Rares sur disque, rares sur les planches, Earth Ship ne fait pas beaucoup d’efforts pour se faire aimer. Six ans après l’excellent Resonant Sun, on n’a pourtant pas oublié le trio berlinois, et ce nouvel album est plus qu’attendu. On savait que le couple Oberg (Jan et Sabine) avaient traîné leurs guêtre dans divers projets musicaux dans l’intervalle, mais ces derniers ne nous avaient pas autant enthousiasmé que leur navire amiral. Le duo s’est alloué les services d’un énième batteur pour les accompagner dans l’enregistrement de ce disque 100% “fait maison” (jusqu’au label : le leur).
Pas de surprise musicale : Earth Ship propose toujours une sorte de metal/doom/sludge intelligent. « Intelligent » mais pas dans le sens prise de tête, loin s’en faut, plutôt dans le sens malin, mêlant une certaine exigence dans la qualité des compos, et un sens de l’écriture mature et efficace, où l’approche mélodique vient en tous points compléter la puissance de la mise en son et des choix de production. En vue superficielle, le groupe présente pourtant les atours assez convenus d’un trio de metal : gros son de guitare, gros riffs, basse très saturée, quelques leads, frappe de mule, et chant hurlé râpeux du meilleur aloi. C’est en grattant un peu que la finesse de leur proposition musicale se fait jour, et en particulier dans la richesse des différentes compos.
On a beau avoir notre dose d’agression en continu tout au long du disque, on est sans arrêt happé par une réminiscence, une curiosité, une référence plus ou moins distante et claire… On ne s’ennuie jamais. On pense par exemple subrepticement à Mantar parfois lorsque apparaissent quelques passages au groove subtil, n’attendant qu’à exploser (la fin de « Shallow », la 2ème moitié du morceau titre…). On a aussi des réminiscences du thrash des années 2000, avec cette basse saturée et ces attaques de riffs sèches et nerveuses (« Soar », « Acrid Haze »). Loin de tout dogmatisme, Earth Ship n’hésite pas à sortir du cadre et à hybrider sa musique, à la recherche de la plus garde efficacité, empruntant au space rock (voir l’enthousiasmant instrumental « Radiant », tout en nappes de synthé et effets de guitare) voire même dans l’esprit au trip hop (la rythmique et le chant sur le couplet/lancement de « Ethereal Limbo »).
Le doom matriciel est toutefois rarement très loin, à l’image de « Ghost Town » et de son riff rampant à souhait, ou du rugueux mais très mélodique mid-tempo « Bereft ». Et que serait-on sans ces montagnes de riffs acérés qui rendent l’ensemble si excitant ? On enchaîne avec délectation les mandales que sont « Acrid Haze », « Shallow », « Soar »… Le final, sur ce « Daze and Delights » dégoulinant de ce sludge poisseux complètement Down-ien, se déguste sans réserve et vient apporter encore un reflet plus nuancé à ce disque qui n’en manquait pas jusqu’ici.
Soar vous l’aurez compris est un bel exemple d’alchimie réussie entre une musique puissante et rugueuse (satisfaisant largement l’appétence pour quelque chose d’un peu primitif et costaud) et une richesse musicale qui va challenger l’auditeur, l’amener parfois sur des territoires peu pratiqués, pour mieux étayer l’efficacité de ses compos. Cette audace, mêlée à une qualité d’écriture assez épatante, font de ce disque une belle pièce de sludge doom (dans cet ordre-là), qui ravira les amateurs qui penchent plus du côté « metal » que du côté « psyche ».
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