Encore un album d’un groupe italien de psych chez Go Down Records ?… Fut un temps où le label transalpin, (légitimement) chauvin, nous gratifiait de un ou deux disques de groupe de psych italien chaque mois, parmi lesquels figuraient des productions assez dispensables parfois, mais avec de vraies pépites aussi. Revenus ces dernières années à une production quasiment famélique, le label doit être vu comme plus sélectif aussi, et c’est avec une oreille plus intéressée que l’on se penche sur ses sorties désormais. En l’occurrence, Veuve est un trio italien qui n’en est pas à son coup d’essai, ayant déjà sorti deux autres albums, sur d’autres labels. S’il n’avait pas su capter notre oreille à l’époque, il n’est pas trop tard pour faire leur découverte, d’autant que le groupe vient à peine de dépasser les dix ans d’existence.
Avouons tout de suite que les premières écoutes nous ont désarçonné, votre serviteur s’attendant (satané cliché adossé au label) à une production de psych rock assez classique. Même si ce Pole n’est pas radicalement à l’opposé non plus, la richesse de sa proposition musicale nous a surpris (litote). Le groupe gravite autour de la planète stoner, mais jamais trop près, ce qui lui évite d’en revêtir les apanages les plus clichesques, jamais. Sa course dans l’espace le fait a contrario côtoyer d’autres planètes, comme autant de sphères d’influences plus ou moins marquées : prog/psych (l’intro de « Land of Denial » – son riff de basse, son arpège de guitare mélodique – vous rappellent Elder ? Oui nous aussi), doom (l’intro de « Quest for Fire » – son riff, son chant – crie Monolord à gorge déployée), post-rock old school (cette intro de « Inner Desert » qui rappelle les vieux Dredg), blues, grunge, space rock (ce discret clavier en fond sur le break de « the Thaw ») … On peut néanmoins aussi entendre parfois des échos de 1000Mods, Kyuss (le Kyuss plus « explorateur » de Circus…) ou autres groupes plus classiques dans les sphères stoner… Le plus surprenant dans tout ça tient dans le fait que, souvent, ces passages très variés viennent s’articuler dans la même chanson ! Mais le tout se fait de manière fluide, efficace, et la construction des titres fait montre d’une réelle maturité.
Très largement instrumentale, la musique du groupe peut toutefois se reposer sur le chant solide et efficace de Riccardo Quattrin. Pour le reste, on est sur une base musicale simple sur le papier (guitare, basse, batterie) mais qui semble bien plus riche et dense sur disque (superbe travail de production, malgré un budget que l’on imagine restreint).
Pole est un disque dont on a du mal à se détacher. Il est tellement imaginatif et audacieux qu’il n’ennuie jamais, et tellement bien écrit qu’il propose des dizaines de séquences captivantes et accrocheuses. Vous aurez du mal à vous départir du couplet super-mélodique de « Thrive on Empty Temples », du riff nerveux de « Land of Denial » ou de celui, lourd et doomy, de « Quest for Fire ». C’est toutefois sur ses pièces les plus longues (« The Sudden Light » et surtout « Inner Desert ») que Veuve excelle, développant des plages aux structures fluides, adressant un spectre musical et d’émotions riche et surtout bien assorti. Deux titres envoutants, éprouvants (voir la section centrale de « Inner Desert », avant un final aérien et puissant), parfaitement servis, une fois encore, par une instrumentation et des lignes vocales particulièrement bien senties.
Pole n’est pas un petit disque sans prétention comme on en rencontre parfois, de ceux que l’on peut oublier quelques mois et que l’on prend plaisir à réécouter à chaque fois. C’est un disque qui, sans jamais « sonner prétentieux », est ambitieux et fort. Bien ancré dans votre lecteur de disque, il aura du mal à en sortir, pour peu que votre cerveau soit disponible à la variété musicale sur laquelle il repose.
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