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Weedpecker + Baron Crâne – 31/03/22 – Nantes (Le Michelet)

C’est avec une certaine amertume désormais que l’on se dirige vers le Michelet. La célèbre salle nantaise a annoncé sa fermeture définitive le 30 avril prochain, pour des raisons médicales concernant des deux fondateurs. Une tragique décision qui va assurément laisser des dizaines d’amateurs de distorsions orphelins. Toutefois, il n’existe guère de fauve plus féroce que celui qui sent la fin venir. Et forte de son expérience dans le domaine, la scène nantaise nous propose ce jeudi 31 mars une nouvelle occasion de secouer la nuque au milieu des effluves de bière et de sueur électrique.

Baron Crâne

Comme le témoigne ce cliché atroce pris du fond de la salle, le cul collé contre la table de mixage, le premier groupe accueille un public en nombre et motivé. Les Nantais sont venus profiter de l’énergie dispensée par un trio d’énergumènes, nommés Léo, Léo (!) et Olivier, originaire de Paris et officiant sous une bannière intitulée Baron Crâne. Ensemble, ils proposent un stoner instrumental aux origines diverses, mais au groove certain. Phrasés de guitare progressifs, ligne de basse jazzy, et rythmique entêtante, ils naviguent entre un rock psychédélique maîtrisé et animé de cette frénésie organique propre à la sacrosainte composition guitare-basse-batterie. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que la mixture prend. Les têtes s’agitent, les sourires s’échangent, et devant ce groupe affichant un plaisir si évident, on ne peut que communier ensemble. Pour le final, Léo nous invite à nous rapprocher encore plus les uns des autres, d’oublier les insécurités et angoisses du monde extérieur, pour simplement profiter encore un peu de ces instants suspendus. Et d’un riff planant, il clôture la messe.

Weedpecker

Le temps d’attraper une pinte au comptoir, on se retrouve déjà à remonter les marches pour l’arrivée du second groupe. A peine les Polonais de Weedpecker s’installent que déjà une vingtaine d’affamés du riff s’amassent devant les retours pour recevoir leur dose de saturation. Et sans autre forme de procès, l’équipe de Varsovie ouvre le bal avec « Molecule » ; valeur sûre extraite de sa pièce maitresse sortie en janvier 2018 : III. Piste qui s’enchaîne à merveille avec « Liquid Fire » et qui laisse pleinement apprécier le stoner psychédélique du quintet. La séduction s’opère de suite, le groove charme, les guitares envoutent de leurs mélopées oniriques, ponctuées par un discret clavier qui teinte l’atmosphère en arrière-plan. Instrument qui n’a d’ailleurs pas l’air de suffire à son musicien tant celui-ci se perd en air-guitare et en agitation de tous les membres de son corps. En comparaison de ce satyre déchaîné, les quatre autres gaillards paraissent presque calmes. Et pourtant l’énergie est là. Après deux morceaux issus de leur dernier album, on repart sur III avec « Embrace » qui reçoit un formidable accueil. Pas de là à provoquer des pogos, mais on sent tout de même graduellement monter la température. La scène parait à peine assez grande pour les cinq bonshommes qui commencent à gagner en frénésie. La section rythmique est d’une solidité minérale, avec un batteur au charbon et un bassiste, la barbe taillée d’un guidon magnifique, qui tricote copieusement sur sa quatre-cordes. Entre ces deux-là, les deux gratteux glissent leurs phrasés tantôt empruntés à la lourdeur du doom, tantôt aussi fragiles que le tissu d’un rêve, le tout agrémenté de ce chant éthéré si caractéristique du groupe. On aurait pu le souhaiter plus fort. Mais le son, et à fortiori le mixage, étant ce qu’ils sont dans ce type de salle, on aurait tort de se plaindre du rendu final, qui se révèle plus que satisfaisant.

Weedpecker

Après un rappel qui aurait tout aussi bien pu durer vingt minutes tant les premiers rangs en redemandent, Weedpecker achève son set avec le sourire, dégoulinant de sueur sous les projecteurs rouges. Une nuit de semaine printanière certes frappée par une vague de froid, mais qui nous apparaît bien douce, grâce à une programmation de l’équipe du Michelet qui aura une fois encore su nous réchauffer le cœur ; et nous plongera doucement dans la mélancolie de tous ces moments passés à sauter ensemble. Merci.