GLOWSUN – octobre 2006


On vous avait déjà fait la chronique passionnée, les résumés de concert complètement subjectifs, les photos, les news, … Il ne manquait plus que l’interview, ce qui est désormais chose faite. Rencontre avec les trois Lillois sur une place sombre à l’occasion de leur concert au Buzzfest. Promis, après on vous lâche avec Glowsun.

Pour ceux qui ne vous connaîtraient pas encore, pouvez-vous nous présenter Glowsun et revenir sur l’histoire du groupe ?

Johan (Guitare, Chant) : J’ai formé Glowsun en 1999 avec d’autres musiciens de la région de Lille après avoir découvert le stoner, notamment grâce aux concerts organisés par Orange Factory en Belgique. J’ai directement apprécié ce style de musique et je suis donc parti dans cette direction. Nous avons rapidement sorti une première démo en 2001 et enchaîné quelques dates. La deuxième démo, « Escape from Hell », a été enregistrée à Mons chez le batteur de Blutch en 2003 mais nous avons splitté peu de temps après.

Deux ans plus tard, en discutant avec Fabrice que je connaissais depuis longtemps, on s’est dit que ce serait bien de reformer Glowsun et on a relancé la machine. Nous avons rapidement composé de nouveaux titres qui se sont retrouvés sur « Lost Love ».

Comment Ronan vous a-t-il rejoint ?

Ronan (Basse) : Avec Fabrice, on avait un groupe de rock’n’roll qui s’appelait Attack of the Mutant Camel dans lequel je jouais de la guitare. Nous nous sommes retrouvé à une Fête de la Musique à l’occasion de laquelle Fabrice jouait dans les deux formations. On s’est dit qu’il valait mieux concentrer nos efforts sur un seul groupe et j’ai donc rejoint Glowsun où j’ai pris la basse.

Vous avez opté pour des morceaux essentiellement instrumentaux. Pourquoi n’avoir pas donné plus d’importance aux vocaux ?

Johan (Guitare, Chant) : Cà vient en partie d’une saturation vis-à-vis des groupes où le chanteur a trop d’importance.

Fabrice (Batterie) : Ce n’est pas vraiment un choix, on le sent comme çà, ce n’est pas tout à fait une décision réfléchie. Nous jouons avec nos tripes sans trop calculer et lorsque le besoin se fait sentir de mettre du chant, on en met. Mais à aucun moment on ne s’impose d’en rajouter, çà fait partie de notre façon d’appréhender notre musique. Le micro est toujours branché lorsque nous composons et ensuite, c’est plus une question de feeling.

Johan : Nous essayons aussi de sortir des traditionnels enchaînements couplet-refrain pour donner plus d’impact aux vocaux. Nous évitons le blah-blah pour aller directement à l’essentiel et donner plus de sens aux paroles. Quand nous parlons par exemple de « Lost Love », l’amour perdu, il ne s’agit pas du sentiment qu’on peut éprouver pour quelqu’un, c’est plutôt en rapport avec la relation entre l’être humain et la planète et le fait que nous nous dirigeons vers une certaine auto-destruction par manque de respect pour notre environnement.

Acceptez-vous d’être catalogué comme un groupe stoner ?

Fabrice : Oui, moi çà ne me dérange pas, je pense que çà correspond assez à ce que nous faisons même si nous ne donnons pas dans la copie de Kyuss ou Fu Manchu. Je pense que nous avons réussi à bien définir le concept et le son de Glowsun en se détachant de nos références qui sont très différentes pour chacun d’entre nous. La seule référence commune revendiquée, c’est The Heads, c’est d’ailleurs pour çà qu’un de nos nouveaux titres porte le nom de cet excellent groupe anglais.

Vous avez l’impression d’évoluer dans le même style qu’eux ?

Fabrice : Non, pas du tout, excepté sur ce morceau qui est une sorte d’hommage sur lequel nous avons essayé de faire quelque chose qui est un peu dans le même esprit. Mais généralement, on ne se dit jamais qu’on va faire un morceau dans tel ou tel style. Nous écoutons tous du stoner au sens large ainsi que plein d’autres choses et nous nous retrouvons sur The Heads qui est une inspiration commune mais pas vraiment une influence directe.

Johan : Les riffs que j’apporte sont parfois influencés par ce que j’écoute, mais ce n’est qu’un élément déclencheur que je présente aux autres. Nous travaillons sur cette base et chacun apporte ses idées et sa touche, il y a un échange qui au final aboutit à du Glowsun.

 

Tous vos titres sont donc issus de jams ? Comment se déroule l’écriture de vos morceaux ?

Fabrice : On boit un hectolitre de Duvel et ensuite çà coule tout seul !

Johan : A la base, je prépare les choses chez moi, j’enregistre des riffs sur mon pc que je propose ensuite à Ronan et Fabrice. C’est un peu une réserve d’idées dans laquelle nous allons piocher, nous faisons une espèce de collage qui donne l’ossature des morceaux que nous développons ensemble lors des répet’.

Fabrice : On aime aussi beaucoup l’improvisation, on balance un truc qu’on enregistre et on réécoute ensuite pour retenir les meilleurs plans qu’on retravaille. En général, nous déterminons la structure d’un nouveau titre en une heure ou deux et ensuite ce n’est plus que de la mise en place, des arrangements, du travail sur l’intro ou la fin du morceau … Mais çà va très vite, on pond presque un nouveau morceau par répet’ même si nous n’exploitons pas tout.

Pourtant, vos morceaux sont assez complexes, pas vraiment linéaires. Le fait d’ajouter une partie plus calme ou un passage psyché, est-ce décidé à l’avance ?

Johan : Oui, parfois nous nous concertons, on se dit que ce serait bien de calmer le jeu avant de remettre la pêche. J’aime beaucoup l’image des vagues pour décrire notre musique …

Fabrice : Nous essayons d’exploiter ce que nous appelons entre nous le côté « mayonnaise », le fait que l’intensité monte progressivement pour culminer sur la fin du titre. On le fait au sein des morceaux mais également dans l’agencement des titres que nous jouons sur scène pour amener l’auditeur à entrer progressivement dans notre trip. Pour les compos, si on attaque par un plan qui dégomme d’entrée de jeu, on va avoir tendance à calmer la sauce pour la rendre encore plus intense ensuite.

Vous avez joué une grosse partie de vos dates en Belgique plutôt qu’en France, même si la tendance est en train de s’inverser. Est-ce vraiment un gros problème de jouer du stoner en France ?

Johan : Petit à petit, çà commence à venir, nous allons bientôt avoir l’occasion de jouer en compagnie de Zoe à Villeneuve d’Ascq dans une grande salle, avec une grosse production derrière. C’est la première fois que çà nous arrive (ndlr : depuis, ce concert a déjà eu lieu).

Fabrice : Le problème rejoint en partie ta question concernant le chant. En France, à mon avis, les gens ne sont pas suffisamment ouverts pour le style de musique que nous jouons. Ils nous arrivent très souvent qu’après un concert, des mecs viennent nous dire que c’était bien mais que çà manquait de chant. La différence avec la Belgique, c’est que le public attend moins de choses calibrées tandis qu’en France, il a besoin de repères pour accrocher et apprécier la musique.

 

Malgré tout, il existe une scène stoner française qui est en train de se développer.

Fabrice : Oui, c’est très flagrant ces derniers mois, mais de part le fait que nous ne faisons pas une musique en filiation directe avec Fu Manchu ou la scène suédoise par exemple, nous n’avons pas vraiment l’impression de faire partie de cette scène. Etant donné que Glowsun existe déjà depuis longtemps, j’ai l’impression de faire quelque chose de moins stéréotypé sur lequel on ne peut pas vraiment coller d’étiquette.

Johan : Il faut dire aussi que la distribution de labels orientés stoner et les concerts sont rares en France et que donc, on y connaît surtout les gros groupes, ce qui donne peut-être une image assez clichée de ce qu’est le stoner.

Vous avez des relations avec d’autres groupes français ? Vous avez l’impression que c’est vraiment une scène ou bien que chacun fait son truc dans son coin ?

Fabrice : Oui, nous communiquons un peu avec Junkyard Birds, Kubota, Jabberwockies et d’autres mais c’est encore assez frileux. Le problème, c’est que la France est un grand pays. Faire venir un groupe de Toulouse est par exemple plus compliqué que d’aller jouer à Tournai ou à la frontière luxembourgeoise pour nous. Malgré tout, on communique, on essaye de monter des concerts ensemble et c’est appelé à se développer dans le futur.

Revenons un peu sur « Lost Love », votre dernière démo. Lorsqu’on la compare aux deux démos précédentes, on constate que le style a très fort évolué, en partie en raison du fait que Johan demeure le seul membre originel. Pourquoi avoir gardé le nom de Glowsun dans ces conditions ?

Johan : Le nom existait et était un peu connu, donc on s’est dit qu’on allait le garder même si Fabrice et Ronan ne jouaient pas sur les premières démos, de façon à ce que les gens qui nous connaissaient constatent une évolution.

Fabrice : C’est vrai que sur le coup nous avons été un peu opportuniste mais après tout, Glowsun a été formé par Johan à la base et ce que nous faisons aujourd’hui est la continuité de ce qu’il aurait fait avec d’autres musiciens. Nous avons d’ailleurs déjà trouvé des concerts grâce aux contacts qu’il avait développé auparavant.

A l’heure actuelle, vous disposez d’un répertoire important de nouveaux titres. Est-il hors de question de jouer d’anciens titres issus des premières démos ?

Johan : Non, je ne veux plus jouer ces morceaux car quelque part, ce ne sont que les ébauches de ce que nous faisons actuellement. Et puis ce ne sont plus les mêmes musiciens et à l’époque je composais tout, alors qu’aujourd’hui nous composons à trois. Rejouer ces morceaux, ce serait pour moi faire marche arrière et on préfère aller de l’avant en continuant à composer de nouveaux titres.

Fabrice : Nous avons malgré tout l’intention de réadapter un morceau de « Escape from Hell », la deuxième démo, mais on n’en dira pas plus.

 

Vous avez enregistré « Lost Love » il y a plus d’un an. Pensez-vous avoir atteint vos objectifs avec cette démo ?

Fabrice : Oui, carrément. Nous ne l’avons pas sortie innocemment mais nous ne pensions pas obtenir autant de bonnes retombées en terme de chroniques et de propositions de concerts. Nous l’avons sortie sans prétention et çà nous est revenu comme une balle de jockari en pleine tronche, on s’est rendu compte qu’il se passait quelque chose et nous avons décidé de profiter de l’engouement relatif. Il n’est d’ailleurs pas improbable que si nous enregistrons un album, ce qui est de plus en plus à l’ordre du jour, nous introduisions ces quatre titres pour les exploiter complètement car nous en sommes très satisfaits. Ils méritent une vie au-delà de la simple démo.

Vous parlez d’un album. Avez-vous déjà eu des contacts avec certains labels ?

Johan : C’est difficile car nous ne faisons pas dans le stoner classique ou le rock classique, on a l’impression d’être un peu marginaux par rapport à ce qui se fait actuellement et les labels sont réticents, d’autant plus qu’avec la chute des ventes de cd en raison d’internet, les labels prennent moins de risques.

Fabrice : Nous avons peut-être une ouverture avec Buzzville, plus précisément avec Buzztown, la structure parallèle qu’ils ont créé pour faire uniquement de la distribution.

Johan : Mais il n’y a absolument rien d’officiel pour le moment, on préfère rester prudent.

Fabrice : En fait, il ne s’agirait pas vraiment d’une signature, c’est une aide à l’auto-production, Nous leurs livrerions un master entièrement terminé et ils prendraient en charge une partie de la promotion et de la distribution, mais effectivement, rien n’est encore signé pour le moment, nous avons simplement évoqué cette possibilité avec les gars de Buzzville.

Par contre, il est très probable qu’un de nos titres se retrouve sur la prochaine compilation « Rock’n’Roll Boulevard » de ce label. Nous ne savons pas encore s’il s’agira d’un titre de la démo ou d’un titre enregistré pour l’occasion, ce sera la surprise.

Vous avez de quoi remplir un album ?

Fabrice : Oui, nous bossons continuellement sur de nouvelles compos et l’éventualité de cet album est une motivation supplémentaire. Des titres comme « Need » ou « The Heads » sont prêt à être enregistrés et je pense que le répertoire tel qu’il existe aujourd’hui mériterait de passer en studio.

Ronan : Le set que nous jouons actuellement est suffisamment cohérent pour faire un album complet et nous avons d’autres idées en cours de développement, donc ce n’est vraiment pas un problème.

 

Vous avez récemment fait un concert au Kab à Genève et ce soir vous êtes à l’affiche du Buzzfest, ce qui représente deux dates importantes dans votre histoire. Quelle est la prochaine étape que vous aimeriez franchir ?

Johan : Peut-être avoir l’occasion de faire un autre festival important mais surtout continuer à obtenir une reconnaissance de la part du public.

Fabrice : Jouer, jouer et encore jouer !! Enregistrer nos morceaux, recevoir de bons échos, … c’est important, mais le moteur c’est la scène. Parvenir à établir une connexion avec le public, lui faire partager notre trip c’est ce qui nous motive le plus. Le fait d’avoir fait récemment des dates plus importantes est encourageant, nous avons l’impression d’avoir gravi une marche et nous aimerions que çà évolue dans ce sens en décrochant la première partie d’une pointure par exemple, mais on n’en fait pas une priorité, l’important c’est de pouvoir jouer.

Johan : Peu importe la taille de la salle tant que nous prennons notre pied et que le public apprécie.

Ronan : Jouer au Buzzfest, çà le fait, mais si la semaine prochaine on doit jouer dans une cave à Lille, çà le fait aussi, pas de problème. Tant qu’on s’éclate et qu’on connecte avec le public, on est partant.

Le concert au Kab, vous en garder quel souvenir ?

Fabrice : L’accueil incroyable des organisateurs. On jouait dans le cadre du Festival Underground, ces gars ont une solide expérience de l’organisation de concert et nous avons été reçus comme des rois. Nous avons été reçus sur un pied d’égalité avec des formations beaucoup plus réputées et nous en gardons un excellent souvenir.

Une dernière question pour Johan. Tu gères l’aspect graphique du groupe (pochettes, flyers, affiches, …), peux-tu nous parler de ton travail ?

Johan : Ben oui, je suis graphiste et j’essaye de travailler dans le rock-art en amenant des idées originales, même si c’est un peu prétentieux de dire çà. J’essaye de sortir des clichés metal où on utilise beaucoup de noir, je pense qu’on peut utiliser des couleurs pour représenter des sentiments plus sombres. J’utilise aussi beaucoup la femme qui représente pour moi la mère-nature, il y a énormément de symbolisme dans mon travail.

Un dernier mot ?

Nous vous remercions pour votre soutien et nous dédions le concert de ce soir à Karine (NDLR : Karine est la conjointe de Shinkibo) sans qui rien n’aurait été possible.

octobre 2006 par Jihem.

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