Hermano – When the Moon was High…


Il est étonnant de constater que pour un groupe avec si peu d’activité sur les deux dernières décennies (un seul concert en plus de 15 ans – au Hellfest en 2016 – et dernier album il y a 17 ans), l’aura autour du groupe / projet Hermano est restée particulièrement vivace. Difficile d’en comprendre la raison… Présence de John Garcia dans le projet ? Alignement des planètes ? Dans les faits, cela relève plus d’une alchimie absolument tangible dans la constitution de ce line-up bricolé par Dandy Brown : le bassiste a su voir le potentiel qui pouvait émaner de ces musiciens qui ne se connaissaient pas avant de les faire rentrer ensemble en studio pour ce projet, pour produire un album référentiel, sorti de nulle part. L’histoire ne retiendra même pas que ce disque, pris dans l’imbroglio du dernier album mort-né de Unida, fut bloqué dans les limbes pendant plusieurs années pour des questions contractuelles (du fait des engagements de John Garcia d’une part, de la faillite du label Man’s Ruin, etc…).

Aujourd’hui, le groupe est au point mort, ou plutôt au ralenti : ils ont quelques compos sous le coude à l’état de démos plus ou moins abouties, mais ses musiciens sont (littéralement) aux quatre coins des Etats-Unis, ont avec les années dû faire évoluer leurs priorités (et donc leur disponibilité), et leur chanteur (Garcia) privilégie ses projets perso pour son rare temps « libre » (sans faire une croix sur ses autres projets)… Difficile dans ces conditions de développer le groupe. Pour autant, Hermano existe toujours, et ce disque s’en veut la preuve.

Pour l’aspect « signe de vie », il faudra se concentrer sur une seule chanson sur le disque :  « Breathe » est un très bel échantillon de la musique de Hermano, il déroule son groove blues-rock sur une trame mélodique et rythmique chaloupée, propose un beau terrain de jeu à une paire de guitaristes toujours justes (du riff efficace, de la lead en portion raisonnable) et le chant de Garcia vient apporter la touche finale à l’identité bien particulière du combo. Un très bon titre. Le second morceau est certes un inédit, mais il date de plus de 25 ans, des sessions d’enregistrement du premier album. « Never Boulevard » se développe sur une trame électro-acoustique (la légende veut que Garcia et Dandy se soient assis avec une guitare acoustique quelques minutes avant la fin de l’enregistrement du disque pour poser quelques lignes vocales quasi-improvisées sur un petit riff de Brown…), probablement complétée depuis de quelques subtils arrangements et instrumentalisations complémentaires en post-production (discrets leads, un peu de percus…). Le titre est sympa, il fonctionne bien, même si pas parfaitement emblématique du « style Hermano ». Autre inédit « ou presque », « Love » n’a pas été enregistré en studio et est issu d’une interprétation live : il fut joué au Hellfest, et à l’époque nous vous en avions proposé la captation vidéo en exclu (lien vers la vidéo). Un titre déjà connu des aficionados, donc, mais qui peut apporter un peu de fraîcheur à ceux qui sont restés dans leur bulle ces dernières années. La chanson est cool, encore un mid-tempo reposant sur un bon travail mélodique, qui mériterait peut-être un peu de re-travail de production pour être peaufinée sur disque.

Le reste du disque est constitué d’extraits live d’intérêt musical ou historique hétéroclite. Deux autres titres sont issus du concert au Hellfest (dont émerge le groovy « Señor Moreno’s Plan »), et un autre du concert au W2 de Den Bosch (Bois-Le-Duc si vous préférez) le 4 décembre 2004. Sauf que ce concert a déjà fait l’objet d’un album live du groupe, et que ce titre n’y figurait pas ! Il s’agit donc d’une vraie rareté, d’autant plus que l’on s’interroge vraiment sur son absence dans l’enregistrement d’origine : déstructuré pour l’occasion, reposant largement sur les « divagations guitaristiques » d’Angstrom, ici très inspiré, cette version de « Brother Bjork » ne manque pas d’originalité, sans perdre la trame et l’esprit originel de la chanson. Excellent choix donc que de le sortir finalement sur disque.

Avec moins d’une demi-heure de musique, et une proportion d’inédits « à géométrie variable » (rajoutons aussi que conformément à la mode de ces dernières années, tous les titres ont déjà été sortis en amont sur les différents réseaux sociaux / plateformes de streaming), l’acquisition de ce disque au regard de la valeur « nouveauté » seule peut être discutée. En revanche, ce disque vaut pour deux autres facteurs : d’une part il est le signe d’un groupe qui, s’il ne sera plus jamais « vivace » comme il a pu l’être au tournant du millénaire, n’est pas mort. Il est constitué de musiciens qui s’entendent bien, il existe des compos partiellement enregistrées… bref les conditions d’un nouvel album et d’une nouvelle tournée sont bien là, en sommeil, et il ne manque qu’une étincelle pour remettre tout ça en ordre de bataille. Le dernier facteur d’intérêt tient à la musique elle-même : s’il manque de « consistance » (fait de bric et de broc), ce disque propose quand même quelques belles portions de musique de Hermano, qui reste un groupe à part. Et si ce ne sont pas les meilleures chansons de sa discographie, ce sont de bonnes compos. A plus d’un titre donc, ce disque s’avère très intéressant.

 


 

Note de Desert-Rock
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