Chaque nouveau disque de Fireball Ministry est en soi une bonne nouvelle. Il faut dire que le groupe, qui trace sa route posément depuis une petite vingtaine d’années, en vieux baroudeur du music business underground, ne déçoit jamais vraiment. Leur production famélique (cinq albums en presque vingt ans, bof) est conforme à leur progression de carrière (en gros : un chemin de randonnée long, plat et laborieux) et à leur activité live (une poignée de concerts chaque année, dans un rayon dépassant rarement les 50 km autour de chez eux). Les bougres savent se faire désirer ! D’autant plus étrange quand on sait à quel point James Rota est hyperactif, initiant plusieurs side-projects (rappelons qu’il est derrière The Company Band, où se retrouvent aussi Neil Fallon et Brad Davis), marketant sa musique dans les méandres Hollywoodiens (pas mal de licences sur des séries TV ou événements types catch US), etc…
Quoi qu’il en soit, on a donc ce Remember the Story en main, et sans déflorer un suspense de pacotille, c’est avec un certain plaisir que l’on écoute cette galette depuis plusieurs semaines. Musicalement, on n’est pas sur du changement brutal, c’est un euphémisme : le quatuor reprend en gros les rênes de l’opération exactement où ils les avaient déposé avec leur album éponyme, il y a sept ans maintenant. Pour ceux qui auraient raté ce wagon, voire les précédents, Fireball Ministry fait du gros stoner rock à « l’américaine », largement teinté de heavy rock, bien produit, chargé en mélodies. Un truc qui sans être super original, s’impose un certain standard en termes d’efficacité, de qualité de composition et d’accessibilité. Ah, l’Amérique, quoi… Un bon demi-siècle de culture rock et hard rock en coulisses quand même, ça laisse de bonnes bases.
Tiré par une poignée de compos remarquables, l’album déroule sans vrai temps faible. On lèvera la tête sur certains titres en particulier, à l’image de ce sympathique « Back on Earth » où Scott Reeder (on a oublié de vous le rappeler, mais c’est désormais le seul groupe fixe du célèbre bassiste de Kyuss), plutôt discret sur le reste du disque, tombe quelques lignes de basse groovy juste venues de nulle part. Result-oriented le bonhomme ! On fera aussi émerger « The Answer », petite pépite hard rock fuzzée aux vocaux pouvant même rappeler Ozzy sur le refrain, ou encore le lancinant et heavy « Dying to Win » qui n’aurait pas pu être renié par le Metallica fin de siècle…
Quand on y regarde de plus près, il y a des petites choses perfectibles sur ce disque. Le fait de vendanger son intro avec « End of Our Truth » par exemple, titre sur-catchy, certes, mais tellement mou du genou en même temps, s’appuyant sur un tempo des plus laborieux. Autre morceau un peu faible, le morceau-titre déroule sa langueur un peu stérile sur cinq grosses minutes sans grand intérêt, mettant même un peu à la peine un Rota aux vocaux un peu limites (sur ce titre uniquement). On peut discuter aussi un peu de la prod, œuvre de Paul Fig, pas vraiment un bras cassé (Ghost, Alice in Chains…) : propre et puissante, elle n’apporte malheureusement pas la légitime couche de crasse qui sait enrober ce type de musique. Et plus précisément encore, on pouvait espérer plus de place pour la second guitare dans le mix (des séquences entières qui ne tirent pas profit du doublon de guitares là où cela aurait pu apporter puissance ou profondeur dans le son).
Notons l’OVNI absolu que constitue le choix de reprendre « I don’t Believe a Word » pour honorer (légitimement et sincèrement) Lemmy, un titre déjà décalé en soi dans la carrière de Motörhead, dont l’interprétation toute en subtilité électro-acoustique option saturation et chœurs en harmonie, fera froncer plus d’un sourcil dubitatif. Couillu.
Remember The Story est un bon album de Fireball Ministry et un bon album tout court. Il contient assez d’excellents titres pour satisfaire la soif de riffs et de gros son finement fuzzé de la plupart d’entre nous. Les fans de Fireball Ministry y verront la suite logique de la discographie du groupe, avec une évolution (lente et subtile) les amenant progressivement à plus de robustesse dans les compos et à moins de « folie rageuse » dans l’interprétation (c’est l’âge, aussi, ma bonne dame). Dans un sillon musical synthétisant bon nombre de différentes tendances, le groupe ne convaincra jamais assez les fans de stoner les plus intégristes, les aficionados du doom le plus pur, les dingues de sludgeries craspecs… mais il a toujours fait montre d’une exigence de qualité qui est susceptible de convaincre un auditoire bien plus large que sa notoriété actuelle. En un mot comme en mille : si vous ne connaissez pas, penchez-vous sur Fireball Ministry, il y a de fortes chances que ça vous plaise.
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