« Trio originaire du sud des Etats-Unis ». Rarement chronique commençant par ces mots n’est annonciatrice de quelque chose de décevant. Ce disque ne dérogera pas à ce principe, qui n’est pas loin d’être érigé au titre de loi. Les premiers albums de Funeral Horse nous avaient mis sur la voie et on savait à qui on avait affaire : depuis leurs débuts durant la deuxième décennie de ce millénaire, les natifs d’Austin avaient déjà produit trois galettes bariolées, trois disques hors du temps et hors des styles, empruntant largement aux codes et aux sons stoner, doom, etc…
Psalms for the Mourning débarque donc presque trois ans après son prédécesseur, avec manifestement les mêmes intentions : lâcher les chevaux… sauf que du côté du Texas, côté chevaux, apparemment on a plutôt des mustangs énervés et indisciplinés, qui partent dans tous les sens et n’en font qu’à leur tête dès qu’on lâche la bride ! Impossible de coller une étiquette à ce disque tout aussi diversifié que ses prédécesseurs, dans ses compos, dans sa production, l’instrumentation…
Sans connaître le groupe, le néophyte curieux pouvait s’attendre à un album déprimant de doom obscur (on parle quand même de l’album « psaumes pour le deuil » par le groupe « cheval funéraire »…). Alors bon, du doom il y en a un peu : « Emperor of all Maladies » convoque les meilleurs riffs de Electric Wizard… mais y injecte des plans jazzy, va gratter à la porte des Melvins à travers des plans quasi noise, pour revenir sur une base doom chaleureuse, le tout en 8 minutes, en majorité instrumentales, qui ne proposent aucun répit à l’auditeur. Autre curiosité : si le doom pouvait être joué à des tempo rapides, il aurait la forme de « Burial under the Sun », étonnant… Mais ce n’est pas la majorité du disque.
Le reste respire plutôt l’envie d’explorer, et tout ce qui peut se faire en nuances de rock saturé (et pas que) passe dans leur moulinette : « No greater sorrow » (par ailleurs premier single de l’album) commence par une intro blues rock en son clair, se transforme en mid-tempo torride à la Tito & Tarantula, où dissonances, assauts de guitare et maracas se donnent la main pour devenir un OVNI fiévreux. Tordu, mais pas autant que « Divinity for the Wicked » (le titre de leur précédent album ? WTF ?!) qui déroule une première section hard rock mid-tempo assez classique, avant de péter un fusible pour se transformer en party song que ne renierait pas Andrew WK (avec option Bontempi cheesy) sur son milieu, sans qu’on ne comprenne vraiment ce qui est en train de se passer, pour mieux revenir sur une conclusion heavy. Même stupéfaction avec l’entraînant « Better Half of Nothing » qui se transcende en conclusion après un break heavy et groovy bardé d’une section cuivres rugissante… On touche aussi à des instrus acoustiques (« 1965 »), du vieux blues gorgé de slide (« Evel Knievel Blues »), des brulots metal thrasheux rageurs (« Sacrifice of a Thousand Ships » qui ne débande pas sur la longueur), etc… Cathedral meets Slayer meets Mr. Bungle meets Los Lobos meets… ‘m’avez compris.
Du coup, inévitable, la digestion est difficile ; les premières bouchées sont même hésitantes pour tout dire. On écoute le disque une fois, deux fois, et rien n’accroche vraiment, aucun repère. Dès qu’une de nos cases mentales commence à clignoter, le titre suivant balance un coup de pied dans les bijoux de famille, remet les compteurs à zéro et il nous faut retrouver une nouvelle « case »… On est conditionnés, c’est un fait. Mais une fois que les shakras sont ouverts, que les titres commencent à s’engrammer, chaque écoute est un vrai plaisir. Les compos ne font jamais sens, ce qui reste déstabilisant : l’album n’a pas une véritable identité en tant qu’objet. En revanche, la qualité des morceaux qu’il contient devient rapidement une évidence.
Si cet état d’esprit ne vous fait pas peur, que vous êtes ouverts à tous types d’expériences musicales pour peu qu’elles soient menées avec talent, conviction et intégrité, le nouveau Funeral Horse est fait pour vous.
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