Ce premier album du jeune trio parisien est aussi l’une des premières sorties du label Chien Noir, structure collective montée par et pour une poignée de groupes français. Derrière Cerbère se cachent trois musiciens ayant usé pas mal de locaux de répèts ou de coins de scènes élimés, dans diverses formations de sludge, noise, punk… bref, un peu tout ce qui peut se faire de sale, en gros. Sur le papier, pas forcément quelque chose qui rentre dans nos cordes en revanche… sauf que nos trois gaillards ont beau méler toutes leurs influences dans cette sinistre tambouille, ils ralentissent bien les tempi et délivrent leur production sur un bitumeux tapis de pur doom fuzzé. trois titres pour à peine plus de quarante minutes de musique ; pas la peine de vous faire un dessin…
On rentre dans la galette en se frayant un premier chemin dans le bien glaireux “Cendre”, emmené par un riff doom lent et impeccablement saturé, plombé par une rythmique tellurique et d’où surgissent quelques growls sludge de bon aloi (notons que les passages vocaux sont très rares sur le disque). On est sur du monolithique, avec de très faibles variations mélodiques : c’est répétitif, c’est lancinant, c’est lourd. On pense à un bon riff de Conan badigeonné de sludge – mais plus gras et sombre. Aux deux tiers du morceau, une petite fantaisie mélodique groovy nous emmène directement dans le sillage d’Eyehategod. Pas le temps de reprendre notre souffle que le très subtil “Sale Chien” vient apporter une touche de légèreté : toujours un gros riff, à peine un peu moins lent, mais tout aussi adipeux que son prédécesseur, qui tourne, qui tourne… Les relents blackened doom finissent de caresser nos nuques entre lourdes, tandis que “Les Tours de Set” vient clore la galette par un tour de force de ving-deux minutes : le titre commence par une torgnole hardcore sludge pour vite s’effondrer dans les lenteurs d’un territoire glauque tout en dissonance sous-accordée, sorte de mélange d’un Bongripper bruitiste et d’un Thou énervé. Passé ce premier acte, Cerbère nous amène sur quelque chose de plus construit (on entend même des leads de guitare…) après le premier tiers du morceau, puis entame une lente chute noise tendance drone, qui vient s’étirer sur un très gros dernier tiers de la chanson. Un peu trop longuement sans doute : consacrer près de dix minutes à cette séquence froide et sans grand relief est un pari risqué, pas forcément payant au fil des écoutes… Dommage.
Mais on reste sur un ressenti très positif (façon de parler pour une galette aussi sombre et poisseuse…) à l’écoute de ce Cendre globalement très réussi. Un galop d’essai qui, s’il ne réussit pas tout ce qu’il tente, constitue quand même une large réussite : le tout jeune combo s’est déjà constitué une forte identité (plusieurs références marquantes, mais parfaitement assimilées) et distille une véritable science du riff sur une grosse demi-heure dont on a du mal à se lasser. Du vrai bon doom-sludge de qualité… et c’est français, monsieur !
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