BRANT BJORK – avril 2005


Brant Bjork, Globe-trotter infatigable, était à nouveau de passage en europe en ce mois d’avril 2005. Grand habitué des concerts organisés par Orange Factory, cette tournée était pour lui une nouvelle occasion de faire une halte en Belgique. Malheureusement le Sojo de Louvain ayant du fermer ses portes, le concert aura lieu finalement dans la petite ville de Zichem, dans une petite salle attenante à un bar; bar où nous retrouvons un Brant Bjork fidèle à lui même, détendu et souriant. L’occasion pour nous de lui poser quelques questions, en particulier sur le nouvel album, mais aussi la possibilité de parler de deux choses qui lui tiennent à coeur: la scène et son label Dunarecords.Pendant ce temps, Vic du Monte joue au baby-foot derrière nous à grands renforts de cris et de jurons. Trempé de sueur, il n’a pas l’air de comprendre comment il peut perdre contre ce qui semble être un vieux pilier du bar dans lequel nous nous trouvons.

Comment se passe la tournée jusqu’à maintenant?

Très bien. Jusqu’à présent nous avons vécu des concerts fantastiques, ça commence à vraiment bien marcher et je pense que les gens apprécient les shows. Et avoir Vic du monte avec nous en première partie, c’est une fierté.

Lors du premier show de la tournée, le 8 avril, tu as du faire la quasi-totalité du concert sans guitare, que s’est-il passé?

Ma guitare était branchée avec des vieux câbles et un de mes câbles était naze visiblement et ça a déconné, c’était bien malheureux. (Brant nous confiait avant l’interview qu’ils ne font jamais de soundcheck, ceci expliquant peut-être cela)

Comment as-tu vécu ce show car pour le public c’était un peu spécial, différent de d’habitude ?

Tu sais, je prends ce qui vient…. La guitare ne fonctionne pas, elle ne fonctionne pas. Et je me suis dis que c’était une bonne opportunité au final de me concentrer sur le chant ou de… danser ! C’était cool, j’ai passé un très bon moment, des merdes arrivent parfois mais je fais avec.

… Jamais eu envie de faire des spoken words ?

C’est marrant que tu me dises ça, car sur le prochain album, il y a justement un « spoken words », accompagné par un fond musical mais bel et bien dans l’esprit « spoken words »

A propos du nouvel album, j’ai remarqué que tu joues quelques nouveaux titres en concert sur cette tournée. Où en est ce prochain album?

Alors, le nouvel album s’appelle « saved by magic » et c’est un album de Brant Bjork and the Bros qui contiendra une vingtaine de titres. Une moitié que j’ai enregistré moi-même et l’autre moitié avec les Bros. On l’a enregistré à Rancho de la Luna, avec le même mec que pour Local Angel et Jalamanta : Tony Mason. Si je devais le décrire, je dirais qu’il est en quelque sorte rempli de « collines » et de « vallées » dans l’esprit. Que dire d’autre… y’en a pour environ 85 minutes et ce sera un double album qui devrait sortir en juin, peut être juillet.

Les Bros ont-ils pris part à la composition de cet album ?

Non, je dois dire que je continue à écrire toutes les musiques. Mais tu vois; Mike apporte bien évidemment ses parties de batterie, Cortez est capable de jouer ce qu’on veut sur demande et apporte son propre son, donc finalement, on arrange plus ou moins tout ça ensemble….

Tu sembles très lié aux autres Bros et d’ailleurs, en concert, vous jouez de façon très proche, pas vraiment face au publique, un peu comme si c’était une répet’. Est-ce volontaire?

Cela vient de l’intimité de notre musique, nous aimons rester proche les uns des autres, nous voir, nous voulons ressentir la musique, écouter la musique et une partie de ce que nous faisons consistent en notre propre amusement. En fait, ce sont les chansons qui créent ça. Il y a un temps où je veux avoir un contact, un regard avec le public et il y a un moment où je veux revenir à la base de notre musique, sur scène avec mon groupe. Etant donné qu’on aime faire des concerts assez longs, je ne veux pas passer toute la soirée à « jongler » pour le public, on essaye de les distraire bien sûr, mais je veux aussi que le public vienne vers nous. On va vers eux mais ils doivent venir vers nous aussi et je m’efforce de conserver cet équilibre.

Et ça t’arrive parfois « d’oublier » que tu es sur scène face à un public ?

Oui parfois, il y a des moments où on est tellement pris par ce qu’on fait….

Lors des jams par contre, tu as besoin de communiquer avec le groupe, par les regards…

Oui, ils nous arrivent assez souvent d’improviser et j’aime bien garder un œil sur tout le monde.

Toujours à propos des concerts, pourquoi ne joues-tu aucun morceau de Local Angel ?

C’est une question intéressante…

En fait, si tu considères le laps de temps entre l’enregistrement de Local Angel et sa sortie, il coïncide avec le moment où les Bros se sont formés et pour tout dire, nous avons été tellement occupés que je n’ai pas vraiment pris le temps de leur montrer tout ces morceaux et qu’au final, je n’ai tout simplement pas ressenti le besoin de jouer ces chansons. Je pense que je jouerai certaines de ces chansons à certains moments.

De plus, les chansons que nous jouons actuellement commencent vraiment à prendre corps, elles deviennent riches grâce à l’expérience accumulée en concert. Et finalement, tout doucement je préfère écrire des nouvelles chansons pour apporter de choses différentes au show plutôt que d’intégrer les titres de Local Angel…

Donc ce n’est pas parce que c’est trop personnel ?

Je pense qu’une partie peut l’être. Même si j’ai apporté mon travail solo au sein des Bros en concert, Local Angel est un album véritablement solo, un album vraiment personnel et intimiste.

Il m’arrive tout de même de jouer certaines chansons de Local Angel, notamment lors de shows acoustiques.

Tu tournes énormément depuis 2-3 ans. Tu t’ennuies quand tu restes à la maison ?

Ça dépend, quand je suis chez moi en fait tout dépend de ce dont j’ai besoin. Parfois j’ai besoin de me détendre et donc c’est bien d’être chez soi, mais parfois il faut que je m’occupe, que j’écrive, que j’enregistre, que je bosse sur d’autres projets. Tout ça pour dire que j’adore ce que je fais et donc ça ne me dérange pas d’être occupé et j’apprécie tout simplement le temps passé à faire toutes ces choses.

Tu vas revenir en juillet, qu’est qui te pousse à venir si souvent en Europe? N’as tu pas les mêmes opportunités de tourner aux USA?

J’aime bien jouer aux USA. J’adore les fans qui viennent nous voir et les gens qui nous soutiennent et qui aiment notre musique. Mais aux USA, l’enthousiasme est assez spécial… je pense que dans l’ensemble, le marché européen pour la musique est plus intéressant et même que la culture en général est mieux perçue. J’apprécie cet état de fait tout simplement, les gens semblent plus concernés, plus compréhensifs envers la musique et j’ai l’impression que la communauté de ceux qui aiment la musique, le rock en particulier, est vraiment singulière en Europe et je veux venir ici le plus souvent possible et y prend part.

Souvent les artistes américains qui viennent jouer en Europe ont tendance à dire que le public européen est plus agréable que le public américain et tu sembles confirmer cela en quelques sortes avec tes propos…

Parfois, la plupart du temps, oui… Je pense juste que plus de gens en Europe regardent la musique comme quelque chose d’important. La musique c’est ma vie, donc je veux être là où c’est aussi important. Aux Etats Unis, il y a un petit groupe de personne pour qui la musique est très importante dans leur vie, ils en ont besoin mais au-delà de cela, la plupart du temps, la musique est quelque chose qu’on exploite, avec lequel on doit faire du fric. Tu vois lorsque l’on va dans un club on n’est pas toujours accueilli comme on l’attendait, c’est un peu comme s’ils s’en moquent.

Tu veux dire par là que les gens vont à un concert comme s’ils allaient à une fête ou juste boire une bière avec des amis et qu’ils ne viennent pas pour la musique….

Parfois oui, mais la plupart de ceux qui viennent aux concerts encouragent les groupes, y’a plein de gens très bien, je les apprécie. Mais je pense qu’il y a ce que j’appellerais le facteur « respect » lorsque les gens viennent te voir. En Amérique, il faut que tu sois un artiste qui vend des disques partout dans le monde pour qu’on te prenne au sérieux. Tant que tu n’as pas gagné de l’argent et que tu n’es pas reconnu par les médias alors tu n’est juste qu’un gars qui essaye de trouver sa place dans la musique. Je n’aime pas ce style de point de vue vis à vis de la musique, je ne juge pas la musique par ce qu’elle a rapporté mais par rapport au contenu, au cœur et l’âme …… tu vois, je ne vendrai sûrement jamais des millions d’albums, ce n’est d’ailleurs pas mon but, ce n’est pas nécessaire pour moi, pour ma carrière et c’est pour cela que lorsque je viens en Europe je peux être le musicien que je suis, je n’ai pas besoin d’avoir cette « réputation »

Que ferais-tu justement si le groupe devenait très connu et que tu vendais des millions d’albums ?

Je serais riche….(sourire)

Je veux dire, quel est ton sentiment sur le succès ? Je pense par exemple que ce ne serait pas ton truc de jouer devant trop de personnes.

Je suis d’accord. Beaucoup de personnes pensent que je suis intéressé par le succès et tout le reste mais ça ne m’intéresse pas. Je sais où mes efforts et mon travail me mènent et je préfère être à un niveau où je peux voir les gens, les toucher et être plus intimistes avec ux, et comme je te l’ai dis plutôt, je n’ai pas besoin de vendre des millions de CDS. Tu vois, je ne m’attends pas à ce que des millions de gens apprécient ma musique. Et si c’est le cas, c’est cool, avec le temps, peut-être que beaucoup de monde aura eu l’occasion d’écouter ma musique mais je ne vais pas courir le monde pour que des millions de personnes achètent, écoutent et comprennent ma musique car je pense tout simplement que ça n’a pas de sens pour moi. Je fais ce que je fais car je pense que c’est que je dois être et ce que je veux être, c’est un processus naturel et je ne vais pas essayer de changer, je prends ce qui vient.

Tu as évoqué la scène européenne, comment t’es-tu par exemple retrouvé à jouer sur l’album de Hulk ?

Il me semble que Hulk avait fait la première partie de Fu Manchu, j’ai peut être tord mais il me semble. Et ils sont tout simplement excellents, j’ai toujours pensé que ce groupe est excellent. J’avais quelques contacts avec Jack le batteur, et ce depuis la première fois que nous sommes venu en Belgique. On est devenu amis et il est venu pour enregistrer à Joshua Tree, on a passé du temps ensemble, et c’est vraiment des chics types qui ont un super groupe.

Jack justement, m’a dit que vous viviez plus ou moins tous près de Joshua Tree et du Rancho de la Luna, et que lors de leur venue en studio, tu passais par-là et qu’ils ont profité de l’occasion pour te demander de jouer sur leur album.

Oui, c’est un peu comme ça qu’est le Rancho de la Luna, les groupes y viennent, ouvrent une porte, disent bonjour et prennent une guitare, c’est vraiment sympa.

Tu as déjà joué avec beaucoup de monde en fait, avec qui rêves-tu de jouer un jour ?

Je te répondrai Dave Wyndorf de Monster Magnet (Sourires entre shinkibo et moi, mine interrogative de Brant) … tu connais Dave Wyndorf ?

On sourit parce qu’on a eu une discussion sur Dave Wyndorf très récemment … en particulier sur son attitude sur scène, c’est un peu trop pour nous….

Oui, c’est un peu trop pour moi aussi, mais je connais Dave depuis 1991 et je pense qu’il mène sa vie de rock star avec un niveau d’entertainment qui éclipse un peu son talent musical, mais ce gars a écrit des chansons excellentes. Et donc j’aimerai bien travailler avec lui car je pense que peut être, en le ramenant aux bases, vers quelque chose de plus traditionnel, ça pourrait être vraiment amusant. Malgré tout ce qu’il a pu connaître et vivre, ça reste un super musicien.

Et lui as-tu déjà posé la question ?

Je pense qu’on en a déjà parlé il y a quelques années, mais je n’ai jamais abordé le sujet sur le fait d’écrire des choses ensemble.

Toujours concernant les collaborations, la dernière sortie sur ton label n’est pas un de tes disques, peux-tu nous expliquer ce qui t’a poussé à sortir l’album de Vic du Monte’s Idiot Prayer sur ton label?

Oui, c’est la première sortie d’un groupe. Vic du Monte est un très bon ami, on a quasiment grandi ensemble et on a monté un groupe qui est devenu ensuite Kyuss. Et c’est un groupe fantastique, très bon esprit. Ce n’est pas dans le même style que la plupart des groupes de rock que je connais. C’est plus frais, en même temps plus enragé, très  » classique  » et influencé par le punk des 70’s. Un super groupe avec de bonnes chansons, un bon groupe en concert. Alfredo Hernandez joue de la batterie avec eux. C’est génial.

On sait que ça n’a pas été facile pour lui de trouver un label et je pensais qu’éventuellement, comme ami, tu lui avais dis de venir chez Duna.

Oui, je suis allé chez lui pour une fête de Noël, Chris a fait un concert où il jouait son album et je lui ai dit,  » tu veux le sortir ton album  » et il m’a dit  » oui bien sur, j’adorerai sortir ce truc…  »

Vas-tu sortir d’autres groupes sur ce label ?

Oui, on va sortir d’autres choses sur Duna. On va sortir un album de Mario Lalli, il va faire un album solo. On a aussi évoqué le fait de sortir des vieux trucs de Yawning Man. On est aussi en pleine production et tournage d’un film en 8 et 16 mm. Ça sera une expérience visuelle sur cet endroit où on a grandit qu’est le désert de Californie. Et je vais aussi me servir de mes enregistrements sur mon 4 pistes, depuis Jalamanta, tout ce que j’ai enregistré, mes démos etc.… et je crois que je vais les utiliser ainsi que de nouvelles choses pour accompagner cette expérience visuelle qui sortira sur DVD.

Mais au final pas vraiment de groupe qui sortent de ton cercle d’amis… Si un groupe vient te voir et te dit  » écoutes ce qu’on fait et produis nous « 

Ça dépend du groupe, cela devra être un groupe pour lequel ça aura un sens pour nous de sortir leur musique. …. On est vraiment encore très très petit et s’investir dans un groupe venant de l’extérieur, c’est quelque chose que je voudrais bien faire mais on doit être prudent avec ça, tu sais, ce n’est pas si simple. Je pense par exemple à ce groupe qu’on a vu l’autre jour, Orange Sunshine, au Roadburn festival. Ils sont géniaux, j’ai vraiment apprécié, et je voudrai bien par exemple sortir leur musique mais si ça se fait, tu ne sais pas du tout si ça peut marcher.

Et dans l’avenir, peut-on espérer te revoir un jour derrière une batterie ?

Oui bien sur, il m’arrive encore de jouer de la batterie parfois. Je me suis un peu retiré de la vie de batteur. J’ai joué de la batterie dans des supers groupes et je me sens privilégié pour ça, mais à ce point de ma carrière musicale, vis-à-vis de la musique que j’écris et chante, je ressens plus le besoin d’avoir une guitare avec moi, j’adore ça. La batterie c’est plus à la maison maintenant pour moi, lors des enregistrements.

Tu sembles toujours de bonne humeur et positif. Quel est ton secret?

Je pense que parfois c’est trop facile d’être négatif, de dormir et rester  » sombre « . Je sais que peut être parfois la vie n’est pas simple et que c’est en partie ma responsabilité de ne pas laisser les gens se décourager. Je travaille moi-même très dur, je suis comme tout le monde, j’ai des hauts et des bas, et je me bats pour toujours garder la tête haute. D’un autre côté, je fais ce que je veux, je suis très chanceux et je parcours le monde pour jouer ma musique…

avril 2005 par Jihem.

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