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Acid King – Beyond Vision

Huit ans qu’on l’attend… certes, mais avant de se plaindre, rappelons-nous que nous avions attendu dix ans entre III (2005) et le dernier album en date, Middle of Nowhere, Center of Everywhere (2015). A l’image du tempo moyen de leurs compos, les californiens sont lents… Enfin, quand on dit “les californiens” – disons plutôt Lori et sa bande, car s’il en fallait encore une illustration, cette dernière production nous montre une fois de plus qu’elle est la seule maîtresse à bord, ou en tout cas le capitaine d’un navire qui change d’équipage à chaque album, chaque tournée… Il s’agit ici d’une paire d’excellents musiciens touche-à-tout ayant déjà œuvré dans des dizaines de combos peu renommés de la bay area, à savoir Bryce Shelton à la basse (et claviers), qu’on avait notamment entendu jouer du clavier sur le dernier live de HTSOB, et Jason Willer à la batterie. Mais… qu’entends-je sur cette galette ?… une seconde guitare !? Et oui, après plus de trente ans de carrière, Lori saute le pas et s’autorise l’interdit, en sortant du cadre du trio pour accueillir en second guitariste rien moins que Jason Landrian, le taciturne mais redoutable bretteur de Black Cobra… sachant, pour ceux qui suivent, que son compère Rafa Martinez au sein de Black Cobra a déjà fait certaines des plus belles heures live de Acid King à la basse (notamment lors de sa dernière prestation au Hellfest) ! Le monde est petit… Sauf que Landrian n’est pas juste une pièce rapportée : il a co-écrit le disque complet avec Lori, les deux ayant construit ces compos pendant de longs mois de répétitions.

Ce qui en est ressorti sous la forme de ce Beyond Vision est, sans la moindre ambiguïté, du pur Acid King. On est sur du doom tellurique, lent à souhait, où la science du riff absolu le dispute à la recherche de la mélodie, le tout étant à la fois bercé par les complaintes vocales lointaines et réverb-isées de Lori, et par des leads roboratives. Ces riffs fuzzés à souhait, cette basse ronde et généreuse qui supporte la plus grosse part du socle mélodique, cette batterie qui freine les velléités de frénésie et enrobe chaque séquence de déluges de crash, ces soli jamais trop techniques mais toujours enivrants, souvent à la limite de la dissonance… ce disque est globalement rassurant pour le fan.

En plusieurs aspects toutefois, Beyond Vision marque un véritable virage dans la carrière de Acid King. Pour des détails parfois (format quatuor, co-écriture…), mais plus fondamentalement pour l’ambition musicale déployée, l’impression de sortir de ce disque comme d’un cheminement dense et puissant. Lori nous prend la main dès l’intro “stellaire” de “One Light Second Away”, un titre instrumental épique, et ne nous lâche plus jusqu’à la fin, nous emmenant de planète en planète. Car il est là, bien tangible, l’autre élément clé du disque : le thème de l’Espace, qui n’est pas présent que dans le champs lexical, mais aussi dans l’ensemble des arrangements, avec des apports de nappes de synthés très subtiles (pas ou peu de contribution à la structure des titres) qui créent le liant entre les chansons, et viennent les “finir” d’un joli vernis – ce qui change un peu de l’aspect “rêche” que peuvent avoir certaines compos d’Acid King, par leur minimalisme parfois. Précisons-le à nouveau, encore et encore, cette très ingénieuse production (notons que Billy Anderson est encore aux manettes) ne fait pas ombrage au Acid King que l’on aime, qui est bien (omni)présent – par exemple dès le second titre, l’excellent “Mind’s Eye”, qui n’aurait pas dénaturé sur l’une des deux dernières galettes, avec son riff colossal et son gimmick de lead de guitare terriblement efficace, ou encore l’envoûtant “Beyond Vision”. Ces exemples illustrent parfaitement le bénéfice lié au doublon de guitare, avec une vraie ligne rythmique poids lourd et une surcouche de soli plus aériens (truchement qui avait toujours été possible en studio pour Lori, mais qui trouvait ses limites en live avec une seule guitare). Entre les deux, l’enchaînement full-instrumental du quasi drone “90 Seconds” avec le très atmosphérique et lancinant “Electro Magnetic” apportent encore la preuve que le groupe grandit, expérimente… Constat confirmé (toujours en instrumental) avec le colossal “Color Trails” en conclusion, mélant doom lugubre, rythmiques mi-martiales mi-tribales, et soli solaire tout en sobriété.

Généreux, intelligent, et surtout addictif, ce disque se déguste à chaque écoute avec un peu plus de plaisir. Largement constitué de titres instrumentaux, on aurait pu craindre la “dilution” de compos perdues au milieu de titres de remplissage ou de transition… Il n’en est rien : chaque titre est en réalité un titre de transition vers le suivant, et l’enchaînement se fait sans heurts, avec, inévitablement, un appui sur “repeat” à la fin de l’exercice. Bien joué à Blues Funeral qui sort ce disque dans le cadre de son opération PostWax II : ils pourront dans quelques années s’enorgueillir d’avoir accueilli l’un des albums les plus marquants d’Acid King. Le meilleur ? La discussion est ouverte…

 


 

Note de Desert-Rock
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