Les amateurs de rock des années 60 et 70 sont aux anges depuis quelques années maintenant. En effet, une pelletée de groupes contemporains décortiquent, s’inspirent et parfois pillent les influences et sonorités des grandes années de l’histoire du rock. Il faut dire qu’à cette époque, la qualité des disques sortis frise la perfection et des pépites sortaient chaque semaine, voire chaque jour, pépites désormais vénérées et recherchées par nombre de collectionneurs lors de bourses aux disques où tous les coups sont permis pour dénicher le Graal ultime. Ces groupes contemporains, donc, ont décidé que la musique actuelle devait puiser dans son histoire et, plutôt que d’inonder son disque d’effets modernes, de vocoders à profusion et d’électro qui tâche, ces passeurs de mémoire composent et enregistrent à l’ancienne, sans overdubs, avec une production minimaliste. C’est le cas de Siena Root.
Siena Root est un groupe franchement passionnant depuis qu’il a vu le jour en 1997 du côté de Stockholm. La Suède qui est, depuis, devenu l’épicentre du mouvement retro rock avec, en tête de gondole, des formations comme Graveyard parmi tant d’autres. Eclectique autant dans ses choix de carrière (insertion de sonorités orientales, profusion d’invités de renom, discographie foisonnante) que pour la sortie de chaque album toujours différent du précédent, Siena Root est un groupe difficile à cerner au premier abord et encore plus difficile à suivre pour les fans. Ces jours-ci, un nouvel album débarque, intitulé The secret of our time, et autant le dire tout de suite : cette galette est, à mes yeux, la meilleure chose que Siena Root a produit en presque 25 ans de carrière.
Accueilli par des sonorités de clavier d’un autre temps, l’auditeur est ensuite convié à se délecter d’une musique contemplative, inspirée et qui sonne franchement datée (mais dans le bon sens du terme) et surtout, oh surprise, une voix féminine déboule sans prévenir… C’est celle de Zubaid Solid, l’une des deux frontwomen engagées pour l’occasion. « Final stand », titre d’ouverture, c’est un peu l’enfant illégitime que Deep Purple aurait eu avec Kraftwerk. Etonnant mais jubilatoire. « Siren song » poursuit l’expédition des seventies avec, cette fois-ci, un mid-tempo bluesy au possible teinté, encore une fois, des claviers purpeliens chers au regretté Jon Lord. Cette avalanche de sons datés pourra en rebuter certains qui crieront au scandale, au plagiat ou à je ne sais quelle vacherie (même si leurs arguments pourront tenir sans aucun doute la route) mais Siena Root le fait avec une telle envie de rendre hommage, un tel désir de mémoire pour ces pionniers qui, reconnaissons-le, ont eux aussi parfois plagié leurs ainés… Un juste retour des choses, dirons-nous…
La suite, « Organic intelligence », nous emmène cette fois-ci du côté de San Francisco en plein summer of love. La voix volontaire de Lisa Lystram, seconde chanteuse de l’album et que l’on avait déjà pu découvrir sur le single « In the fire » paru l’an dernier, convoque les fantômes de Grace Slick (Jefferson Airplane) et on croirait découvrir des chutes de l’album Surrealistic pillow… Savoureux. « Mender », plus soul dans l’âme, permet de jouir de l’extraordinaire feeling de Lisa, décidément très en voix depuis le début. C’est elle le pilier sur lequel repose la réussite et la qualité de cette galette. Difficile d’imaginer ce qu’aurait donné ces compositions sans sa voix chaude et sensuelle. On notera également quelques belles parties de guitare qui se poursuivent avec « In your head », un titre beau à pleurer (et quel jeu d’orgue Hammond!) qui vous prendra aux tripes à coup sûr. Evidemment, les headbangers compulsifs passeront leur chemin, sans parler des doomeux buveurs de sang qui n’y trouveront pas leur compte… Mais bon, d’autres groupes sauront les contenter…
« When a fool wears the crown » démarre en fanfare la seconde face avec, une fois de plus, un orgue jubilatoire, une voix démentielle et une rythmique sensationnelle. Sans parler d’un solo mixant guitare et orgue simplement bandant… C’est à ce moment-là que l’intro de « Daughter of the mountains », la pépite de ce disque qui n’en manquait pourtant pas depuis le début, fait son apparition et caresse vos oreilles. La grâce d’un tel titre vous laisse pantois, la bouche grande ouverte façon loup de Tex Avery et vous fout les poils en quelques secondes. « Have no fear » vous emmène doucement mais sûrement vers l’orgasme final, intitulé « Imaginary borders », ses notes de flûte chamanique et, encore et toujours, cet orgue Hammond et cette voix qu’on croirait irréelle, comme sortie d’un rêve.
Amateurs de space rock à la Hawkwind ou de retro rock à la Blues Pills, laissez-vous emporter par ce maelstrom de sensations qu’est The secret of our time, l’une des plus belles choses qui soit arrivé au rock ces dernières années. Même si nombre d’auditeurs resteront au bord du chemin (il faut être un tant soit peu réceptif à ce genre pas forcément calibré pour plaire au plus grand nombre), nul doute que ceux qui resteront dans le bus feront un retour vers le futur qu’ils n’oublieront pas. Pendant plusieurs années… En tout cas, moi, je ne suis pas près d’en redescendre !
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