On a fait la connaissance de Lucidvox à l’occasion du dernier Desertfest à Berlin, où le quatuor moscovite trouvait sa place dans une affiche ce jour-là plutôt connotée psyche. Fort de quelques sorties (EP ou albums), le groupe formé en 2013 peut se targuer de quelques années d’expérience, mais d’une renommée largement en retrait – la faute probablement à un choix de label peu représenté sur ce segment musical, et à une expérience scénique qui leur a finalement rarement permis de quitter leur Russie natale. Mais ces années d’existence ont été mises à profit pour développer leur musique et leur “synergie” propre : au moins deux des musiciennes ne pratiquaient aucun instrument avant de créer le groupe, et c’est donc via “l’émulation amicale” prégnante au sein de l’entité que cet apprentissage instrumental s’est opéré, au gré aussi de l’évolution musicale de l’entité Lucidvox.
C’est donc avec un intérêt non feint que l’on s’empare de ce disque, n’ayant pas eu l’opportunité de se pencher sur leurs productions précédentes. La principale surprise au fil des écoutes tient à ce que les “travers” habituels des albums de psych rock, avec souvent des titres à rallonges où les plans se répètent et s’enchaînent à l’envi jusqu’à justement susciter cette impression quasi-hypnotique, ne se retrouve pas ici. Pour autant, l’étiquette psych rock n’est pas galvaudée, et de nombreux plans viennent nous le rappeler (le lancinant solo chargé en wah-wah de “My Little Star”, le sitar en fond sur “Knife”, la section instrumentale de “Sirin” qui taquine le space rock), mais la concision des compos (tout est en dessous de 6 min, avec une durée moyenne de 4min30) et leur structure alambiquée ne permettent jamais de ressentir la moindre répétition… ou même le moindre ennui, avouons-le.
S’appuyant sur des paroles interprétées en russe, Alina apporte encore une touche atypique à cette musique qui n’en manque pas, à travers des vocaux suaves (“You are”), énergiques (“Knife”, “Body”, “Around”), lancinants (“Runaway”) ou incantatoires (“Amok” et son gimmick vocal de répétition déstabilisant). Les trois autres musiciennes s’attèlent à dresser un spectre dense et riche de sonorités tour à tour chamaniques, rock, orientales,… Instrumentalement, la formation assez traditionnelle guitare-basse-batterie vient ajouter différentes nappes de claviers, de flute, ou même de trompette (“Runaway”, pour une ambiance assez remarquable) ! Des choix audacieux et pointus, qui viennent encore appuyer la démarche frondeuse et rafraîchissante du quatuor. A noter néanmoins : We Are n’est pas vraiment un disque immédiat, à digestion rapide – loin s’en faut. Il faut du temps pour l’adopter, en circonscrire les contours et rentrer dans ses méandres. C’est d’ailleurs aussi à ce titre qu’il est difficile de l’associer à un album de psych rock “traditionnel”, pour lequel l’efficacité est généralement plus facile et rapide à appréhender.
L’amateur-défricheur de psych rock électrisé et aventureux trouvera largement de quoi se faire plaisir avec cette galette : déstabilisant à plus d’un titre (inutile de revenir sur le chant en russe, premier “exotisme” de cet album), il devient vite attachant, apportant une touche de fraîcheur et d’expérimentation à un genre musical souvent formaté.
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