Une nouvelle édition de la version immobile Up In Smoke prenait ses habituels quartiers d’automne dans les fines volutes de la chimie bâloise. Comme à l’accoutumée, c’est le sourire aux lèvres que je me suis rendu au Z7 de Pratteln (on va dire en gros Bâle pour les brêles en géographie) pour me ruiner ce qui reste de mon ouïe dans une démarche frisant le masochisme pathologique. L’affiche de cette fête vendait du rêve même si certaines défections viendront bouleverser le running order de ce vendredi qui était résolument orienté vers les formations à composante(s) féminine(s). Ce premier jour de festival fût aussi une belle occasion de recroiser les potes coutumiers de ce genre de rendez-vous et de revoir certaines formations ayant déjà agrémenté l’affiche du Up In Smoke suisse.
HIGH FIGHTER
Comme c’était déjà le cas lors de l’édition 2016 du Desertfest allemand, il revenait aux hambourgeois d’ouvrir les hostilités sur la petite scène de ce festival fantastique qui, en alternant les groupes d’une scène à l’autre, permet de voir l’intégralité des protagonistes sans choix cornélien si ce n’est celui de se nourrir ou de se désaltérer (on vous connaît depuis le temps !). High Fighter, qui a parcouru un chemin énorme depuis ses débuts pour se glisser sur les affiches les plus prestigieuses du style que nous bénissons, a envoyé du lourd et bien bourrin d’entrée de jeu. Ça a visiblement fait du bien par où ça passait vu le headbanging généralisé qui agitait le public présent à l’ouverture de la foire du décibel. En proposant un set regroupant des titres issus du premier EP ainsi que de son récent (et énorme) long format, les Allemands ont foutu dans leurs poches une poignée de nouveaux rockers et ils ne l’ont pas volé. Mona, la frontwoman au shirt de Kvelertak, a capté tous les regards en s’agitant au gré des titres et les lascars qui l’entourent ont sacrément envoyé du pâté ! « Darkest Days » (qui n’a rien à voir avec la version d’Obituary) ainsi que « The Gatekeeper » ont été énormes : merci les gars (et la fille) on a kiffé ce show autant que vous !
SINISTRO
Embarqué en tournée avec Subrosa, Sinistro a été remonté sur l’affiche ainsi que sur la grande scène suite à la défection de Leech. C’est tant mieux pour les Portugais qui n’étaient pas ensablés sur la scène étriquée dévolue aux formations rentre-dedans : ils ont pu déployer un show au visuel d’excellente facture. Il faut dire que la charmante Patricia et sa tenue de scène fort sexy n’étaient pas étrangers à ce rendu qui en aura marqué plus d’un (ou d’une, mais j’ai surtout vu du poil aux premiers rangs). Enrobée par un éclairage de type poursuite, la dame peu vêtue se détachait des spots rouges qui arrosaient le reste de la scène et c’est un peu le fantôme rock’n’roll d’Edith Piaf qui se démenait au son d’une musique lugubre et puissante pas typiquement stoner. Le fadoom déployé par les Lusitaniens, particulièrement mis en valeur par un mix subtil à la console, a été d’une efficacité plus qu’honnête et les torturés qui ont kiffé « Semente » – leur dernier opus – en ont eu pour leur pognon.
L’air revigorant du dehors – il ne fait plus très chaud en cette saison sur les bords du Rhin – nous a rappelé à son bon souvenir alors que les Milanais se foutaient en place en effectuant un dernier line check. Le quatuor, qui pouvait se targuer d’avoir de nombreux fans dans l’assistance, a balancé son rock de l’espace noyé dans la fumée distillée sur scène par les machines qu’affectionnent tant nos collègues photographes. On s’en cognait un poil quand-même car l’ambiance était présente et le corbeau ornant le synthé de la partie féminine du groupe transalpin finissait le rendu esthétique bien garage de la prestation. Les compos se sont suivies de manière cohérente durant le temps de jeu accordé et les Italiens ont pu se retirer avec la juste impression du travail rondement mené alors que les amateurs de sensations psychédéliques n’avaient pas besoin de redescendre de leur trip puisque la formation suivante nous avait annoncé un show très psyché (hahahaha vous me la recopierez celle-là bande de sales gosses !).
Les helvètes étaient de retour sur ce festoche dont ils avaient déjà foulé les planches il y a quelques années (mon Dieu que le temps passe vite) et c’est toujours un sacré plaisir que de croiser ces garçons aussi sympathiques que talentueux. A la veille d’un jour off sur cette tournée, les Lausannois affichaient une forme certaine malgré les ennuis de santé récents pour un membre du quatuor. C’est avec un peu d’appréhension que je me suis rendu devant la grand-scène après que le groupe eut terminé son soundcheck lui-même (ce qui n’est pas le cas de certaines formations dont la décence m’interdit de citer le nom dans cette review). Mon appréhension était relative à la volonté du groupe de jouer un show presque exclusivement constitué des titres du nouvel album dans un ordre cohérent (dans l’ordre quoi et sans la dernière partie), moi qui chéris tant certaines compositions des temps jadis. Mais il faut s’y faire et les singes vaudois ne font pas partie des formations qui regardent leur avenir dans un rétroviseur vu leur capacité à innover encore et toujours sans jamais balancer ses influences psychédéliques aux chiottes. Mon appréhension était aussi en lien avec la nouveauté de cette tournée qui voyait Boris, le guitariste qui jouait en Marcel quand on était jeune, se coller derrière le micro pour se caler sur le rendu de leur dernier effort (« Astra Symmetry » qui est présent dans les charts de plusieurs pays : chapeau les mecs !). Il faut dire que le groupe, qui a du métier, avait sacrément bien fomenté son coup en embarquant en tournée l’ingé son qui avait capté son dernier album dans des conditions live : question cohérence on a été bien servi et c’est un show d’excellente facture que Monkey3 a délivré au Up In Smoke en incluant en fin de set un titre issu de « The 5th Sun » son avant-dernier album. Au rayon nouveautés : Boris a grogné comme un phacochère derrière son micro et dB l’a soutenu à la guitare pour enfoncer un peu plus encore le clou psyché dans nos boîtes crâniennes.
Exit le psychédélisme et welcome la pugnacité avec le duo bien barré. Le batteur et le guitariste de la bande, qui assurent les deux les parties vocales en alternance ou en superposition, se retrouvent à l’affiche d’un événement plutôt stoner alors que leur style lorgne vers un DIY fourre-tout qui puise son inspiration dans la plupart des courants underground de la galaxie rock. J’avais déjà bien aimé le style, et la sympathie, des Germains et leur prestation bâloise n’a pas été source d’une révision de mon jugement. Dÿse a envoyé un show en mode punk pour le plus grand plaisir d’un public au sein duquel les germanophones étaient en majorité (au passage : la représentation francophone était impressionnante ce qui fait toujours plaisir après plus d’une décennie de bons et loyaux services à la cause que nous avions débuté dans l’indifférence générale) et ces quidams ont donc pu chanter en cœur avec le groupe ses hymnes révolutionnaires et humoristiques. Une énergie énorme dégagée par un binôme rompu à l’exercice scénique : leur succès ils ne l’ont pas chipé !
Changement de décors avec les Hellènes qui, comme Sinistro plus tôt dans la journée, avaient profité de la révision de l’horaire pour se retrouver propulsés sur la grande scène à une heure idéale passant même devant le groupe suisse pour lequel ils ouvrent sur cette tournée (étrange). Pour des raisons cinématographiques ou télévisuelles (je n’ai pas obtenu des informations fiables à ce sujet au moment où j’écris ces lignes), 1000Mods avait foutu le paquet pour le visuel de leur show, qui ne s’est pas contenté de n’être qu’un pestacle à regarder. Baignés de bleu, la Rickenbacker pendante sur les genoux au centre de la scène et les regards concentrés, les Grecs – omniprésents sur les événements stoner européens de l’automne – ont profité de décocher quelques flèches issues de leur opus d’actualité (puisque sorti le mois même) « Repeated Exposure To… » dont le sensationnel « Above 179 » qui en plus d’être une pépite sur disque est une énorme baffe en live. Grands habitués des circuits stoner européens et fer de lance (avec quelques autres) de leur incroyable – et bouillonnante – scène nationale, la formation a acquis lors de cette performance suisse une foule de nouveaux fans conquis par leur style à la fois subtil quand il le faut et fort pugnace quand c’est nécessaire.
Changement de décors et retour à l’extérieur pour une prestation d’un autre style. Les natifs de Salt Lake City en campagne européenne avaient troqué leur place sur la mainstage pour jouer en avant-dernière position juste avant la tête d’affiche de ce premier jour. Formation surprenante à plusieurs niveaux, les Américains s’adressent à un public d’épicuriens. Ça tombe bien : il y en avait une sacrée cargaison ! Majoritairement féminin, le groupe aux deux violons a balancé son doom d’une autre galaxie pour nous transporter durant un temps de jeu généreux (gagné en partie en raison de la nouvelle donne en terme de répartition scénique). Les amateurs de fuzz facile et abordable sont retournés à l’intérieur goûter la gastronomie locale, mais ils étaient peu nombreux. Les autres, les lourds, les bourrins et les barrés s’en sont donnés à cœur-joie à mosher du chef tout en lourdeur presqu’une heure durant sous les coups de boutoirs assénés par un collectif aux influences multiples et au rendu absolument unique. Déjà auteurs d’une prestation remarquée par le public français lors d’un récent passage au Hellfest, ces originaires de la capitale des mormons ont à nouveau marqué des points en déployant une énergie dévastatrice incroyable que je peine encore à mettre en relation avec la pratique de l’archet.
Dango et Ozo avaient débuté un groupe sous forme de quatuor et avaient livrés par le passé des productions incroyables (dont « Gravity X » qui demeure une plaque énorme). Par la suite, devenu trio et changeant régulièrement de batteur, le groupe est devenu une des grandes sensations de la scène stoner. Il n’est donc pas très étonnant de les voir headliner cette journée d’Up In Smoke cuvée 2016. Il faut dire que depuis que le guitariste moustachu de la bande s’est mis à passer ses concerts à sautiller tel le mammifère australien féru de boxe, les Truckfighters se sont trouvé un nouveau public. Ils sont carrément devenus un acteur majeur en assimilant les gimmicks qui ont fait (ou défait pour les puristes) certaines formations d’un punk en vogue auprès des ados. Je ne vais pas me lancer dans le procès d’un groupe qui marche et qui a déjà suffisamment de détracteurs dans la scène parfois sectaire du stoner et il serait bon de rappeler à certains amnésiques que le succès de la formation n’a pas débuté avant-hier et qu’au-delà des insupportables sauts scéniques, ces types sont de véritables agitateurs de la scène avec leur structure. Il est aussi remarquable de constater que malgré le succès, les Suédois ont su innover avec « V », leur dernière prod, et se mettre en danger (surtout en ce qui concerne la partie vocale). Le parterre était un peu amorphe, ou peu en ligne avec les nouveaux titres du trio alignés sur le setlist, mais le final sur « Mexico » a raccroché les vieux de la vieille lors du rappel.Après cette journée trépidante, l’heure était venue d’aller ranger ma carcasse afin d’être en forme pour la seconde – et déjà dernière – journée de ce festival. Un résumé visuel (ci-dessous) vous résumera un peu cette journée de foufou à laquelle ne manquait qu’une température clémente, mais on ne peut pas tout avoir !
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