Après les avoir vu une bonne demi-douzaine de fois sur scène en à peu près autant d’années, il était grand temps de s’asseoir autour d’une table avec les membres de Hypnos 69, histoire de revenir sur le parcours d’un groupe dont la réputation a depuis longtemps dépassé les frontières de la petite Belgique. Ce fut chose faite au lendemain d’un des meilleurs concerts du Buzzfest 2007 à Opwijk et quelques heures avant qu’ils ne remettent le couvert à Rossignol. Rencontre avec Steve Houtmeyers, guitariste et chanteur du quatuor.
Photos: Margot Kumeling & Jihem
Vous jouez ce soir l’un des derniers concerts de la tournée The Eclectic Tour. Comment s’est déroulée cette tournée ?
Je trouve que çà c’est très bien passé ! Nous avons fait quelques très bons concerts en Suisse et en Allemagne, notamment à Berlin où nous étions le week-end dernier et où il y avait beaucoup de monde, ce qui nous a permit de vendre pleins de cds.
Cette tournée aurait du avoir lieu beaucoup plus tôt, mais vous avez splitté il y a quelques mois avant de vous reformez. Avec le recul, penses-tu que ce split était nécessaire ou c’était seulement une perte de temps ?
Je ne sais pas, je crois que nous avions vraiment besoin d’un break, l’ambiance était en train de se détériorer au sein du groupe car il y avait trop de boulot. Trouver des dates pour promouvoir la sortie du nouvel album me prenait beaucoup de temps et c’était un peu trop pour moi. Ce break nous a été bénéfique car après six mois passés sans jouer, c’était une sorte de nouveau départ, nous étions très excités à l’idée de remonter sur les planches.
Ça n’a pas été trop frustrant d’arrêter à ce moment-là, alors que la tournée était bookée, que vous aviez un paquet de dates prévues ?
Oui, c’est vrai, mais je m’implique énormément dans tout ce que je fais et les autres membres du groupe restent plus en dehors de tout çà. Je compose les morceaux, j’organise les tournées, … et finalement tout repose sur moi, si je ne le fais pas, il ne se passe rien et cette fois-ci, c’était vraiment trop, je commençais à être fatigué de devoir tout faire moi-même. Mais à présent, tout le monde est d’accord pour s’impliquer un peu plus et çà se passe mieux.
Hypnos 69 existe depuis une dizaine d’années et vous avez été les témoins du développement de la scène stoner, même si vous n’êtes pas à proprement parlé un groupe stoner. Qu’est-ce qui a changé entre l’époque où vous avez commencé et aujourd’hui ?
Je pense que çà a explosé à la fin des 90’s, cette scène stoner est vraiment devenue importante à cette époque. Elle ne vient de nulle part en fait, avant il n’y avait que la scène Metal et ce truc Grunge, c’est à peu près tout, et soudain on s’est retrouvé avec pleins de groupes Stoner. Mais je pense qu’en musique, ce genre de phénomène est cyclique, tous les dix ans une nouvelle tendance apparait et devient « the next big thing ». C’est plutôt bien pour nous car lorsque nous avons commencé à jouer vers 1991, c’était très difficile, il n’existait pas vraiment de structure ni de public pour ce genre de musique.
Donc, c’est plus simple aujourd’hui ?
Oh oui, c’est beaucoup plus simple ! En partie d’ailleurs grâce à internet qui permet de se faire pleins de contacts facilement. Je me souviens que durant les 90’s, je devais écrire des lettres et les envoyer par la poste pour contacter des bookers, … c’était compliqué, çà prenait un temps fou.
Revenons un peu à ton groupe. Vos influences sont plus à chercher du côté des 70’s, t’intéresses-tu à ce qui se fait actuellement, quels sont les groupes contemporains qui te plaisent ?
Oh, je ne suis pas du tout focaliser sur les vieux groupes. Pour citer un groupe actuel que j’aime beaucoup, je dirais Porcupine Tree qui fait une sorte de prog’ moderne sans avoir recours aux recettes classiques, j’apprécie énormément leur démarche.
Et si tu devais définir votre style, comment le ferais-tu ? J’ai vraiment beaucoup de mal à mettre des mots sur ce mélange de styles que constitue l’identité Hypnos 69.
Il est très difficile pour moi de définir notre musique car lorsque nous jouons ensemble, cette musique est le résultat de nos quatre personnalités, nous ne nous disons jamais « faisons un truc dans ce style-ci ou dans ce style-là », nous commençons à jouer et ce qui en sort est une combinaison de nos états d’esprit à ce moment-là. Il n’y a pas vraiment de leader, en tout cas musicalement, chacun vient avec ses idées et apporte sa touche. Steven, le saxophoniste, a par exemple une approche plus jazzy tandis que Dave ajoute ce groove heavy à la Bonham et c’est ce mélange qui donne le son d’Hypnos 69.
Vous êtes sur Elektrohasch qui est à mon sens l’un des meilleurs labels européens en matière de Heavy-Psyché. Que vous a apporté une telle signature ?
C’est un label très important en Allemagne, il est connu et les gens savent que Stefan (ndlr : Koglek, par ailleurs guitariste de Colour Haze) sort toujours de très bons groupes. Il ne cherche pas à faire du business pour gagner beaucoup d’argent, il se soucie uniquement de sortir de la bonne musique et de la musique qu’il aime. Peu importe qu’il ne vende pas des tonnes d’albums, même si c’est qu’il fait dans une certaine mesure, c’est avant tout une question de passion pour lui. Et donc, une telle réputation est bonne pour nous.
Penses-tu que les choses seraient différentes pour Hypnos 69 si vous étiez sur un autre label ?
Oui, je pense que nous toucherions moins de monde si nous n’étions pas sur Elektrohasch. Lorsque nous jouons en Allemagne, qui est un marché important, les salles sont toujours bien remplies, ce qui n’est pas toujours le cas en Belgique. Lorsque nous jouons dans la région de Leuven, dont nous sommes originaires, le public est présent mais ce n’est pas comparable avec les concerts en Allemagne où nous jouons régulièrement devant 400 personnes, uniquement parce que nous sommes sur ce label bien connu.
La première fois que j’ai écouté The Eclectic Measure, ma première impression fut que vous aviez enfin réussi à parfaitement intégrer vos différentes influences, que ce soit le Jazz, le Heavy ou le Psyché. La volonté de sortir un tel album était-elle déjà présente lorsque vous avez monté le groupe ?
Oui, mais cet album est le premier qui correspond exactement à l’album que je rêvais de faire. J’ai tout écris moi-même, les paroles, le concept et la majorité de la musique que nous composons malgré tout ensemble. En fait, j’arrive avec une sorte de squelette du morceau sur lequel les autres développent leur propre partie et il est vrai que nous avons bien réussi à intégrer chaque élément cette fois.
Effectivement, cet album a un concept. Celui-ci s’est-il imposé de lui-même ou était-il présent avant que tu n’écrives les paroles ?
Je voulais un concept dès le départ, ce qui n’est pas simple car cela demande beaucoup de réflexion au préalable, notamment au niveau des arrangements afin que tout s’enchaine. J’avais une ligne directrice qui assurait la continuité de l’album, ce qui est parfois contraignant, mais je pense que nous avons atteint notre but. Les albums précédents étaient plutôt bons selon moi, mais ils étaient plus au moins basés sur des jams, on enregistrait les titres comme ils venaient, tandis que pour The Eclectic Measure, il y avait une direction à suivre dès le départ.
Pourrais-tu expliquer ce concept, qui est basé sur The Seven Sermons to the Dead, un livre de Carl Jung ?
En fait, ce concept est basé sur la dualité que tu retrouves en toute chose, le bien et le mal, construire et détruire, … et sur ta façon de réagir face à cela en tant que personne afin d’avoir une vision claire et d’agir correctement en apprenant à mieux te connaitre.
Et après un album aussi complexe, quelle est la prochaine étape ?
Aaah, la prochaine étape ! Je vais révéler quelques secrets ! Nous sommes en train de répéter pour enregistrer le prochain album au début de l’année 2008. Ce sera quelque chose de spécial car il s’agit d’un double album, mais pas au sens traditionnel du terme. Le premier cd sera composé de morceaux « classiques » et sur le deuxième cd, on retrouvera ce qu’on pourrait appeler de l’Ambient. Le truc, c’est que l’on pourra écouter chaque cd séparément mais que l’on pourra également les écouter ensemble. Il y aura une fois de plus un concept que je suis en train de développer ainsi que des invités, mais j’y travaille actuellement et tout n’est pas encore défini.
Tu en parles comme s’il était déjà enregistré. As-tu déjà tout en tête ?
Oui, je n’ai pas encore écrit toute la musique et les paroles, mais je sais comment il sonnera, je l’entends déjà, même si je ne sais pas exactement ce que nous jouerons, c’est une sorte de sentiment. J’ai déjà quelques idées que nous utiliserons mais à présent, le défi est surtout de retranscrire ce que je ressens en musique. J’ai déjà travaillé de cette façon pour le dernier album, j’avais le concept en tête, je savais ce que je voulais en faire mais c’était surtout une question de temps. En fait, je suis toujours en train de songer à l’album suivant, j’ai plein d’idées mais il faut prendre le temps de les retranscrire.
Pour conclure, tu as joué avec d’autres musiciens comme Ed Mundell ou Ten East, tu as des projets parallèles, comme Dolmen Tree. Cela apporte-t-il quelque chose à ta façon de composer pour Hypnos 69 ?
Mmmh, pas vraiment. Avec Dolmen Tree, c’est vraiment un projet pour le fun, plus relax, je m’y consacre lorsque j’ai envie de prendre mes distances avec tout le reste. Avec Ed Mundell, nous avons fait un concert totalement improvisé, c’était une chouette expérience car nous partageons des goûts musicaux similaires et çà fonctionnait bien entre nous. Pour Ten East, c’est un peu particulier, car nous avions joué en première partie de Yawning Man quelques années auparavant, ils avaient beaucoup apprécié ce que nous faisions et un jour Gary Arce m’a appelé pour remplacer Mario Lalli sur leur tournée européenne, ce que j’ai évidemment accepté.
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