Que dire de ce skeud? A lui seul, on pourrait lui dédier des études entières, voire des mémoires de musicologie. Si nous avons souvent cité le Blues For The Red Sun de Kyuss comme étant un excellent album pour aborder l’écoute du stoner (et c’est vrai!), il convient d’ajouter que cette plaque est au stoner et à ses dérivés ce que E = MC² est à la physique. Parce que comprendre le présent, c’est tenir compte du passé, essayons de nous plonger succinctement dans cette bombe digne de 1000 éruptions pliniennes. Il va sans dire que les 2 albums précédents sont indispensables à la compréhension de cette pièce légendaire. Ajoutez le 4e et le 5e albums et vous aurez fait le tour de la première phase édifiante du Sab.
Nous sommes en 1971 et le groupe en est à son 3e album. Ce dernier devant confirmé la position dominante du groupe sur cette scène encore méconnue aurait dû faire l’objet d’une composition longue et réfléchie ainsi que d’un mix 5 étoiles revu et corrigé par les plus grands maîtres des studios. Il n’en est rien. Le groupe compose cet opus en 3 mois, quasiment sur la route de la tournée Paranoid. Les morceaux sont balancés spontanément avec une patate et un sans-gène déstabilisants. A peine achevé le sample d’une quinte de toux simulant un disque rayé qu’un un riff aux relents sludgy surgit pour balayer le silence et envoyer l’auditeur directement dans les cordes.
Le sample aux relents de phaser en guise d’intro de la 2e plage fait place à un riff époustouflant constitué d’une série d’étouffés et de 2 contre-temps vertement ponctués qui, 36 ans plus tard, me scotchent encore au mur. Les musicos se rendaient-ils seulement compte de l’impact et de l’influence qu’ils allaient avoir?!
Butler et Ward pilonnent grave et nous bétonnent une section rythmique de 1er ordre alors que le maître ès riffs qui tuent alias Tommy Iommi fait parler avec brio son accordage en mi bémol et Ozzy, jeune premier à l’époque, bourré de trucs illicites mais loin de toutes ses idioties télévisées de maintenant, chante très juste sur des paroles souvent écrites par le bassiste Geezer Butler. Les soli sont parfois dédoublés dans des moutures différentes, une technique qui sera maintes fois copiées par la suite, afin d’améliorer le décorum sans mettre dans l’ombre les bases rythmiques fondatrices de ces ogives nucléaires.
La suite donne lieu à des passages calmes comme cette séquence de guitare aux réminiscences médiévales ou cette intro hispanisante à la gratte sèche. Cette plaque est certes moins variée que Paranoid (2e album) mais révèle néanmoins la phase la plus noire et la plus influentielle du Sab. Comme une prophétie ou des tables de loi gravée dans le marbre… Mais cet album ne vous fera probablement pas péter un câble dès la 1ère écoute. Il faut faire un effort pour accéder à la perception de cette perle intemporelle.
Ne vous croyez pas sorti d’affaire pour autant: Black Sab pousse le vice jusqu’à inviter l’auditeur à faire l’ultime effort de conquérir Into the Void, un morceau long de près de 7 minutes qui navigue dans les eaux troubles d’un style qui se voudra progressif.
Pour la petite histoire, l’intro sous la forme d’une quinte, c’est Iommi toussant après avoir tiré sur un buzz. Et sur Solitude, c’est bien Ozzy qui chante sans effets. Si un vieil oncle ou une autre connaissance souhaite se défaire de ces vinyles, accueillez cette proposition avec enthousiasme: peut-être y-a-t-il une ou plusieurs perles du genre dans le tas…
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le meilleur des meilleurs du sabbath. Le plus lourd, le plus inventif, le plus tout. S’il n’y en avait qu’un ce serait celui la. Et Tyr.