MARS RED SKY (Nov. 2019)


Après une année bien chargée avec un nouvel album et une grande tournée, nous avons posé quelques questions à Mars Red Sky… Nous devions rencontrer Jimmy, Julien et Mathieu lors de leur escapade parisienne à l’Alhambra en novembre dernier mais leur emploi du temps était trop chargé. C’est donc par Skype que s’est réalisée cette interview…

Vous avez choisi d’enregistrer The task eternal sur vos terres girondines, tout comme le précédent opus Apex III. Pourquoi ?

Jimmy: Mars Red Sky est un groupe qui tourne beaucoup et on a créé ce groupe pour voyager (un peu trop même ces derniers temps !) mais au bout d’un moment, pour pouvoir concilier vie de famille et vie professionnelle, il apparaissait plus pertinent d’enregistrer ce nouvel album près de chez nous, tout simplement.

 

Et pourquoi vous avec choisi plus particulièrement de bosser dans un château médiéval ?

Mathieu: il faut savoir qu’on n’a pas réellement enregistré dans le château mais tout le processus d’écriture et de composition s’est effectivement passé là-bas. Pourquoi avoir choisi ce lieu ? Tout simplement parce qu’on rêvait depuis des années de faire un album de black metal et c’était l’occasion de rester fidèle aux traditions ! (rires) Plus sérieusement, on a eu cette opportunité et on voulait un lieu qui sorte de l’ordinaire, un endroit qui ne soit pas situé en plein centre-ville de Bordeaux mais sans pour autant se retrouver perdu au fin fond des montagnes… On a donc choisi ce château situé non loin de Marmande où l’on pouvait s’isoler tout en restant pas très loin de la maison. C’est par un ami de Jimmy qu’on a eu ce contact et c’est un château qui a été acheté et restauré par deux couples dans les années 70 et ils ont l’habitude d’accueillir des résidences, des stages de jazz, des séminaires de yoga et de méditation, ce genre de choses… On s’est retrouvés là-bas pendant plusieurs jours pour écrire et composer l’album.

Julien: On a surtout utilisé ce lieu pour tester les premières démos, trouver les structures principales des morceaux… On avait pensé un moment enregistrer toutes les parties de batterie de Mathieu là-bas car l’acoustique de la salle s’y prêtait plutôt bien mais la logistique était trop compliquée. Du coup, on s’est rabattu sur le studio Cryogène à Bordeaux dans lequel on avait enregistré l’album précédent.

 

Vous avez choisi de travailler à nouveau avec le producteur Gabriel Zander, qui avait déjà produit l’album Apex III...

Jimmy: Alors je t’arrête tout de suite car c’est faux ! C’est une mauvaise interprétation de la bio qu’on a mis en ligne et qui a été modifiée depuis… En fait, Gabriel a enregistré notre deuxième album, Stranded In Arcadia, au Brésil (suite au fameux incident avec les douanes) et il est venu au studio Cryogène pour Apex III mais pour The Task Eternal, nous n’avons pas travaillé avec lui…

 

 

The Task Eternal sonne parfois de façon très cinématographique, un peu comme la bande originale d’un film de la Hammer ou d’une série B de science-fiction des années 50. Le cinéma a-t-il une influence sur votre musique ?

Jimmy: Non, c’est nous qui avons une influence sur le cinéma ! (rires) Notre cinéma est nourri de notre musique et de nos visuels donc non, le cinéma n’a pas d’influence sur nous mais nous avons une influence sur NOTRE cinéma ! Pour développer un peu plus ma réponse, on a souvent ce genre de question, sans doute à cause de nos visuels assez développés (ce qui est un peu mon domaine de prédilection) mais je dois reconnaître que je n’ai pas une culture cinématographique hyper développée… Simplement, le cinéma d’anticipation nous botte tous les trois et on connaît les grands classiques du genre. Mais pour revenir à notre musique, elle est principalement progressive et assez psyché et donc, par déduction, assez cinématique dans son approche.

Julien: Je ne suis pas non plus un expert en cinéma de science-fiction mais je suis sensible à la musique qu’on peut mettre sur des images…

 

The Task Eternal est salué par la critique depuis sa sortie. Vous lisez toujours ce qui se dit sur vous, que ce soit les médias ou sur les réseaux sociaux ?

Mathieu: Personnellement, j’aime bien acheter les magazines de temps en temps, ça me fait plaisir d’aller au kiosque et découvrir une chronique qui parle de nous ! Mais les réseaux sociaux je suis moins fan car c’est un peu trop fourni pour moi, je préfère un bon vieux magazine, à l’ancienne ! (Jimmy et Julien éclatent de rire de leur côté…). Plus sérieusement, je dis souvent que les critiques ne m’atteignent pas mais quand je vois une critique positive sur l’album ou des commentaires de gens qui nous disent qu’ils nous aiment encore après quatre albums, ça fait forcément plaisir !

Jimmy : Pour cet album, on a eu un bon accueil des médias mais surtout du public. On sent qu’il s’est passé un truc par rapport aux 2 albums précédents. Il faut dire qu’on a commencé avec un premier album très identitaire qui a fédéré et catalysé un truc très fort avec le public et c’est difficile de continuer à plaire mais on s’est rendu compte en tournée que le public nous parlait de cet album, venait vers nous pour nous donner leur avis et ça c’est assez nouveau. Et « Hollow King » et « Crazy Hearth » sont les 2 morceaux qui reviennent le plus souvent dans les conversations.

Mathieu : Il faut dire qu’on joue beaucoup de nouveaux morceaux sur scène, plus que pour n’importe quel autre album à sa sortie…

 

J’ai toujours trouvé que vos chansons prenaient toute leur dimension en live. Quand vous composez, vous avez déjà en tête l’adaptation des chansons en live ?

Mathieu : A titre personnel, pour cet album, j’ai fait particulièrement attention à mes parties de batterie pour qu’elles soient « simples » à jouer en live, c’est-à-dire qu’elles ne soient pas trop exigeantes et qu’il soit possible de se libérer et d’être « au-dessus » de ce qu’on joue. Dans le château, je me disais « allez, tu cales bien ton truc, reste simple, comme ça tu ne le regretteras pas sur scène et tu seras bien content de regarder les copains qui, eux, mettent des notes partout » ! (rires)

Jimmy : C’est pas vrai, je ne mets pas des notes partout, je n’en mets qu’une et c’est toujours la même en plus ! (rires) De mon côté, j’ai surtout pensé à Mat car il galère, il est arrivé tard dans la batterie et son niveau est assez faible donc j’ai surtout pensé à ne pas l’envahir avec des trucs trop complexes pour lui parce qu’après, il a du mal à suivre et il perd ses marques et sa confiance ! Le niveau d’un groupe se mesure à celui de son batteur, ne l’oublions pas ! (rires)

 

 

Vous avez tourné avec des dizaines de groupes. Vous venez récemment de partager la scène avec Kadavar. Ça vous apporte quoi de jouer aux côtés d’autres groupes ?

Jimmy : Du public ! Question suivante ! (rires)

 

Mais non ! Même sans Kadavar, le public serait venu !

Mathieu : Peut-être, mais moins !

 

Le public aurait peut-être été différent aussi…

Jimmy : Pas forcément… Les gens sont venus nous voir car nous étions en deuxième position sur l’affiche et ceux qui nous aiment vraiment paient 5 euros de plus que d’habitude mais ils s’en foutent car maintenant, nos concerts coûtent 15 ou 18 euros à nous aussi ! Non, le plus, c’est qu’on a eu le public de Kadavar ! Par exemple, à Nantes, au lieu de jouer devant 250 personnes, on a joué devant 800 personnes ! Ça fait une grosse différence ! A Bordeaux, dans notre ville, au lieu de jouer devant 150 personnes, ils étaient 450 !

 

Chez Mars Red Sky, le visuel a une importance capitale et vos pochettes sont toutes des œuvres d’art qui vous identifient immédiatement. C’est important pour vous de sortir des albums sous de belles pochettes, comme au bon vieux temps ?

Julien : Absolument, et j’ajouterai qu’on est ravi de notre collaboration avec Carlos Olmo qui a réalisé toutes nos pochettes et qui travaille en étroite collaboration avec Jimmy. Jimmy lui donne les idées directrices et Carlos les met en forme et depuis le premier album, il a développé un truc qu’il essaie de faire évoluer au fil des pochettes qui est assez hallucinant, je trouve…

Jimmy : A la base, on lui avait demandé de s’inspirer de l’infographie des vieilles encyclopédies « Tout l’univers » des années 60. On collabore aussi avec plusieurs autres graphistes pour nos flyers et, de temps en temps, on fait appel à Carlos pour ces flyers aussi et tout récemment, on va bosser ensemble pour une éventuelle future tournée aux États-Unis. J’ai appelé Carlos pour lui dire : « tiens, j’imagine un drive-in avec des guitares à la place des voitures » et lui m’a répondu : « on pourrait tenter un truc post-apocalyptique » et on échange nos idées comme ça… Par exemple, pour la pochette de The Task Eternal, on n’arrivait pas à finaliser la pochette et on y a réfléchi tous les 4 avec Carlos jusqu’à ce qu’on se mette d’accord tous ensemble. On est en parfaite symbiose avec lui.

 

Vous avez énormément tourné en Europe, vous êtes même allé jusqu’aux Etats-Unis et en Amérique du sud. Vous avez des projets à court et moyen terme pour faire évoluer le groupe ?

Jimmy : Faire un peu moins de dates mais essayer de faire plus de festivals et des plateaux comme avec Kadavar et Hällas. En gros, faire moins de dates mais de meilleures dates et continuer à faire des projets spéciaux… On ne révèlera rien pour l’instant mais je pense qu’on refera un EP dans la continuité de Myramid. Ne pas rester dans le cercle « album/tournée/album/tournée » en fait…

Julien : Ça fait plusieurs années qu’on imagine un ciné-concert mais c’est assez difficile à organiser et pour trouver un diffuseur… Mais on ne désespère pas de pouvoir le faire un jour !

 

Vous êtes étiqueté groupe stoner mais cette étiquette est maintenant tellement vaste et comporte tellement de sous-genres qu’on finit par ne plus s’y retrouver ! Mais c’est quoi pur vous, un groupe stoner ?

Jimmy : On va laisser répondre Mathieu, il a une excellente théorie sur le sujet ! (rires)

Mathieu : Pour moi, le stoner, c’est un peu comme du rock seventies auquel on aurait enlevé le côté virtuose, c’est-à-dire qu’il ne reste que les riffs… En fait, c’est un terme assez réducteur et heureusement, il existe des centaines de groupes qui ne se content pas de balancer des riffs et c’est ce que Mars Red Sky essaie de faire : ne pas se cantonner à un genre (même si on a des influences clairement seventies) et essayer de pousser les choses un peu plus loin avec le chant de Julien qui vient contrebalancer le côté lourd de la musique. Et puis on rencontre plein de potes, on a l’impression d’appartenir à une niche, on s’y sent bien et ça permet également aux gens de nous identifier plus facilement…

Julien : Moi l’élément qui me plaît là-dedans c’est le son très marécageux des guitares mais pour moi, la base du stoner c’est Electric Wizard, Sleep, Acid King, Nebula… Des groupes avec un son de guitare très seventies, lancinant et répétitif…

Jimmy : … et surtout contemplatif, un terme qui nous correspond bien je trouve, aussi bien pour Mars Red Sky que pour les projets solos de Julien.

 

 

La musique électro française, à l’image de Daft Punk ou Justice, s’exporte parfaitement à l’international. Alors j’ai une question : est-ce que, comme le disait si bien John Lennon, «le rock français, c’est comme le vin anglais, ça n’existe pas ?» ou alors c’est plus un souci de manque de talents ou de reconnaissance par chez nous?

Mathieu : Je vais te dire une chose : en tournée, une fois par jour, on écoute Daft Punk ! C’est comme ça, c’est une obligation ! Alors au début, je t’avouerai que ça fait un peu mal mais en fait, à la fin, ça fait du bien ! On appelle ça un petit plaisir coupable… Parce que notre ingénieur du son, qu’on appelle « dieu », quand il arrive dans les salles (même dans les salles « à l’ancienne » comme on peut trouver en Allemagne), il vire tout le monde, il s’installe et il balance Daft Punk à fond dans la sono. C’est comme ça qu’il équilibre son installation et nous pendant ce temps-là, on installe le merch et du coup, on danse, on est contents et moi, j’aime bien Daft Punk, voilà ! Pour en revenir à la théorie de Lennon, j’ai longtemps été d’accord avec ça mais de nos jours, il y a quand même des groupes français qui s’exportent plutôt bien et qui n’ont rien à envier aux anglo-saxons…

 

Ils s’exportent mais ils ne marchent pas forcément en France…

Mathieu : C’est pas bien grave, tu sais… Je prends comme exemple Gojira qui est devenu une tête d’affiche internationale mais il y a plein de groupes français qui ont du talent, qui savent se prendre en main et qui font une jolie carrière. Donc je ne crois plus à cette vision qui est une vision du passé !

 

J’ai lu que vous étiez énormément influencés par la musique des années 60, Beatles, Jimi Hendrix, le rock psychédélique, le blues, Led Zeppelin… Qu’est-ce qui vous fait vibrer dans cette période ? Et peut-on espérer un jour un album 100% blues ou un album de reprises d’Hendrix ?

Mathieu : Alors je pense que pour l’album de reprises d’Hendrix, il faudra repasser ! Pour l’album 100% blues, le blues ce n’est pas quelque chose de figé et j’estime que d’une certaine manière, on fait du blues mais d’une façon très contemporaine.

Julien : Tous ces artistes font partie des influences qu’on aime, c’est certain. Il y a sans doute en ce moment une certaine nostalgie d’une époque et des productions de cette époque. Il n’y a qu’à voir le nombre de groupes actuels qui s’en inspirent, qui reprennent ces manières d’enregistrer et de produire leurs disques avec du matériel analogique par exemple. Et quand on regarde ce qui est sorti à l’époque, que ce soit les Beatles ou d’autres choses plus confidentielles, c’est génial de savoir que des spécialistes des sixties arrivent encore à découvrir des disques dont personne n’avait entendu parler, des petites perles, des groupes qui n’ont parfois sorti qu’un seul album qui est un chef-d’œuvre absolu comme Odeyssey And Oracle des Zombies par exemple… Tiens, d’ailleurs, j’ai écouté récemment le groupe Rush pour la première fois et c’est vraiment pas mal ! On sent bien que c’est une des principales influences de Tool…

 

Vous allez bientôt fêter vos 10 ans de carrière. Quand vous avez sorti votre premier opus en 2011, vous pensiez en être là où vous êtes aujourd’hui ? Et vous préparez quelque chose pour fêter ça ?

Jimmy : Cà fait effectivement dix ans qu’on est sur la route et on imagine pour septembre 2020 sortir une édition spéciale du premier album mais rien n’est encore certain. On y réfléchit parce qu’on a aussi pas mal de vidéos et de photos qui pourraient prendre place dans une édition collector, le tout mêlé à du matériel plus récent. On a aussi d’autres projets dans nos cartons comme un songbook mais il faut qu’on finalise tout ça.

 

Quels sont les albums qui vous ont marqué récemment en tant qu’auditeur?

Mathieu : Le dernier Alcest, Spiritual Instinct, est vraiment très bon. Le dernier Brad Mehldau, Finding Gabriel, reste l’un des meilleurs disques de l’année pour moi. J’ai bien aimé également le dernier Skeletonwitch, Devouring Radiant Light, groupe de punk-rock à tendance black. Le dernier Lysistrata est vraiment bon également, ils viennent juste de sortir leur deuxième album.

Jimmy : Moi j’ai découvert le dernier Amon Tobin récemment, il est mortel ! Je l’ai écouté en boucle ces derniers temps et c’est assez surprenant, j’avais lâché la musique électro il y a longtemps mais cet album est extrêmement organique et finalement très psyché. Et j’ajouterai le dernier album de The Great Old Ones, Cosmicism, qui est extra également, un peu dans la veine de Gojira, qui peut être fédérateur dans un style « de niche ». On vient d’ailleurs d’organiser leur concert la semaine dernière et c’était génial. Sans oublier Hällas, qui était avec nous sur le plateau aux côtés de Kadavar.

 

Dernière question: Henri Salvador a dit un jour que « la musique, c’est aussi grand que l’univers, il suffit juste d’oser ». Vous en pensez quoi?

Jimmy : On est d’accord, mais ça ne vaut quand même pas une bonne soirée entre copains en regardant La Soupe Aux Choux ! (rires) Et puis tu peux aussi oser à la Jean-Louis Costes et ça donne tout de suite autre chose !

Julien : On nous a parfois demandé si on pensait engager un autre guitariste mais je pense qu’on n’a pas encore fini d’explorer toutes les possibilités d’un trio. Mais je reconnais que la formule est jolie…

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