Le Up In Smoke immobile c’est un peu le coup d’envoi de la saison des concerts pour les stonerheads européens ; ce festival étant d’une part le premier des week-ends d’octobre consacrés à la musique que nous chérissons sur ce site, et d’autre part le passage obligé des nombreuses tournées organisées dans le sillage des festoches précités qui nous permettent de nous taper, à la maison ou presque, des plateaux d’excellente facture (que l’on aimerait bien croiser tout au long de l’année sous nos latitudes). L’événement bâlois se déploie comme depuis sa deuxième édition sur 2 jours (alors que le Keep It Low et le Desertfest d’Anvers durent 3 jours) et permet aux publics suisses, allemands du sud et français de l’east side de se taper une kyrielle d’excellentes formations dans un lieu idéalement placé géographiquement parlant.
Nous pouvons faire confiance au bon goût de nos amis de Sound Of Liberation ainsi qu’à l’exemplaire sens de l’organisation des suisses gérant le Z7 pour être soignés durant toute la durée de ce grand raout, avec même l’option fort appréciée par certains festivaliers de pouvoir dormir dans la salle de concert à moindre frais une fois les amplis éteints. Si la gastronomie du terroir n’est pas le point fort de ce rassemblement, tout le reste en fait un incontournable de l’été indien pour tout fan de stoner qui se respecte la moindre.
C’est le sourire aux lèvres et la bave dégoulinant sur nos mentons que nous avons convergé à trois pour vous rapporter fidèlement (ou presque) notre expérience bâloise.
JACK SLAMER
Première formation à se produire lors de ces festivités du riff, Jack Slamer fait tout de suite bonne impression aux hippies de l’assistance. Enfants du pays, à la grosse louche puisqu’ils viennent de Winterthur à une centaine de bornes, le groupe a déjà effectué un beau parcours et ils ne détonnent pas du tout en ouverture de rideau. Ils dispensent un rock hyper vintage qui puise son inspiration dans les seventies. Échangeant quelque peu en allemand (comprendre en suisse-allemand) avec le public déjà assez nombreux en cette fin d’après-midi, ils maintiennent devant la petite scène les festivaliers qui entrent au compte-gouttes dans l’enceinte en raison d’une nouvelle configuration de l’entrée peu compréhensible aux non-germanophones. Le frontman à dreads focalise l’attention et les compos fort abouties font de cette première passe d’armes une excellente mise en bouche, même si la pluie a tenté de gâcher la fête (sans succès vu la nouvelle organisation de la petite scène plus haute, plus large et couverte sur une longueur plus importante). Bref on s’en bat les couilles des conditions climatiques et on tape du pied en mesure pendant que le tambourin vient souligner le côté vieille école de ce premier set.
USNEA
On change radicalement d’ambiance en se glissant (qui a eu la lumineuse idée de fermer un des battants de la halle pour optimiser les frottis frottas entre bipèdes lors des déplacements d’une scène à l’autre ?) dans le hangar où se situe comme à l’accoutumé la grande scène qui accueille les pointures les plus en vue du grand public. Peu loquaces et lovés de rouge, la formation doom de Portland (encore ?) nous assomme avec une prestation qui pulse terriblement. Les Ricains qui viennent à peine de sortir leur nouvelle salve de missiles Portals Into Futility ne s’embarrassent pas de décorums sophistiqués ; ils alignent les bûches en grognant sous leurs capuches avec des lights minimalistes. Leur performance procure aux Lourds de l’assistance des sensations fort agréables si l’on considère les sourires qui illuminent les faciès des bourrins amateurs de sensation doom. Les compositions alambiquées du quatuor résidents de Relapse (une boîte à qui on n’a jamais pu opposer grand-chose en ce qui concerne la qualité de ses sorties) qui passent par des plans ambients et hyper lents presque aériens avant de s’enfoncer dans le déluge sonore, ont participé à la montée en puissance de cette journée et ont même ramené le beau temps à l’extérieur. Bref on s’est pris une belle branlée alors que les moins prévenants rongeaient encore leurs freins sur les autoroutes suisses peu fluides en ce début de week-end : tant pis pour eux ; ils ne peuvent avoir que des regrets d’avoir loupé cette prestation déroulée avec maestria.
KALEIDOBOLT
Un tantinet groggys après le passage du rouleau-compresseur étasunien, nous regagnons la petite scène pour assister à la prestation du trio finlandais qui nous avait déjà fait forte impression sur scène par le passé. Hyper en place et en pleine campagne européenne, ces vikings se secouent la tignasse pour un set hard rock qui fleure bon les années quatre-vingt ! Que l’on soit fan ou pas de ce genre quelque peu daté, il faut concéder au groupe d’Helsinki qu’il touche sacrément sa bille et qu’à part si l’on a les conduits auditifs carrément obstrués par de la fiente de pigeon, il est difficile de réfréner des mouvements de nuques tant leur énergique prestation du jour, soignée aux petit oignons, est communicative. Compliqué pour eux de passer à côté des gros gimmicks du genre : soli de guitare et solo de batterie, mais c’est pour la bonne cause (celle de faire remuer nos flasques popotins) et ça plait visiblement aux spectateurs. Plutôt pugnace, leur set gagne en puissance au fur et à mesure qu’il se déroule. Un titre encore inédit sur disque vient se placer en avant dernière position et c’est devant un public acquis à sa cause que les Finlandais mettent un terme à une prestation qui aura mis tout le monde d’accord que l’on soit amateur de grosse sensation d’obédience bourrine ou nostalgiques des années soixante-dix (ou septante c’est comme vous la sentez !). Mission accomplie avec brio pour Kaleidobolt dont on attend avec impatience la prochaine plaque.
TROUBLED HORSE
Nous voilà donc bien échauffés, les muscles tout tendus et le cardio palpitant pour écouter, accoudés aux crashs de la scène principale, la prestation de Troubled Horse, combo suédois signé chez Rise Above Records et pas les derniers venus sur la scène stoner. La presta est aboutie, les riffs incisifs, l’échange entre zicos se fait naturellement, on oscille entre la créativité rock’n’roll d’un Greenleaf et le son d’un Graveyard (les couilles et la sueur en plus). Le chanteur Martin Heppich fait le taf, communique, le groupe se fait plaisir, bref, un vrai moment cool de rock 70s qu’on goûtera jusqu’à la dernière note.
RADIO MOSCOW
On devra, de fait, se frayer un chemin jusqu’à la petite scène dehors pour assister à la presta de la radio du Kremlin. La salle serait bien avisée l’année prochaine de profiter du double battant de la porte pour fluidifier les allers et venues du public, d’ailleurs. 1300 personnes dans un lieu aussi exigu et une demie-porte ouverte, c’est assez incompréhensible. Mais passons. Le trio est en place et commence à balancer sa sauce parfaitement connue maintenant. Et bigre, ça fonctionne toujours aussi bien. Du rock, de la dentelle de manche, de la note bendée à tire larigot, ça crunche et ça s’éraille les cordes vocales. On est dans le cuir et la frange et malgré une corde cassée dès le début du set et des p’tits soucis récurrents sur la Fender, le trio ne s’en laisse pas compter et le public le lui rend bien. Coup double pour l’esprit 70’s avec le set précédent donc. On arrivera même à s’abreuver de quelques effets psychédéliques peu présents cette année sur la programmation. Rassasiés, bien contents, on frôle le long stand de Wurtz, et on attend de passer la demie-porte pour assister au set suivant. Celui, bien attendu évidemment par une foule déjà bien présente de mister cool lui-même.
BRANT BJORK
… et vu l’affluence, on assistera au concert derrière la régie de face. En formation rodée et connue, le Bjork va faire du Brant et rassasier la masse acquise à sa cause. Rien d’original bien sûr mais on attend pas ça de lui. Du dernier album à Jalamanta, tout y passe. Une impression pourtant de joyeux bordel nous étreint. Même si la musique du monsieur se prête à la nonchalance, le set de ce soir revêt un aspect foutraque auquel on n’est pas habitué. L’apport peut-être de Sean Wheeler, un vieux machin du désert un poil en décalage avec la zic du combo. Reste que le concert est plaisant mais pas autant que les fois précédentes. La foule, elle, semble conquise et c’est le plus important.
UFOMAMMUT
Après ce set du grand frisé du désert, une autre figure emblématique du genre se prépare à se lancer dans la bataille : le trio transalpin Ufomammut se prépare tandis que le public termine sa translation vers la seconde scène. Sans projection vidéo, le set se basera sur la musique du groupe uniquement, et c’est finalement tout ce qui compte. On a digéré pas mal de contrastes musicaux assez violents aujourd’hui en passant d’un groupe à l’autre, grâce à une affiche riche et variée ; mais le contraste entre le chantre du desert rock US et les doomeux européens va s’avérer dur à encaisser pour les cortex les plus fragiles. Car Ufomammut, encore une fois, n’est pas venu pour faire dans la dentelle. Ça commence très fort et la tension reste au point fort sur tout leur set. Baignant dans un light show rougeâtre plutôt apathique (mais rien d’inédit ici chez Ufomammut) les trois musiciens s’engagent sur un set qui défrisera une part de l’assistance par son audace : voilà que nos bonhommes commencent leur prestation en se lançant dans l’interprétation par le menu de leur dernière galette, sortie il y a quelques jours à peine ! Audacieux ! Sacrée confiance en soi et en la qualité de ce (remarquable, il est vrai) disque. En conséquence, le public est un peu pris à froid au début, mais les nuques se réchauffent très très vite, et dès le premier quart du set, le headbanging-yeux fermés-sourcils froncés-mâchoire serrée devient le sport le plus pratiqué entre le premier rang et la table de mixage. Et l’art d’Ufomammut prend toute son ampleur dans cette nouvelle performance, envoûtant un public rapidement consentant à l’aide de ses riffs-pachydermes poussés ad libitum tendance hypnose lancinante, enchaînés par des breaks en forme de virages bienveillants pour amener les spectateurs jusqu’à la fin d’un set encore une fois impeccable. Classieux, en contrôle, efficace, Ufomammut tient une forme depuis plusieurs mois qui impressionne.
GRAVEYARD
Les voici donc enfin devant nous. Les inventeurs du fast-split. Les bougres avaient sacrément à se faire pardonner l’année précédente et les annulations des différents festivals suite à leur split (qui aura duré, rappelons-le, 3 ou 4 mois, LOL donc). Mais c’est Graveyard que nous avons devant nous quoi ! Leurs albums étant de vraies perles, nous n’allions pas bouder notre plaisir de les voir, enfin, les chantres d’un rock racé, à l’écriture d’orfèvre et à l’exécution au cordeau. Alors ? Quid de la prestation de la tête d’affiche de ce premier jour ?
Et bien pas grand chose à vrai dire. Si le concert tient, c’est par la valeur intrinsèque des compositions et non par leur exécution du soir. Il n’y a aucun intérêt à écouter un album moins bien mixé non ? C’est un peu l’impression qui nous assaille. Pas de véritable flamme, une communication a minima, rien qui déborde, pas de prise de risque, ni de véritable envie. Le froid nordique ? Peut-être. Reste un arrière goût d’inachevé quant à ce live. De beaux moments mais rien de vraiment bien bandant.
La journée aura néanmoins été riche, et il est temps de prendre un peu de repos en prévision de celle de demain, bien plus chargée encore !
[A SUIVRE…]
Chris, Flaux & Laurent
———————— NOTRE VIDEO REPORT DU JOUR 1 ————————
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