«Pine / Cross dover», le nouvel album de Masters Of Reality explore de nouveaux territoires. Parmi les onze titres, deux sont des plages instrumentales totalement improvisées. Dans cette interview, le cerveau de la bande Chris Goss cause philo, religion et bien sûr musique. Interview par Robert Pally que l’on remercie au passage.
Le précédent album du groupe “Deep in the hole” incluant du nouveau matériel est sorti en 2001. Pourquoi ça a pris si longtemps?
(il réfléchit) Plusieurs facteurs sont à mettre en cause. En particulier le fait de bosser avec d’autres musicos et de produire d’autres groupes. Par exemple, j’ai travaillé un an avec les Queens Of The Stone Age sur leur album « Era Vulgaris» (2007) et encore un an avec Unkle sur leur album «War stories» (2007). A côté de ça, j’ai bossé avec Mark Lanegan, Melissa Auf der Maur, Eighties Matchbox B-Line Disaster – un des meilleurs groupes avec lequel j’ai jamais travaillé – Duke Spirit – un album country/western pour une série d’actrices (Smith & Pyle; Shawnee Smith and Missi Pyle) avec qui je suis pote, et j’ai aussi fait un album avec Jeordie White (Twiggy Ramirez dans Marylin Manson) et Zach Hill sous le doux patronyme de Goon Moon. J’ai pas mal produit. Ça me paie mes factures bien que je puisse honnêtement dire que je n’ai jamais travaillé avec quiconque pour l’argent. Je dois beaucoup aimé la musique! J’ai jamais été une pute. Beaucoup d’entre eux sont des amis. Également, j’ai un ranch de 5 hectares dans le désert de Joshua Tree (près de Los Angeles) qui me donne beaucoup à faire.
Tu nous en dis plus à propos du nouvel album «Pine / Cross dover»?
Le nouvel album est un départ pour nous, un album qui sonne différemment. Je ne dirais même pas que c’est un album de hard rock, c’est plutôt un album bizarre. Ce qui a vu le jour en vaut la peine pour moi au plan psychologique. Ça couvre à mes yeux le territoire que je voulais explorer depuis des années.
La nouvelle plaque semble être le résultat d’une sorte de coïncidence vu que le boss de ton label t’es tombé dessus par hasard et t’a demandé de le faire. Quel genre de priorité le groupe a-t-il pour toi? Est-ce que c’est juste un projet intercalé entre tes activités de production et celles qui consistent à jouer avec les autres?
Quelqu’un m’a demandé récemment si Masters Of Reality n’était juste qu’un hobby pour moi. C’est plus que ça. C’est ce que j’ai toujours voulu faire… Le dilemme est le suivant: je n’ai jamais été foutu de trouver un manager qui se dévouerait à la cause de Masters Of Reality de sorte que je pourrais ne vivre que de ça. Je préférerais jouer la zique des Masters chaque soir si je le pouvais. A côté de ça, je ne suis pas prêt à faire n’importe quoi pour faire carrière. J’ai pas envie de glander sur Twitter ou d’afficher ma tronche sur Facebook. Je suis heureux quand je suis dans une pièce avec un pote jouant simplement de la guitare.
Avec les 2 instrumentaux “Johnny’s Dream” et “Alfalfa”, tu explores de nouveaux territoires. Qu’est-ce qui a provoqué ça?
Je pense que ça vient du fait que j’adore les instrumentaux sur certains albums. Même David Bowie pendant sa période berlinoise. Il y a plein d’instrumentaux sur «Low» (1977) et «Heroes» (1977). Un artiste pop comme Bowie a eu le courage de faire ça il y a 30 ans. Et je crois aussi que ça vient du fait que j’aime la fusion qui étaient jouée dans les années 70: j’étais un gros fan de Mahavishnu Orchestra (John McLaughlin) et Weather Report. De fantastiques instrumentaux! Dans ce monde où tout le monde parle tout le temps, quel soulagement! Andy Warhol avait raison lorsqu’il a dit que tout le monde aurait 15 minutes de célébrité. C’est là où on se trouve maintenant. Tout le monde peut devenir un star pendant 15 minutes maintenant. Mais bon, revenons aux instrumentaux. On voulait juste savoir si on était capable de parler à travers la musique. Je perçois beaucoup de joie sur la plage “Alfalfa” qui dure 12 minutes. C’était vraiment une super expérience totalement improvisée. Même chose avec “Johnny’s Dream”. Ça sonnait super quand on l’a pondu. C’est sorti spontanément. On voulait rendre hommage à ces groupes avec ces deux chansons.
Alors ces chansons sont le futur de Masters Of Reality, uniquement des instrumentaux?
(rires). Non, probablement pas. Mais on ne sait jamais. J’adorerais faire une tournée rien qu’avec ce genre de musique fusion. Peut-être tout un album mais pas plus.
C’est quoi l’idée derrière le split de l’album en 2 parties (Pine and Cross dover)?
Ca nous semblait le truc à faire. Pour moi il y a 2 humeurs bien distinctes sur l’album ainsi que 2 messages distincts. Le premier s’inquiète de la fin du monde (Pine) et l’autre l’accepte (Cross dover). C’est presque comme si Cross Dover est le côté bouddhiste et Pine est le côté catholique.
Le morceau “Whore of New Orleans” (La Pute de New Orleans) semble parler de l’ouragan Katrina. Tu te sentais concerné?
Cette chanson ne parle pas de l’ouragan. C’est spécifiquement la raison pour laquelle j’ai dit dans les paroles que l’orage est arrivé sans prévenir. Parce que Katrina, il y a eu beaucoup de signes annonciateurs tangibles quant à sa venue et ils ont mal géré ça. La chanson parle de tragédie à l’échelle mondiale en général, pas uniquement de Katrina. Ça pourrait aussi parler du tsunami en 2004. La Terre Nourricière est devenue folle et répond aux attaques qu’elle subit. Les gens se prennent la tête pour essayer de comprendre ce qui se passe. Les accusations fusent. Les gens cherchent à blâmer quelqu’un pour l’ouragan Katrina: Georges Bush, à cause de son ignorance du réchauffement planétaire, a été accusé d’avoir déclenché l’ouragan. Comme si lui et Dick Cheney possédaient une machine qui produit des ouragans sur une île. C’est tellement ridicule. C’est comparable à un mode de pensée médiéval. «Whore of New Orleans» parle de ce genre d’état malsain et très douloureux que des gens – qui ne possèdent pas beaucoup ou ont beaucoup perdu – doivent traverser. La pute est le côté sombre de la Terre Nourricière.
Tes paroles sont souvent philosophiques?
Ouais, bien sûr. Inconsciemment ou non. C’est ce que j’aime lire. C’est aussi la manière dont j’aime penser et approcher les choses. Je suis un grand fan de Joseph Cambell et d’Alan Watts, des gens qui ont un regard philosophique – pas tellement bouddhiste – sur la manière dont chaque culture et chaque religion ont des similarités. Et aussi sur la manière dont nous pourrions nous rapprocher l’un de l’autre si nous faisions la connexion quant à ces similarités dans nos religions. Les histoires et les mythes derrière toutes les religions du monde sont très similaires. A la base on retrouve toujours le rituel du sang. Les religions devraient s’unir sur base de ce fait!
Qu’est-ce que tu veux atteindre avec ta musique?
La musique est une prière. Du moins, la bonne musique est une prière. Ça fonctionne à beaucoup de niveaux. Ça marche à la base, comme quelque chose de très charnel, ce qui est très terre-à-terre. Heureusement, il y a aussi un qualité intrinsèque à la musique qui consiste à atteindre un autre niveau – supérieur celui-là – d’une telle manière qu’on ne s’en rend même pas compte. J’aime l’idée de parcourir à la fois notre monde (underworld) et celui de l’au-delà (overworld) au même moment, spécialement l’au-delà. C’est là que la philosophie entre en scène.
Quel est le souvenir que tu aimerais que l’on ait de Master Of Reality quand tu auras des cheveux gris et que tu seras vieux?
Comme dans un an (rires) pour en revenir à la dernière réponse que je viens de te filer! J’espère, du moins, je sais que certaines personnes peuvent voir cela. Les arts que j’aime, la musique que j’aime. Je peux ressentir ces qualités que je viens d’énumérer, ces buts que j’ai en moi. Peut-être que je ne les atteins pas, peut-être que les gens ne le voient pas. Peut-être que j’échouerai. Le temps nous le dira. Que quelqu’un sache ce qu’était mon but! C’est de cette manière que je voudrais que l’on se souvienne de moi. C’était pas que du Rock’n’Roll!! Les musiciens, les vrais, ont une responsabilité vis-à-vis des mômes, presque comme un prêtre. Pour prendre soin de notre paroisse, les vrais musicos sont comme des bergers. Ce qu’il y a de sacré dans la musique, c’est que ça peut apporter tant de bonheur et de soulagement à ta vie. La musique doit tendre vers cela. Maintenant, c’est regarder avec beaucoup de mépris et les liens avec le mondes affaires et l’industrie du disque en ont fait une vaste blague. C’est très triste. J’aimerais que l’on se souvienne de moi comme le mec qui se souciait du tournant que la musique prenait.
photos par Nigel Copp.
Interview en partenariat avec Daily-Rock
Aout 2009 par Robert Pally
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