Le Rock Psyché se porte bien. Les hollandais de Birth of Joy en sont un peu une des locomotives au vu de la qualité de leurs albums et de leurs concerts. Impossible donc de ne pas profiter de leur passage pour discuter avec eux de leur ascension, logique et progressive. Des mecs vraiment simples, passionnés et un Gertjan (orgue et basse) plutôt drôle et loquace… Entrevue en compagnie du trio et de leur ingé-son au t-shirt Black Sabbath qui bosse également avec Pendejo.
Réalisée conjointement avec Peah de Get Stoned, l’émission stoner & cie de la région lyonnaise.
Merci de nous recevoir les gars, alors comment se passe cette tournée jusque là ?
Gertjan : Plutôt bien, on a en général que deux à trois heures de route entre chaque date donc c’est pas trop fatigant…
Une tournée intelligente…
Exactement
Vous êtes déjà venus à Lyon n’est-ce pas ?
Kevin : Oui on a déjà joué au Ninkasi et au Transbordeur, mais ça fait partie de Lyon ici ou c’est une autre ville ?
C’est la banlieue proche (Bron-ndlr). Bon pour être honnêtes on vient juste de découvrir votre nouvel album avant de venir…
Ah donc la première impression toute fraîche alors, comment c’était ?
Assez surprenant au vu de vos albums précédents, de nouvelles choses, expérimentations, une réelle évolution…
G : Et alors c’était une bonne surprise ou pas ?
Plutôt agréable ma foi, pas mal de nouvelles ambiances, on peut remarquer de nouveaux sons d’orgues par exemple, Gertjan tu as de nouveaux jouets ?
Ah oui bonne oreille mec, jusqu’à maintenant j’avais un Philicorda, un petit orgue qui peut faire les basses, mais effectivement j’ai ajouté récemment un Rhodes, donc un peu plus expressif je pense, car tu peux aussi jouer doucement sur un Rhodes. Avant j’avais en gros qu’une possibilité de volume (rires)
Comment enregistrez-vous ? Live ?
Bob : La plupart oui, à part les voix, les solos de guitare et quelques autres trucs de gratte.
K : La base est live, pour une bonne raison parce qu’on est un groupe live, c’est une synergie qu’on veut enregistrer. Je pense que si avait commencé à enregistrer les parties batterie au click et après la basse etc je pense que ça aurait tué notre son.
Un son des fois très soft et d’autres beaucoup plus appuyé…
G : Oui, mais c’est spécifique à cet album je trouve, sur « Prisoner » ça se sentait moins…
C’est un peu ce qui m’a fait penser à une sorte de mélange entre « Life in Babaloo » et « Prisoner » avec en plus de nouvelles choses, qu’est-ce que vous en dites ?
K : C’est marrant c’est la première fois que j’entends quelqu’un mentionner ça
G : C’est ce que ça t’a fait ressentir, c’est étonnant c’est vrai qu’on ait jamais entendu ça auparavant. Mais je pense que tu n’es pas loin de la vérité en fait parce que « Prisoner » était vraiment lourd et agressif, sur « Life in Babaloo » il y a pas mal de chansons plus lentes avec des expérimentations plus soft.
Sur le morceau titre « Get Well » on trouve des ambiances différentes, orientales et psychédéliques à la fois, comment ça vous est venu ?
K : En fait je viens de Maroc (rires) ; non je ne sais pas vraiment, c’est juste que j’aime bien ce genre de gammes. Ça vient probablement aussi de groupes comme Pink Floyd. Tu trouves une gamme ou une mélodie qui sonne un peu orientale ou arabique et tu essaies d’apporter quelque chose de nouveau dessus, ou pas vu que tout existe déjà. Mais en improvisant tu arrives à trouver quelque chose de personnel ; après tu vois ce que ça donne.
Une petite question particulière concernant ce morceau, mixé complètement différemment du reste de l’album avec beaucoup de réverbe sur la batterie ce genre de choses, vous aviez ça à l’esprit en le composant ou c’est venu plus tard, pendant le mixage ?
G : Oh bonne question ça
K : Oui, je pense que la majorité de ce que tu peux entendre est ce qu’on avait en tête et Joris Wolff, le co-producteur avait la vision ou l’idée de cristalliser en quelque sorte ce qu’on a fait de « Get Well »
G : Un des trucs qu’il fait vraiment bien, c’est de savoir où il veut emmener un morceau. Tout à été fait live sur celui-ci.
Ça se sent. C’est toi Kevin qui écrit les paroles ?
K : Absolument.
Et quelles sont tes inspirations ?
K : Sur ce coup-là on a finit de composer deux semaines avant d’entrer en studio et pour Birth of Joy je pense que la meilleure chose à faire et de créer les voix par dessus la musique pour que ça devienne un ensemble et pas l’inverse. Du coup j’ai eu deux semaines pour écrire toutes les paroles et les principales sources d’inspiration ont été le stress, la pression. Et en même temps pas mal de choses se sont passées, genre aux infos, comme les réfugiés, ce qu’il se passe en Syrie, en Russie…
G : Une grosse fête mondiale…
K : C’est aussi un souhait pour le progrès, il se passe plein de trucs mais d’un autre côté on a jamais vécu une ère où il y avait autant de distractions. Si tu veux pas voir tout ce qu’il se passe tu prends ton téléphone, tu fais tes trucs hors du monde tu vois ? Tu joues à Angry Birds où je ne sais quoi (rires) La distraction est partout !
D’où est venu le nom Birth of Joy ? Qui l’a trouvé ? Toi Kevin ?
K : Ouais je l’ai trouvé sur un arbre (rires). En fait c’est inspiré du “Birth of Tragedy” de Nietzsche, tourné en dérision, comme une sorte de quête pour redéfinir la joie. Et puis on devait trouver un nom de groupe alors j’ai balancé ça un soir après quelques bières et on s’est dit « Ouais ça peut être un bon nom ». En gros Birth of Joy représente le fait de faire de la musique pour se libérer, contrer ce qui t’entraîne vers le bas et se laisser aller, c’est ça la naissance de la joie.
De quel instrument vient la base de vos morceaux en général ? On sent que certains sont plus basés sur la guitare et d’autres plus sur l’orgue non ?
K : On est tous des personnes créatives et libres donc on apporte tous des idées, il n’y a pas de règle ou de principe qui génère une chanson.
G : Je trouve ça vraiment cool la façon dont peuvent se compléter guitare et orgue, des fois j’ai un riff qui est apparemment très compliqué à jouer à la guitare et d’autres fois c’est l’inverse. Mais je pense qu’on apporte tous les trois la même dose de contribution dans le processus de création.
K : C’est un peu la combinaison de toutes nos idées
G : Des fois j’amène un groove sympa et il trouve un truc cool dessus, des fois c’est le contraire…
C’est vraiment une de vos particularités ces claviers omniprésents…
G : Ouais mais l’orgue tu dois vraiment en faire quelque chose, sinon tout seul ça sonne plat. Il faut ajouter une Big Muff (pédale de fuzz) ou un truc dans le genre…
Tu utilises des pédales pour guitares sur tes claviers ?
G : Oui j’ai une Big Muff, une wah, et des trucs genre une Worm (d’Electro-Harmonix, pédale analogique qui fait phaser, vibrato, tremolo…), une pédale assez pourrie en fait mais qui sonne vraiment bizarrement avec un orgue… Un delay aussi…
B : Et bien sûr il a cette cabine qui tourne
K : Et en fait trois delays, enfin deux et une pédale d’écho. Très marrant quand on est sur scène et qu’il joue avec ces trois-là en même temps, tu te demandes ce qu’il joue (rires).
G : Tout interfère, tu mets les trois delays et ensuite la basse, ça sonne vraiment dingue
Tu joues les parties basse avec tes pieds du coup ?
G : Avec ma main gauche
Ouais je me disais bien que ce serait compliqué sinon (rires)
G : On était à un concert en Espagne et ils m’ont prêté un orgue mais le clavier basse ne marchait pas très bien, du coup ils m’ont dit « On a un pédalier basse pour toi t’inquiète ! » c’était la première fois que j’utilisais ce genre de truc c’était vraiment étrange…
K : Par contre c’était très marrant à voir
B : On aurait dit qu’il était en train de faire du vélo derrière ses claviers (rires)
Parlons un peu de votre album live sorti l’an dernier, « Live at Ubu », pourquoi avoir choisi cet endroit ?
B : La première fois qu’on est venus en France on a joué aux Transmusicales (festival à Rennes) et après ça on a été invité à jouer dans cette salle, l’Ubu, par les gens qui tiennent l’endroit. C’était notre première expérience en France et c’était vraiment excellent, c’est pour ça qu’on a choisi d’enregistrer le live là-bas. On était sûrs du coup que la salle serait pleine de gens qui seraient à fond, le public idéal pour un live.
G : J’y vois aussi comme une sorte d’hommage à Rennes
B : On est vraiment reconnaissants de ces gens des Transmusicales et de Rennes, grâce à eux on a commencé à se faire connaître en France, et même dans d’autres pays
Votre premier gros festival ?
B : Oui et la première fois qu’on allait dans un autre pays…
K : On n’avait jamais joué devant 3000 personnes avant ça
On peut trouver quelques vidéos tournées à l’Ubu, je me demandais si vous aviez eu l’idée d’en faire un DVD ?
K : Déjà on voulait en faire en vinyle, et maintenant qu’il y a internet, personnellement je vois plus trop d’intérêt à faire un DVD
G : Et l’Ubu est une salle vraiment cool mais c’est pas très gros, aussi elle est faite bizarrement, en fait la moitié des gens ne peuvent voir les groupes que sur un gros écran… Du coup ça aurait fait du matériel assez pourri pour un DVD je crois (rires)
Vous écoutez un peu des groupes de la scène dite « stoner » (au sens large), vous avez des favoris ?
K : Hawkwind
G : Tu considères Hawkwind comme tu stoner ?
Ça me va ouais, précurseurs du moins…
G : Sinon je pense que Kyuss est le meilleur groupe de stoner, enfin était…
Hawkwind à cause de leur côté un peu dingue ?
B : Ouais tous ces sons et ces bruits complètement barrés…
G : Et Lemmy… Mais on écoute beaucoup de choses dans beaucoup de styles différents, ça va de l’afro-beat au jazz, à l’electro
K : Et le Blues…
Vous avez l’air de beaucoup aimer la France, qu’est-ce qui vous plait ici ?
K : Le paysage, les gens, la passion, « le vin rouge » (en français), la langue, « le fromage de chèvre »… Et particulièrement l’atmosphère dans le public, très ouvert d’esprit
Comparé à d’autres pays ?
B : Comparé à notre propre pays en fait, en Hollande les gens sont du style « OK, montre moi ce que tu sais faire » avec les bras croisés, il leur faut six ou sept bières avant de commencer à danser ou faire quoi que ce soit. En France vous êtes à fond dès le début…
K : En France les gens ont la capacité de vraiment exprimer leur passion sans retenue.
G : C’est vraiment intéressant de jouer en dehors de son pays, et là c’est la première fois qu’on peut apporter nos propres instruments sur toute la tournée.
K : Même si des fois ça arrive qu’on perde nos instruments pendant le vol.
Vous avez perdu des instruments en route ?
K : Ouais on est allé à L.A. une fois et en arrivant il manquait l’orgue basse. On a jamais su où il était mais le lendemain il est réapparu…
G : C’est à ce moment-là qu’on a décidé de ne plus faire voyager d’orgue ou de gros matos par avion, au pire quelques pédales.
Vous avez déjà joué en dehors de l’Europe alors, pas de tournée de prévue outre-Atlantique par exemple ?
B : Non, on est déjà allés en Amérique, au Canada, en Afrique du Sud, en Égypte, pas mal d’endroits en dehors de l’Europe. Mais la raison principale est qu’on n’est pas connus là-bas, bien sûr on peut aller aux USA et essayer de faire des concerts là-bas mais ce ne serait pas très utile, c’est mieux pour nous de tenter de conquérir l’Europe pour l’instant.
K : Se concentrer sur le long terme…
Une jolie tournée d’ailleurs, trois mois c’est ça ?
B : Plus ou moins en fait, on a joué pendant trois semaines en Hollande mais c’est un petit pays donc on pouvait rentrer tous les soirs. Là le plus long loin de chez nous ça doit être genre un mois et une semaine. Après ça on rentre puis on a des concerts plus ponctuels comme des festivals donc on peut aussi rentrer à la maison à chaque fois
G : La plupart des fois, là on a 27 concerts en avril, ça doit être ce qu’on appelle tourner non ? (rires)
Je crois qu’on peut dire ça, un mot pour la fin ? En français peut-être ?
G : “Putain !”
B : “Pouvez-vous ouvrir la porte s’il vous plait ?”
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