avalâmes tranquillement les plus de 300 bornes, nous rassasiant de la pitance hors pair que nous proposent les stations service des autoroutes helvétiques, de la musique habilement sélectionnée (faut pas croire : nous sommes des mélomanes avertis), de notre humour hautement sophistiqué ainsi que de nos smartphones devenus le prolongement de nos membres supérieurs. C’est grâce à ces accessoires bourrés de la plus haute technologie que nous apprenions en cours de route que le concert du soir était full ! Chose à peine croyable il y a de cela quelques années, les soirées estampillées stoner font le plein désormais un peu au nord de la Romandie là où le dialecte local est parfois un véritable frein à la communication entre citoyens du même monde.
Une fois parvenus sur place, le temps humide du crépuscule zurichois ayant remplacé le brillant soleil genevois, nous comprimes toutefois que la configuration du jour du Gaswerk n’était pas la plus ambitieuse en terme de capacité ce qui n’enlève absolument rien au mérite des organisateurs d’afficher complet. Il est amusant de noter qu’en guise de bienvenue, un vigile en uniforme nous informa que le concert étant sold out, il n’était pas très malin de rester dans les parages en espérant pouvoir rejoindre le sous-sol où le rock’n’roll allait régner en maître. Heureusement nous sommes des types précautionneux (qu’est-ce qu’il croit l’autre ?) !
En tant que non conditionnel de la salle, j’ai été frappé par celle-ci : énorme espace (avec scène pas utilisée ce soir-là), galeries, bar d’une longueur impressionnante, salle en sous-sol, etc. Les souterrains malodorants où l’on ne peut s’abreuver qu’en cervoises tièdes ne sont donc, ici aussi, plus les seuls endroits dans lesquels le stoner rock peut se déployer et on ne va pas cracher dans la souplette maintenant que nous pouvons régulièrement assister aux concerts de notre groupe bien aimés.
Après avoir échangé quelques mots avec les personnes connues de nos services, le moment est rapidement venu de se rendre dans les soubassements pour entendre les amplis balancer du gras car dans ces contrées on ne badine pas avec les horaires. Je me fraye assez facilement un passage au milieu de la foule intergénérationnelle – et au sein de laquelle la gente féminine est bien représentée – pour atteindre le bords scène surélevé de quelques centimètres par rapport au plancher des vaches où Brandon et Mike se chauffent en trépignant d’impatience alors que le frontman de The Midnight Ghost Train a visiblement dû régler de toute urgence un problème technique. Le son tourne agréablement et lorsque le fort sympathique Steve s’en revient, le trio US se lance dans un long plan instrumental en guise d’intro : « Along The Chasm » qui ouvre tout comme sur leur dernier opus. Les lascars sont visiblement bien en place, leurs faciès arborent d’énormes sourires et notre ami qui tourne les boutons au fonds de la salle a opté pour un son énorme : la soirée débute sous les meilleurs auspices pour ce concert plein bien avant l’ouverture des portes.
Très orienté sur sa dernière plaque « Cold Was The Ground » encore chaude, le show du trio du Kansas nous permettra d’appréhender en live plusieurs de ses dernières pépites dont « The Canfield », « Gladstone », « Mantis » et bien entendu le déjà classique « BC Trucker » si mes souvenirs sont exacts. Rapidement je me remémore ma première rencontre avec ce groupe et retrouve la sensation qui m’avait transporté lors de cette prestation qui avait elle aussi lieu dans la partie alémanique du pays où je vis. A considérer les bipèdes m’entourant je ne suis pas le seul à prendre un sacré panard lors de ce concert qui verra aussi Monsieur Moss chanter sans sa guitare avec comme seuls compagnons un martellement derrière lui et un accompagnement vocal de ses acolytes. Cette première partie de la soirée sera aussi l’occasion de s’aventurer dans le répertoire de Nina Simone.
Le tout ayant été bâché en moins d’une heure, nous regagnons l’étage supérieur via l’escalier pour aller profiter le l’air pur et vivifiant pour nous encrasser aussi les poumons. Le temps de faire le plein au bar, nous regagnons l’antre encore moite pour la suite des hostilités. Il ne me semble pas avoir entendu la bande-son d’intro que j’avais entendu lors de la dernière prestation de Greenleaf à laquelle j’ai assisté il y a quelques mois avant que les deux tiers du groupe n’attaque une intro instru durant laquelle j’ai signifié à mon voisin que sa place n’était pas devant le micro placé au centre de la scène, mais derrière. Rapidement Arvid a regagné sa place pour « Highway Officer » qui a annoncé la couleur d’entrée de jeu. Le headliner de la soirée allait envoyer du lipide durant une bonne heure pour le bonheur des grands et des petits massés en nombre devant l’estrade.
Le fait que Sizer – la moitié de Dozer environ – était sur scène a certainement renforcé le rendu pugnace du set des Suédois. Récemment incorporés au quatuor Johan, annoncé par le frontman comme petit dernier ainsi que célibataire, et sa quatre-corde ont certainement influencé l’aspect rock’n’roll que l’arrivée du velu vocaliste avait déjà dessiné il y a quelques années. Tommi, égal à lui-même, sue à grande eau en s’ingéniant à couvrir l’entier des parties de guitare avec la réussite habituelle que nous lui connaissons. Les titres se succèdent en une débauche d’énergie et là aussi le dernier opus en date, « Trails & Passes », constitue la colonne vertébrale du set avec « Equators », « Ocean Deep », « The Drum », « Our Mother Ash », « Depth Of The Sun », « Bound To Be Machines », « With Eyes Wide Open » ainsi que le titre éponyme. Une fois le setlist annoncé terminé, le groupe entame un premier rappel à quatre puis, déplorant le manque de connaissance du répertoire du petit dernier, le chanteur se lance à son tour dans le répertoire de la chanteuse-pianiste étasunienne pour un titre a cappella prouvant la largeur du répertoire vocal de ce personnage fort généreux sur scène.
Les lumières remettent à leur juste valeur nos visage dégoulinants et nos airs hébétés une fois le concert terminé et il est l’heure d’aller claquer de la maille aux stands de merchandising, de serrer quelques pognes et de reprendre la route pour trois bonnes heures durant lesquelles nos mirettes ne cesseront de briller de mille feux suite à cette excellente soirée à laquelle nous avions eu la chance de participer. Vivement la prochaine fois, je sens déjà la sensation de manque me gagner.
Pour être précis, le morceau que reprend Arvid n’est pas de Nina Simone. C’est un morceau traditionnel sans auteur enregistré pour la première fois dans les années 40 par Alan Lomax sous forme de work song. Nina Simone l’a repris de manière grandiose au festival de Jazz à Antibes en 65. Quant à The Midnight Ghost Train ils ont repris Feeling Good. C’est juste histoire de pinailler sur des détails. Sinon le reste de la chronique est conforme à la réalité. Mais j’ai le souci du détail (et j’écoute des trucs sans guitares mur d’amplis). En tout cas une très chouette soirée. Hélas sans BK.
Je te remercie Chyndonax pour ce soin du détail (le diable se cache dans les détails…) et pour rehausser le niveau de culturisme car question jazz j’ai des lacunes abyssales. Sinon pour le BK, la limonade et les chouquettes au chocolat ce sera pour la prochaine fois ! Vivement notre prochaine virée !