Une fois n’est pas coutume, nous avons décidé d’ouvrir nos pages non pas à un groupe ou à un musicien mais plutôt aux membres d’un webzine français de qualité traitant notamment de stoner et ce de fort belle façon.
W-Fenec (www.w-fenec.org) fête ces 10 ans d’existence et lorsque l’un de ses rédacteurs nous a demandé de vous relayer l’information, nous avons préféré lui laisser la parole qu’il a finalement choisit de partager avec ces acolytes.
Interview croisée de trois passionnés à qui l’on souhaite de pouvoir continuer l’aventure le plus longtemps possible.
Pour tous ceux qui ne connaissent pas le site, pourriez-vous nous présenter W-Fenec ? Quels sont vos objectifs ?
Oli : Le W-Fenec est un webzine qui depuis sa création a pour seul objectif de faire partager les bonnes sensations que nous procurent certains groupes de rock au sens large… De quelques présentations par des biographies et des chroniques en 1998, on en est à des milliers aujourd’hui. 10 ans après, l’objectif n’a pas changé…
10 ans d’existence, çà suppose pal mal de remaniements. Pourriez-vous retracer l’histoire de ce site ?
Oli : Et non, je ne pense pas qu’il y ait eu beaucoup de remaniements. On fonctionne beaucoup au feeling, agrandir l’équipe pour faire « toujours plus » n’a pendant longtemps pas du tout été à l’ordre du jour, Gui de Champi nous a presque rejoint par hasard et on a longtemps fonctionné à 3. Rémiii, Aurelio, Keipoth ont renforcé l’effectif et jusque là seules les greffes féminines n’ont pas toujours donné satisfaction mais on ne peut pas en vouloir à celles qui trouvent un job qui bouffe un peu leur passion… Les vrais changements sont ceux qu’a subit le site en lui-même, passant de pages persos chez un hébergeur à site sur un serveur puis aujourd’hui à « notre » serveur, le tout avec de gros progrès dans le graphisme et l’automatisation de la partie administration.
Comment vous répartissez-vous les tâches au sein de l’équipe ?
Aurelio : c’est assez simple, Pooly se charge de la maintenance informatique (les trucs chiants), Oli amène les bières, Rémii les filles (quel tombeur ce mec… !) et je me charge du reste… bon des fois il y a aussi Keipoth qui passe glander un peu dans le coin histoire d’animer le forum et balancer quelques chro et surtout des photos ! Non plus sérieusement, Pooly est notre indispensable webmaster mais également chroniqueur et intervieweur. Après les fenecs encore en activité soit Oli, Rémii, Keipoth et moi-même apportons tous nos contributions rédactionnelles (ITW, news, chronique, review live) et donnons nos avis sur tout. Vu qu’on n’est pas nombreux, je pense d’ailleurs qu’on doit former la plus petite équipe du webzinat hexagonal (rires), on décide de manière collégiale et ça se passe le plus tranquillement du monde. On se fait plaisir avant tout, ce n’est qu’un webzine, on ne sauve pas des vies…
Rémiii : Mis a part Pooly qui administre le truc et Oli chargé des relations externes grâce à une diplomatie que lui seul maîtrise ainsi, l’idée c’est un peu “tout le monde touche à tout”. Cela va donc comme l’a dit Aurélio de la rédaction d’articles à la suggestion d’améliorations du site web et des distributions de claques 🙂 …
Oli : les taches ? Celles de la couverture qui nous sert de nappes aux Eurocks ? Je croyais qu’on n’en parlait plus… Le zine, ce n’est pas une tache, c’est un plaisir ! A part Rémiii général en chef de l’agenda et Keipoth lieutenant du « mp3 de la semaine », on n’a pas de poste défini en terme rédactionnel…
Quelles ont été vos plus grandes satisfactions en 10 ans ?
Oli : Déjà, qu’on existe encore ! Quand Pooly et moi avons lancé le webzine, on n’imaginait pas une seconde que ça durerait et que ça plairait à autant de monde. Quand t’es étudiant et que tu découvres le web, tu penses surtout au côté fun du truc. 10 ans après, ça a changé notre vie : on a créé de vrais liens d’amitié entre nous alors qu’on ne se connaitrait pas sans le zine, on peut se la péter avec pass backstage dans les concerts, on rencontre des zicos qui nous font tripper et on a également créé des liens avec quelques uns, on découvre plein de supers groupes… C’est un ensemble de choses et pas forcément quelques éléments en particulier.
Rémiii : Alors que je n’en étais qu’un lecteur régulier depuis 2 ou 3 ans, ce qui a été ultra-cool, c’est d’intégrer l’équipe de ce webzine il y a 3 ans ! Et dans ce cadre là, cela a été de découvrir et de soutenir des groupes émergeants dont la plupart ne bénéficient malheureusement pas d’une aura suffisante.
Aurelio : Le fait de découvrir qu’il pouvait y avoir autant de gens qui apprécient de nous lire.
Combien de fois vous êtes-vous dit “bon, maintenant c’est fini les conneries, j’arrête” ?
Aurelio : honnêtement jamais, je n’ai pas toujours beaucoup de temps à y consacrer, mais c’est vrai plaisir et une chance dont je profite chaque jour. D’ailleurs, je remercie Pooly et Oli de m’avoir dit de foncer quand je leur ai proposé mes services…
Rémiii : Même si je suis loin d’être un membre historique de l’équipe, cela a déjà dû m’arriver, surtout en voyant la pile de disques à écouter (et chroniquer si possible) croître de façon ahurissante… Ca a un double effet, si ça ne va pas pour X raison, c’est assez démoralisant mais ça peut aussi être un sacré stimulant !
Oli : Où est-ce qu’on a déconné ? (rires)
En 10 ans, avez-vous noté un changement d’attitude de la part de l’industrie musicale vis-à-vis des médias électroniques ?
Oli : Carrément ! Au départ, alors qu’on avait une audience plus que réduite, les groupes indés, les micro labels étaient les seuls à vraiment vouloir se bouger sur le web, on était inexistant pour les majors. Aujourd’hui, se passer de ce média c’est presque du suicide alors nos demandes sont prises bien plus au sérieux. Le revers de la médaille ce sont les dispositifs anti-copie sur les CDs qui sont parfois plus que pénibles, le cyber-chroniqueur est pour certains le diable qui distribue l’album en mp3…
Aurelio, au sein de l’équipe rédactionnelle, tu t’occupes entre autre de l’actualité “stoner”. Comment décrirais-tu cette scène, quelles sont ses spécificités ?
Aurelio : Les autres gaziers de la troupe chroniquent également ce style de musique, mais c’est vrai que c’est plutôt mon domaine de prédilection au W-Fenec. Ses spécificités : c’est assez large, mais je dirais, un feeling particulier, un peu psychédélique, un peu heavy, parfois bluesy : un groove qui te donne envie de t’embarquer dans ta caisse, un pack de bières à l’arrière et en avant le road-movie. Au passage, s’il y a bien un truc qui m’insupporte, c’est ce côté, « il faut prendre des drogues pour appréhender le truc »… C’est un faux prétexte selon moi.
Rémiii : “Stoner”, c’est la musique de drogués, de types “stones”, c’est ça ? (rires)
Quels sont les dix disques qui selon toi ont le plus marqué le stoner ces dix dernières années ?
Aurelio : 10 ans, je vais déborder, c’est dur, très honnêtement je vais parcourir un chemin ultra balisé. Avant ces dix dernières années, il y a pour moi les indispensables avec Kyuss, QOTSA, Hermano, Down, Corrosion of Conformity, Masters of Reality, Karma to Burn etc…
=> Une petite playlist spéciale « 10 ans de stoner »
Lowrider – Ode to Io
Clutch – Blast tyrant
QOTSA – Lullabies to Paralyze
Monkey3 – Monkey3
Honcho – Burning in water, drowning in fire
Nebula – Atomic ritual
Rite – Hobo Metall
Artimus Pyledriver – Artimus Pyledriver
Glowsun – Lost love EP
7 Weeks – Black days EP
Oli : Je ne suis pas du tout un spécialiste mais j’aimerais citer ici un groupe belge méconnu : Cowboys & Aliens !
Le fait d’écrire pour un webzine offre un tas d’avantages et notamment celui de prendre régulièrement le pouls de la scène locale. Que pensez-vous de la scène rock française actuelle et plus particulièrement de la scène stoner ?
Aurelio : La scène rock française, c’est vaste et donc il y a du bon et du mauvais. Internet, les nouvelles technologies et des outils comme MySpace par exemple ont engendré un gigantesque appel d’air artistique. Maintenant n’importe quel quidam (ou presque) peut faire sa musique dans sa chambre, l’enregistrer et la foutre sur MySpace. C’est bien, tu es libre et je ne vais pas dire que je regrette, mais par contre tu trouves de tout dans le tas. Au niveau des artistes signés, c’est quand même faiblard. Il y a pas mal de labels qui prennent des risques mais il y a des tonnes de structures qui n’en prennent aucun et qui assurent le coup en signant des groupes qui font du recyclage de clichés rock éculés en croyant inventer un truc. C’est d’ailleurs aussi pour ça que l’industrie du disque se casse la gueule. Regarde ces merdes de Naast, Plasticines ou BB Brunes, ça n’excite que les Inrocks ou Télérama (même pas si ça se trouve).
En ce qui concerne la mouvance stoner, je serais, d’un point de vue artistique, bien plus optimiste que précédemment. Il y a quoi dix ans, tu avais qui ? Low Vibes, Loading Data, Blackstone ? C’était bien, mais c’était peu. Depuis quelques temps, tu as un beau vivier de groupes qui en veulent et qui ont vraiment des choses à dire : tu prends 7 Weeks, Dry Can, Glowsun, Alcohsonic, Moleskin, Highlight, Caldera, Hangman’s Chair, The Howling, RBO et Zoe (pardon à ceux que j’oublie) ! Franchement ça a de la gueule. La qualité artistique est là, mais les mecs rament pour sortir leurs disques : le meilleur exemple reste : Loading Data, un f***ing album sous le coude et ils vont le sortir chez un label argentin. En France, à part Longfellow Deeds, qui tu as comme structure qui va signer une formation estampillée « stoner » ? Pas grand monde… Les scandinaves y arrivent bien, mais bon c’est une autre culture du rock.
Rémiii : Comme Aurélio s’en est (très bien) chargé de la scène stoner, je ne m’aventurerai pas sur la situation des formations stoner mais j’ai l’impression que la scène hexagonale rock au sens large, recommence à s’essouffler. Mes collègues me contrediront peut-être et il est possible que je trompe mais de mon point de vue, il y a eu une belle explosion de groupes aux alentours de l’an 2000 et là, on risque d’assister à un creux de la vague… sans doute pas un trou sans fond mais une grosse baisse de régime. Je ne l’explique pas de façon rationnelle mais si on regarde le déroulé de ces 40 dernières années, il y a des points culminants dans l’éclosion de groupes (et/ou de styles) et des années de vaches maigres. Et je crains qu’on s’achemine vers une période peu affriolante. Peut-être que 2 ou 3 familles bien précises tireront leur épingle du jeu, ou mieux, ce seront par elles que viendra un nouvel élan mais globalement, je suis assez perplexe… Enfin, j’espère me mettre le doigt dans l’œil !
Ca fait quoi d’être ni plus ni moins que le deuxième meilleur webzine francophone ? (derrière Desert-Rock.com)
Aurelio : Personnellement, je le vis très bien, tu sais, je pense qu’il faut savoir commencer petit et rester humble avant de vouloir être calife à la place du calife, puis du coup je raconte partout que je suis le meilleur ami des mecs de Desert-Rock, ça fait toujours son petit effet pour briller en société, donc c’est cool. Mais entre toi et moi, la vraie question, ce sera plutôt ce que ça vous fera à vous quand les positions seront inversées. Ah ah !
Rémiii : Comment ça deuxième ? Je vais un peu m’éloigner de ta question, mais c’est marrant de voir les différents types de réaction de nos interlocuteurs lorsqu’on leur dit qu’on travaille pour un webzine, et pour W-Fenec.org en particulier. En gros, il y a ceux qui sont déjà conquis, pas besoin de les convertir ; ceux qui prennent ça un peu de haut, genre “des amateurs sur le web, ça pisse pas loin” et enfin ceux qui ne se rendent absolument pas compte de l’ampleur et de l’impact de la tache.
Oli : Un truc qui est sûr, c’est qu’on est les plus vieux… (rires)
10 ans, çà fait un paquet d’heures à écouter des albums dont on se demande ce qu’on va bien pouvoir dire, à disséquer les notes de pochettes et a s’acharner sur son clavier. Prêt a re-signer pour 10 autres années ?
Aurelio : C’est sûr que même pour moi qui ait dû écrire quelque chose comme 5 ou 600 articles seulement [en réalité plus de 800], c’est déjà un challenge d’essayer de me renouveller alors pour les autres qui sont là de puis le début… Sinon, pour re-signer, mon stylo est prêt. Mais je laisse mes acolytes répondre, ils sont là depuis plus longtemps que moi.
Oli : Honnêtement, oui. Mais dans 10 ans j’en aurai 40 et je ne suis certain d’être encore en phase avec le rock de 2017… Je n’ai pas envie de ressembler aux mecs de Rock N Folk à ressasser les vieilles gloires : Bowie, les Stones, Jimi, les Doors, le Floyd, Led Zep, Iggy et compagnie sont morts ou très loin de leur niveau d’antan mais ils sont intouchables et continuent de faire vendre du papier. Je n’ai pas envie qu’on devienne totalement has been… Mais si les gamins d’aujourd’hui sont élevés avec Tokio Hotel, faudra peut-être qu’on reparle des « bons vieux groupes de 2007 »…
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