Les fesses vissées au creux du siège effiloché de la 205, nous avalons les kilomètres d’asphalte sous le soleil cuisant de Roanne en direction d’un week-end barbecue subtil et délicat. Mon oreille se tend « C’est vachement bien ce groupe, c’est qui ? – Elder. ». Dix minutes plus tard «Ca aussi c’est bon, c’est quoi ? – Elder ! ». Arrivée à destination vingt minutes plus tard, un dernier morceau hurle dans le HP 5” de la portière « C’est porc ! C’est qui ? – ELDER !!! ».
Elder donc. Et plus particulièrement Dead Roots Stirring paru en octobre 2011. Le trio de Boston mené à la guitare par Nick DiSalvo et assis rythmiquement par le batteur Matt Couto et le bassiste Jack Donovan, envoie dans ce cinq titres du gras, du gros, du très grand.
Dès le premier essai, Gemini, les trois jeunes premiers nous livrent leur quatre vérités ; des compos longues, folles, doom et psyché-es se déliant de solis guitaristiques dévastateurs. La maîtrise et le doigté du six-cordiste sont un régal. DiSalvo guide littéralement cette fougueuse monture qu’est Elder, bien aidé par la section rythmique puissante et précise de caisse claire sèche en basse éraillée. Le morceau éponyme, Dead Roots Stirring abonde en ce sens. Un titre de douze minutes qui surprend constamment – et que j’te chorus un arpège, et que j’te flange un pont, et que j’t’envoie un solo de l’espace délayé dans la réverbe – le tout saupoudré d’insidieux changements de rythmes qui propulse l’auditeur dans des sommets de prog gras et rock.
Abasourdis, les tympans viennent se faire cajoler par le troisième morceau intitulé « III » (tout le monde a droit à son petit instant « je ne me foule pas la burne à chercher un titre »), lorgnant méchamment vers les compositions de master Iommi. Une intro de trois minutes claire, aux accents folkloriques qui vient s’échouer dans un déluge de psychédélisme et de groove avec toujours ce soucis d’aller « au bout du riff », de lui en tirer la substantifique moelle. Les mecs sont jeunes et t’envoient des compos de vieux grognards rompus à l’exercice. Le seul bémol de l’album viendrait d’ailleurs de cette jeunesse qui, dans les parties chantées (rares certes), infléchie la voix et l’impact dans la capsule du micro. Ca sonne un peu forcé et fluet au regard de la production mastodonte qui se répand de la galette.
Mais ce petit détail est balayé d’un revers d’harmoniques quand déboule The End. « Oh regardez ! Le guitariste à 6 doigts à la main gauche ! ». Bin oui, parce que pour balancer autant de notes faut un truc en plus. Sur l’avant dernier morceau, Elder convoque Kyuss pour un nouveau voyage dans la Sky Valley. On ne rêve que d’une route sans fin à son écoute. La basse-moteur ronfle méchamment sous les solos fuzzés et le road-trip s’étire en wah-wah asphaltée pour le plus grand plaisir de tout fan de Stoner.
Elder finit sur Knot, un délicieux mélange d’influence 90s (une structure At the Drivienne) et de riffs 70s. Un titre plus « morceau » dans l’esprit, plus jalonné, accessible peut-être et tubesque à mort. Douze minutes quand même, faut pas déconner non plus, les mecs ne font pas de la pop. Ça headbang tout du long, ça frétille des vertèbres. Cervicalgie mon amour.
Dead Roots Stirring est un album d’une infinie richesse, de styles variés, assumés, mais s’en dégage une unité, une cohérence incroyable. Pitit conseil : la production est tellement massive et le mixage troussé comme il faut qu’une écoute au casque au moins une fois est chaudement recommandée. La dernière fois que j’ai eu un tel frisson c’est quand on m’a léché l’oreille.
Gros coup de cœur.
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