Sound of Origin – The All Seeing Eye


Il y a parfois des discours promotionnels qui attirent plus la suspicion que l’appétit, étonnamment. Celui proposé par APF records pour cette galette est de ceux là, qui commence par conseiller l’écoute de l’album « pour les fans de Alice In Chains, Goatsnake, Soundgarden, Led Zeppelin, Black Sabbath ». Ils posent ça là, à nous d’en faire ce qu’on veut… Rajoutez à cela un patronyme de groupe un peu pompeux, selon l’interprétation qui pourra en être faite (« le son de l’origine »), et il y a fort à parier que le commun des mortels aura passé son chemin devant pareille outrecuidance… Tant pis pour eux ! Car – et votre serviteur en est le premier surpris – la description musicale à travers cette coquette liste de groupes n’est pas complètement mensongère (en tous les cas concernant le genre musical pratiqué – car en ce qui concerne la qualité, il faut savoir raison garder pour l’instant, le temps d’apprivoiser un peu la bête pour mieux l’évaluer…). Rajoutez à ça la curiosité naturelle qui nous incite forcément à questionner le bien-être mental d’un jeune groupe issu d’une des régions les plus glauques de la perfide Albion (délimité par le trinome terrible : Leeds, Manchester et Sheffield, trois hauts lieux de la joie de vivre), et on se retrouve avec une galette qu’on a forcément envie de goûter…

Ça commence par un instrumental doom très-très classique, « Not Dead yet », une bluette légère comme un sac de goudron, construite autour d’un riff que n’aurait pas renié Electric Wizard. La suite (« The All Seeing Eye ») a beau partir sur un gros riff tout aussi lourd, tout ne se dessine finalement pas comme on pourrait imaginer la continuité de la galette, et en particulier du fait du chant de Joel Bulsara qui (d)étonne : on s’attendait à entendre un gros lourd gueulard débarquer au coin du bois, avec force beuglements et quelques growls sous le bras, mais on se retrouve avec un « vrai » chanteur, qui, le reste de la galette en attestera, est à l’aise tout autant en chant clair qu’en hurlements hargneux, le tout sans jamais se départir d’une puissance qui fait l’une des marques de fabrique du groupe. Voir aussi la hargne développée sur « Lockjaw » où le gars enchaîne des couplets où il paraît se découper les cordes vocales aux tessons de verre, avec un refrain où il alterne les cris et un chant clair tout à fait délicat (si si). Un bon choix de casting pour le groupe, dont il a rejoint les rangs il y a moins de deux ans.

Le fil rouge musical est à chercher autour d’un gros doom et sludge metal énervé, assez moderne dans son approche et son son : on retrouve pas mal d’éléments de la filiation doom de la dernière décennie (au delà d’EW, Monolord, Conan, Dopelord…), du sludge, du stoner, le tout baigné par de très prégnantes rasades de High on Fire pour ce talent dans l’agression du riff. Que du fun et du léger – pour lequel le quatuor a choisi Chris Fielding à la production (le bassiste de Conan) et James Plotkin (le bassiste de Khanate) pour le mastering. Deux artisans délicats… Un choix payant au vu du son développé par la galette, pour le moins massif.

Mais au delà de ces quelques éléments caractéristiques disparates, ce disque est une pièce difficile à complètement cerner : en piochant dans un tel spectre musical, avec une combinatoire de lignes vocales tout aussi diversifiées, il est difficile de rentrer dedans. Sa digestion est lente, très lente. Pour tout dire, elle n’est permise que par la curiosité et l’étonnement de l’auditeur, qui, inéluctablement, incitent à écouter le disque encore et encore, pour qu’enfin on en vienne à en détourer la teneur. Et c’est alors, petit à petit, que les meilleurs titres se démarquent : le groovy sludge « Stoned Messiah Blues », « Dim Carcosa » et son final, « Into the Vile » et ses réminiscences Type O Negative, et le doomy et complexe « Tempest Dunes » qui vient clôturer en 9 minutes cette riche rondelle.

Le disque se révèle donc, finalement, d’une qualité tout à fait remarquable pour un combo actif depuis moins de 4 ans (même si ça correspond à l’équivalent de 28 ans en années Mancuniennes) : carrés, créatifs, le quatuor propose une poignée de superbes compos (et 2 ou 3 plus moyennes, sans être inintéressantes). Gageons en revanche qu’ils auront du mal à trouver facilement un public, tant leur spectre musical et sonore balaye large, et exige a minima une certaine appétence pour les tendances les plus agressives des combos fuzzés. Espérons que ce public de niche saura aller à leur rencontre.

 

Note de Desert-Rock
   (7.5/10)

Note des visiteurs
   (9/10 - 3 votes)

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