WESTILL Fest – Jour 2 (Orange Goblin, Slomosa, Monolord,…) – 02/11/2024 – Vallet (44)

L’arrivée au complexe Champilambart se fait tranquillement en ce début d’après-midi, sous un délicieux petit crachin assorti d’une sympathique température glaciale : autant dire qu’on est content de pénétrer dans cette salle de concert chaleureuse ! Le temps d’aller faire un petit tour des exposants sous leur tente (chauffée et tout confort !), de saluer les ami(e)s, et on attaque les concerts !

 


BIRDS OF NAZCA

Duo guitare-batterie, Birds of Nazca constitue un autre exemple de la qualité de la scène musicale nantaise. La formation 100% instrumentale (mais à quoi sert ce pied de micro ?) ne communique pas avec le public autrement que par ses (gros) décibels. Musicalement, le groupe évolue dans une sorte de mélante entre post metal mélodique et stoner à gros riffs… du post stoner ? Ce son massif vient répandre son onde de choc jusque derrière la console de mixage loin au fond de la salle. Sur le papier, l’austérité du dispositif instrumental pourrait laisser craindre une certaine monotonie scénique – mais il n’en est rien, car non seulement Guillaume évolue pas mal sur les planches et est très dynamique dans son jeu de guitare, mais même Romuald a un jeu de batterie assez expressif. Un petit trou d’air commence à se dessiner au bout de 30 minutes toutefois, car il n’est pas aisé de maintenir la tension sur un set 100% instrumental. C’est probablement le seul axe de progrès d’un groupe qui aura laissé une excellente impression aujourd’hui.


1782

On n’avait pas vraiment eu de stoner doom classique jusqu’ici au Westill, et 1782 va venir corriger ça avec une dose mammouth. Point d’originalité ici, on a lu les livres et on applique les codes. Le trio transalpin joue lent et lourd, et les riffs sont trappus. C’est très bien exécuté. Scéniquement c’est un peu pauvre en revanche, et le groupe communique peu avec le public – mais mention particulière à Gabriele Fancellu, le souriant et expressif batteur à crête, co-fondateur du groupe, dont la frappe de mule vient enfoncer chaque riff six pieds sous terre.. comme il se doit en gros. Quelques problèmes de son (le chant disparaît quelques minutes) n’entacheront pas le déroulé du set (le groupe ne s’en est probablement même pas aperçu). Le riff est trappu, le son est grassouillet, tout va bien… Mais on est pas au sommet de l’emballement non plus en ce début d’après-midi. Le public n’est pas le plus dense que l’on ait vu le week-end, mais semble apprécier.


GRANDMA’S ASHES

Après le classicisme doom de 1782, il est difficile de rentrer immédiatement dans le set de Grandma’s Ashes. Il faut dire que la musique du trio est bariolée, riche d’influences, de styles, d’hybridations diverses et variées, et les repères s’envolent : rock inde, noise, stoner, grunge, mélodies, riffs,… Tout ça se bouscule dans un maelstrom qui pourrait être bordélique, mais s’avère bien maîtrisé. En effet, une fois lâché prise, le set est prenant, et le fait qu’il s’agisse ce soir de leur dernière date d’une séquence de tournée(s) de plus d’un an et demi pour le groupe n’est sans doute pas pour rien dans ce constat : elles sont à l’aise sur scène et l’interprétation est solide. Evidemment les regards sont plus souvent tournés vers Eva, frontwoman assumée et assurée, dont les lignes de basse sont solides, mais surtout dont le chant est l’un des marqueurs forts de Grandma’s Ashes, enchanteresse dans les aigus ou plus en puissance sur les passages les plus nerveux. Elles joueront deux inédits qui semblent faire pencher leur musique dans une veine assez costaude, à confirmer sur album.


SIENA ROOT

Encore un nouveau gros changement de trip, avec ce début de set de Siena Root. Difficile de faire plus radical dans la vibe 70’s, penchant hippie cool, qu’avec les suédois. Tout sur scène sent le vintage, des fringues jusqu’aux instruments de musique (mention particulière pour ce bel orgue Hammond dans son corps en bois). Le talent de Siena Root pour incarner cette époque musicale avec talent, passion et intégrité n’est plus à démontrer, et il est probable qu’ils n’aient pas beaucoup de compétition à ce niveau. Ils rentrent immédiatement dans leur set avec une belle énergie et enchaînent les pépites de heavy rock très old school devant un public bien dense. Autour du duo rythmique fondateur Sam Riffer /Love Forsberg, souriant, dynamique et efficace, la chanteuse Zubaida Solid (qui semble bien installée au sein du groupe depuis quelques années, un bel exploit au regard de leur historique) redouble d’activité sur les planches lorsqu’elle se concentre sur son chant. En conséquence, quand elle passe derrière l’orgue, on gagne en instrumentation ce que l’on perd un peu en activité scénique. Mais le public étant déjà captivé dès les premiers titres, la stratégie est payante. Beau succès, de la part de l’un des meilleurs groupes du style – si ce n’est LE meilleur en activité.


VALLEY OF THE SUN

Comme pour Grandma’s Ashes passés sur les mêmes planches un peu plus tôt, ce set au Westill est la dernière date d’une grosse tournée pour Valley of the Sun. Ils ont en conséquence eu l’opportunité de bien roder leur set list, qui voit primer l’efficacité : l’entame est la même que celle déja éprouvée il y a quelques semaines, avec “Hearts Aflame” et les 2 titres suivants de son classique album The Saying of the Seers. C’est lourd, punchy, carré, et gentiment groovy – ça résume bien ce qui va se passer ensuite. Intelligemment, le trio alterne les rythmiques et la notoriété de ses titres (des classiques, des nouveaux…) pour proposer un set jamais ennuyeux. L’expérience… On notera trois nouveaux titres joués, dont une excellente version de “Quintessence” malgré sa longueur (avec sifflement de Ferrier sur le break final en bonus) et un solide “Palus Somni” en conclusion. Ryan Ferrier échange bien avec le public entre les morceaux, et tient clairement la tête de la machine VOTS, qu’il manœuvre d’une main de maître. Artisan de sa réussite, Valley of The Sun monte son niveau d’un cran à chaque fois qu’on a pu les voir. Le set de ce soir est un exemple de plus de cette amélioration perpétuelle.


MONOLORD

On est désormais habitué à voir Monolord évoluer en format quatuor avec le cultissime Per Wiberg en complément bonus depuis quelques mois. On ne reviendra donc pas sur la densité qu’il apporte au groupe (ce qui n’était pourtant pas un point faible du groupe auparavant, loin s’en faut). Le désormais quatuor traîne une excellente réputation pour ses prestations scéniques solides, et à les voir rentrer dans ce set à 100% des les premiers accords saccadés de “The Weary”, une belle pièce de doom costaude et catchy issue de leur dernière album, on se dit que ce soir ne devrait pas casser cette habitude. Pourtant le groupe semble rencontrer quelques problèmes de son qui coupent un peu la dynamique du set (le soundcheck aussi fut laborieux, signe avant-coureur probablement). Mais rien ne pourra les arrêter ce soir semble-t-il et ces interruptions sont vite oubliées au son des quelques belles déflagrations proposées. Nos quatre amis connaissent bien leur rôle, et font le job avec implication et énergie, et en particulier Thomas V Jäger, que l’on a connu plus effacé qu’aujourd’hui. Pour justifier la présence de Wiberg, le groupe joue “The Last Leaf” pour lequel le vétéran prend place au clavier. Fut-ce décisif dans le son de la chanson ? Pas vraiment, soyons honnête. Mais le bénéfice apporté par Wiberg sur le concert ayant été intéressant, on ne va pas cracher dans la soupe ! Sinon, soyons honnête, le concert est sans surprise, avec une set list quasiment identique à la dernière fois où nous avons vu le groupe. Mais l’exécution est impeccable et Monolord fait un carton ce soir auprès du public.

 


ORANGE GOBLIN

Le soundcheck est mené de main de maître et le petit retard accumulé sur les derniers groupes se volatilise. Et ce n’est que la première illustration du professionnalisme d’Orange Goblin. Dès qu’ils montent sur scène c’est une boule d’énergie qui s’empare de la salle entière (et en quelques minutes les rangs se resserrent sur la première moitié de la salle). Scéniquement, peu de surprises en réalité. Orange Goblin est en train de se transformer en « gros groupe » live, au même titre que des groupes comme Fu Manchu par exemple : finies les tournées des clubs pendant des mois, le groupe se concentre depuis quelques temps sur des volées de dates ciblées voire des concerts “one shot” comme aujourd’hui, joue sur sa rareté pour affirmer son statut. En regard, la robustesse de son set devient une sorte d’obligation, à laquelle ils répondent avec brio, et chaque musicien assure son rôle dans ce contexte : comme à son habitude Ben Ward mène le bal d’une main de maître et manipule la foule à sa guise, qui se laisse guider de manière consentante. En bon frontman, il harangue quasiment sans interruption son public avec ses mimiques inchangées depuis des années (en mode « lève-toi, public »). Chris Turner reste assez statique derrière son kit, tandis que Joe Hoare est à 100% non stop à la guitare (et quel boulot abattu ! Son importance est souvent sous-évaluée dans le groupe). Harry Armstrong (le nouveau bassiste depuis plus de trois ans maintenant) semble parfaitement à l’aise, bien aidé par un son de mammouth (et, plus anecdotiquement, partageant avec son prédécesseur sur le poste à sa grande époque un statut capillaire qui empêche tout le monde de voir son visage pendant presque 1h30 de set).

Un peu en anticipation de leurs trente ans de carrière (prévus pour l’an prochain), la formation anglo-saxonne a constitué une set list qui vise à couvrir l’ensemble de sa discographie. Bon, le challenge n’est que partiellement couronné de succès, avec aucun extrait de Healing Through Fire, Thieving from the House of God et The Wolf Bites Back, mais sinon, la démarche est sympa et permet d’éviter le systématisme de certains titres devenus un peu routiniers dans leurs set lists (même s’ils auront du mal à zapper les sempiternels Quincy the Pigboy, Saruman’s Wish et autres Red Tide Rising…). D’autant plus que le concert du jour fait quand même la part belle à leur dernière galette, avec pas moins de cinq extraits joués ce soir – un choix gagnant, car les paroles sont déjà sur toutes les lèvres des premiers rangs.

Une fois de plus le Fucking Orange Goblin démontre ce qu’est une vraie rock party. On s’est depuis belle lurette avec nos lascars éloignés du stoner rock finalement, mais on est quand même toujours contents de les retrouver par “chez nous”…

 


SLOMOSA

Dire qu’il y’a un phénomène Slomosa est un euphémisme, et il suffisait pour cela de voir la longueur de la file d’attente au stand de merchandising des que leurs articles y ont été déposés. Rien de similaire ne s’est produit avec aucun autre artiste ce week-end. Officiellement ce week-end, Slomosa est le 4ème groupe le plus important dans les règles protocolaires en vigueur (l’ordre sur l’affiche…). Mais son placement en clôture du festival aurait dû nous mettre la puce à l’oreille : l’orga du Westill veut probablement faire un gros coup en mode baroud d’honneur – et l’ambition du quatuor dans ce contexte est probablement dans la même tonalité (autre illustration : le backdrop indécemment grand du groupe ne rentre même pas sur la pourtant immense scène du Westill… il serait parfait pour un gros fest en plein air, tiens, on dit ça comme ça…).

Inutile de préciser que peu de monde a quitté la salle après le concert d’Orange Goblin, et la fosse est bien dense lorsque le groupe monte sur scène sous les vivas. Sommes-nous surpris de ce qui se passe sous nos yeux dès les premières minutes ? Pas le moins du monde : après de nombreux concerts du groupe vus ces dernières années (dont encore récemment il y a trois semaines à peine), leur courbe de progression n’a jamais cessé de monter, et les voir à ce niveau de maîtrise scénique est à la fois une grosse satisfaction et une confirmation, une implacable logique. Le groupe sait ce qu’il veut et sait agir sur tous les bons leviers pour s’en donner les moyens. Et donc, tout est là, sous nos yeux, pendant une belle heure de concerts. Les musiciens sont impeccables, de justesse évidemment (tout le monde est appliqué et connaît son rôle), mais aussi d’énergie, avec Marie complètement déchaînée derrière sa basse et Tor à la guitare lui aussi bien plus à l’aise et dynamique qu’il y a un an ou deux… et sans que ça ne paraisse jamais ni forcé ni fake. Ben, évidemment, communique une sorte de force tranquille, sans pour autant rester prostré derrière son micro (et ses progrès au chant en particulier sont remarquables).

Côté compos, évidemment, rien à jeter : du rapide rentre-dedans, du groovy, du mid-tempo, du lourd… La construction de la set list est impeccable à ce titre. On ne va pas vous lister toutes les chansons, vous vous doutez qu’il s’agit d’un best of de leurs deux rondelles, qui culmine comme souvent avec un agencement “There is Nothing New Under the Sun” / “Kevin” / “Horses” – trois tonalités, trois cartons. Le public rayonne, depuis les premiers rangs bien tassés (et ça slamme dru) jusqu’au fond de la salle, où tout le monde dodeline ou headbangue gentiment d’une manière ou d’une autre (même ceux qui font la queue au bar, c’est assez rigolo à observer).

La conclusion s’impose à tous, avec éclat : Slomosa vient de faire un hold up sur le fest entier, et il n’y avait probablement aucune autre formation plus fédératrice dans cette scène musicale pour amener cette édition du Westill aussi « haut » pour son final.


On sort de cette édition de deux jours avec des étoiles plein les yeux. Avant tout grâce aux super concerts auxquels on a assisté, dans des conditions impeccables, d’accueil ou techniques (au risque de nous répéter, la qualité du son a été au rendez-vous sur chaque concert), mais aussi du fait de la dimension prise par le festival, qui peut désormais, sans autre forme de modestie, prétendre rivaliser qualitativement avec bon nombre de festivals européens. Espérons que l’esprit du fest, la motivation et le sérieux de son organisation (et les moyens qu’elle se donne) lui permettront de maintenir ce festival voire de le développer dans le temps.

 

Par Laurent, Kara et Sidney

(photos : Laurent)

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