En ce 6e jour du mois de novembre de l’année 2007, c’est dans un VK (Vaartkapoen, salle de concerts bruxelloise) bien électrique pour l’occasion que quatre bonnes centaines de badauds se sont donnés rencart pour voir Hermano défendre son petit dernier sur les planches. Et on en a eu pour notre pognon avec, cerise sur le gâteau, une interview à chaud et totalement improvisée de Mike Callahan (guitariste rythmique) et de Dandy Brown (bassiste) à leur sortie de scène pendant que Dave Angstrom et John Garcia, souriants et ravis, s’improvisent en marchands du temple (du stoner) pour le plus grand plaisir de tous les fans. On ne gagnera pas le Pulitzer avec çà, mais en voici malgré tout le contenu.
Photos par Laurent & Jihem
Ce soir, c’était votre premier concert de la tournée. Vous l’avez ressenti comment sur scène ?
Dandy Brown : Hey, mec, c’était géant, c’était une super nuit, on s’est beaucoup amusé ! En plus, ce soir, c’est la release party et çà faisait un sacré bout de temps qu’on n’avait pas joué. En plus, on n’avait jamais joué les nouveaux morceaux ensemble, soit la moitié du set. En fait, on s’est seulement réunis quelques jours avant le début de la tournée en se demandant comment ça allait donner en live. On a réarrangé quelques parties par-ci par-là et ce soir le résultat nous a beaucoup plus.
Avez-vous l’impression qu’il y ait quelque chose de spécial dans cette tournée, quelque chose de différent par rapport aux précédentes ?
Dandy Brown : Il y a toujours quelque chose de spécial dans toutes les tournées. Elles sont toutes spéciales car espacées dans le temps en ce qui nous concerne. Hermano, ce n’est pas comme un groupe de potes qui se voient vraiment. Nous, on communique via Skype, par téléphone ou encore par e-mail, mais on n’a pas vraiment l’occasion de se voir. Alors, quand on se rencontre, c’est comme revoir le frère que tu n’as pas vu depuis un bon bout de temps. Cà, c’est pour le background chargé d’émotions et, en plus, on peut jouer de la musique ensemble là-dessus.
Mike Callahan : En plus, tu vois, cet album, on en est si fiers. On avait besoin de se rencontrer pour le faire et la manière dont on en a accouché, ce fut une expérience palpitante.
A ce sujet, avez-vous toujours la même manière de bosser sur vos albums en enregistrant chacune de vos parties de votre côté et en assemblant le tout ensuite ? N’est-ce pas frustrant ce processus d’éloignement ?
DB : Non, pas du tout. Je ne dois jamais quitter ma maison pour longtemps. Je peux voir ma femme et mes enfants tous les jours et aussi vaquer à mes occupations professionnelles. C’est géant de pouvoir vivre de la sorte !
Je t’avais déjà rencontré il y a 3 ou 4 ans et tu enseignais. Toujours prof ?
DB : Oui, je fais toujours le même job. C’est un bon truc pour s’éloigner de la foule: enseigner quotidiennement. Je ne suis pas amené à vivre cette ambiance folle de tournée dans mon boulot, enfin pas souvent, alors c’est vraiment cool. J’enseigne l’anglais et j’adore çà.
(A Mike), tu étais bon à l’école également ?
MC : Je l’étais ! En fait, je vais toujours à la fac.
DB : Toujours collège kid à ce jour! Il se balade encore sur les campus à 34 ans !
Quel est selon vous la différence entre Into the Exam Room et les deux albums précédents ?
DB : Je crois que pour cet album, on voulait simplement s’assurer de continuer à jouer ce que l’on joue et ce que l’on aime jouer ensemble. Dare I Say était plus expérimental dans la manière d’enregistrer tandis que le premier album (Only A Suggestion), on l’a enregistré tous ensemble dans la même pièce en cinq jours, mais ce sont les seules différences entre nos albums pour moi.
MC : Avant le premier album, Dandy et moi, on s’était rencontrés une seule fois. Je n’avais jamais rencontré ni Dave Angstrom (lead guitar) ni John Garcia. Et on s’est tous retrouvé au bar.
DB : Oui, Steve (Earle, ex-batteur) nous y attendait déjà !
MC : Ouais, tu veux jouer de la zique, mec ? (NDLR: il rejoue la scène)
DB : Et toi, tu veux jouer de la gratte, dude? (rires) Ensuite on s’est tous pointés ensemble avec nos parties respectives dans le même local pour pondre le premier album et c’était vraiment la première fois qu’on avait l’opportunité de se voir et de bosser ensemble. C’était une expérience de se retrouver avec nos parties musicales à partir des quatre coins du pays et c’est dans cette esprit que l’expérience Dare I Say a également vu le jour. Il faut dire aussi qu’on a une super équipe avec nous pour nous aider à tout moment. Maintenant du point de vue des compos, le nouvel album marque un pas en avant. J’aime vraiment Dare I Say et les situations un peu dingues que cet album a engendrées. Sur base de cela, on a pu faire ce nouvel opus forts de cette expérience.
Pour la première fois, il n’y a pas de mention sur le boitier disant Featuring John Garcia from Kyuss.
DB : Pour être honnête avec toi, John n’a jamais été d’accord avec cette mention. Mais ça, c’était l’idée de la maison de disques parce qu’ils ont un business à faire tourner. Alors, ils imposent ce genre de sticker sur la pochette. J’adore John et je sais que c’e n’est pas lui qui a demandé un truc pareil. Ca fait partie du business, man. Et en fait, je m’en tape (rires). Je ne pense pas que cela nuise au groupe et puis je ne me tracasse pas de savoir ce que les gens pensent de moi car je sais qui je suis. Je ne me tracasse pas non plus de savoir ce que les gens pensent du groupe. Tu sais, ces mecs sont mes meilleurs potes, c’est une expérience formidable, alors les petites histoires du label avec la presse, ça me passe au-dessus de la tête.
Est-ce que vous vous imposez des délais pour sortir un album ? Est-ce que vous sentez de la pression sur vos épaules quand vous composez ? Vous semblez passer tellement peu de temps ensemble, en tout cas physiquement, et çà doit être un rythme de composition très particulier.
MC : Ca n’a guère d’importance que nous ne soyons pas physiquement ensemble. Ca arrive dans plein de groupes. Si tu y réfléchis, il y a beaucoup de grands albums qui ont été faits par des gens qui ne se trouvaient pas dans la même pièce au même moment. On fait les prises de batterie en premier. Ensuite, on met les lignes de basse là-dessus. Enfin, tu balances les grattes et la voix. Ces albums qui peuvent générer des millions de dollars sont enregistrés de la même manière que les nôtres.
Pour certains groupes, il est très important que les membres soient toujours fourrés ensemble jusqu’à habiter ensemble. Vous semblez fort loin de ce principe.
DB : Mes parents vivent en Floride (côte est des Etat-Unis) et je vis en Californie (côte ouest des Etat-Unis). Je les vois une fois par an mais je les aime toujours autant. Je n’ai pas besoin de les voir tous les jours et je les aime tout autant que j’aime mes potes d’Hermano.
MC : J’y pense parfois. Je pense que si nous étions tout le temps ensemble, peut-être qu’on n’aurait pas été capables d’accomplir tout ce chemin.
DB : Je pense que si on vivait dans le même bled, je n’aurais peut-être pas rencontrés ces mecs pour faire des albums. J’ai ma vie privée, mec. J’ai trois magnifiques filles et une superbe femme, ainsi qu’un job que j’adore. C’est une vie totalement différente, pleine dans tous les sens du terme.
En fait, vous avez fait le choix de tirer avantage du fait que vous êtes un groupe pour donner des concerts tout en gardant vos vies privées chacun de votre côté.
DB : On est juste quelques mecs super chanceux. On joue de la musique plutôt bonne ensemble, on se marre comme des fous et les gens qui viennent nous voir lors des concerts prennent du bon temps. Il n’y pas de pression dès le départ, on n’est pas des rock stars. On peut parler aux gens, on n’a pas besoin de se cacher dans un bus. Je crois qu’on n’est pas un groupe, on est juste quelques mecs qui jouent de la musique ensemble et qui peuvent se mêler à la foule après le show. Beaucoup de gens conçoivent les groupes comme de bulles. Je n’ai pas besoin de vivre dans une bulle ! J’aime être ailleurs.
MC : On n’a jamais eu honte de nous. Comme je l’ai toujours dit, on n’est plus des gamins de 9 ans, on a des familles et des enfants, on sait discerner ce qui est important pour nous. On adore jouer de la musique ensemble mais on sait où sont nos priorités.
DB : Ouais, pas de pression.
Vous voyez une différence entre le public américain et le public européen ?
DB : Quel public américain ?
MC : Yeah ? (rires)
DB : On ne joue pas là-bas.
Vous préférez jouer en Europe ?
DB : Les gens nous demandent souvent pourquoi on ne joue pas aux Etats-Unis. Ce n’est pas qu’on soit anti-américains. Je vis là-bas et ce pays est dans le top 5 des pays les plus libres. Le niveau de vie y est bon mais c’est surtout mon anonymat que j’apprécie là-bas. Je peux rentrer à la maison comme un type tout à fait normal et faire ce qu’un homme doit faire pour sa famille. C’est la face réelle de mon existence.
MC : Tu as sûrement eu la même expérience que moi, à savoir que les gens ne comprennent pas pourquoi on ne joue pas aux Etats-Unis.
DB : Tu veux rouler une clope ? Mais on ne va pas le faire à l’intérieur parce que c’est illégal de fumer dans un lieu public en Belgique (rires).
L’album sort d’abord en Europe suivi directement par la tournée européenne. C’est parce que vous ne voulez pas tourner aux Etats-Unis ou parce qu’il est vraiment impossible de tourner pour vous là-bas ?
DB : Je crois que c’est une combinaison de tout cela. Si on veut continuer à vivre comme on vit et faire ce que l’on fait, je crois que les tournées européennes sont la meilleure option pour nous. Les Etats-Unis sont très grand et devoir voyager de salle en salle, ce n’est pas très évident surtout si l’on veut garder le contact avec la maison. En plus, je ne sais pas si le marché du disque s’intéressera à nous aux States.
MC : Et puis, on aime tellement se pointer ici en Europe.
DB : J’ai déjà vu tous les Etats-Unis.
MC : Oui, moi aussi.
DB : Je crois que j’ai déjà fait 32 ou 33 états sans vraiment jamais avoir perçu la beauté de mon pays. Il y a le côté vacances aussi dans une tournée européenne, on est dépaysés ici.
Vous allez tourner dans toute l’Europe et vous avez notamment trois dates en Espagne et une seule au Royaume-Uni. D’habitude, c’est le contraire.
DB : Je crois que c’est une question de logistique. Partout où l’on joue, partout où nous allons, les gens sont si réceptifs et naturels envers nous et notre musique tout le temps. On adore jouer partout mais l’Espagne occupe une place toute particulière dans nos cœurs. Je ne veux pas dénigrer tout autre pays d’Europe et on adore d’ailleurs jouer dans ces pays. Mais en Espagne, il y a de si belles femmes et puis les Espagnols ont un tempérament de feu! Je voyage dans le Pays Basque depuis 1993 et j’adore personnellement cette partie de l’Espagne pour ses paysages et le côté rustique et ancien.
MC : J’ai le même feeling à propos de n’importe quel endroit en Europe. Les States ont 200 grosses années d’existence. Ici, il y a tant d’histoire! On adore ça! Quand on a du temps libre, on en profite pour visiter.
Même au niveau des dates de sortie de l’album, on retrouve cet aspect Europe vs. USA. Il ne sortira aux Etats-Unis qu’à partir de janvier 2008 alors qu’il est déjà sorti ici.
DB : En fait, on est sur un label néerlandais (Suburban Records) et on a signé tout récemment un accord de distribution avec un label US. Dave, c’est quoi le nom déjà?
Dave Angstrom, accoudé au bar : grognements, borborygmes et autres éclats de rire…
MC : Regain Records! C’est un label new-yorkais. En fait, c’est leur bureau de NY qui accepté de nous distribuer. Leur maison-mère se trouve en Suède.
DB : Oui, c’est un gros label (NDLR: sincérité ou cynisme?)! C’est un deal tout récent, ce qui explique le retard de la sortie aux Etats-Unis. On va tourner pendant six mois puis le skeud sera dans les bacs chez nous quand on se repointera. C’est cool de savoir qu’un label américain est prêt à distribuer notre album alors qu’on ne sera pas là. Ca me rend vraiment admiratif de ce label, ils savent qu’on ne va pas tourner chez nous et pourtant ils sont d’accord pour délier les cordons de la bourse et nous distribuer. C’est une super équipe de mon point de vue. Ils savent qu’ils ne vont pas faire des millions, alors savoir qu’ils sont prêts à le distribuer, je trouve ça dingue!
Retour aux dates, vous êtes supposés revenir en Europe vers mai 2008.
DB : Je ne sais pas. Rien n’est encore confirmé. Mais je vois que les gens autour de moi sont plus au courant et me disent que oui. Alors, je te réponds oui (des “oui” fusent dans la pièce).
MC : Et on va jouer en Australie également pendant l’été. Ce sera la première fois.
Vous jouez toujours dans des projets parallèles ?
MC : Plus maintenant. Avant, c’était le cas.
DB : Moi bien! Je jamme toujours avec Steve Earle On prépare un truc mais sans stress. Ca sonne un peu comme Hermano mais à la Steve Earle. On a une douzaine de morceaux.
Merci ! Bonne tournée !
DB : C’était vraiment un super show. On a passé un grand moment. Le meilleur moment depuis… la semaine dernière ! Salut et merci les gars !
MC : Pour moi, ça fait des mois! Salut !
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