In The Company of Serpents – A Crack In Everything


Depuis 2012, le duo mué en trio de In The Company Of Serpents a sorti quelques plaques d’un sludge tout en finesse, tombées dans notre escarcelle assez tardivement, sans doute la faute à une auto-production à laquelle le groupe est attachée. Le coup de foudre avait été assez total lors de la sortie de Lux en 2020. Leur sludge, entre lourdeur et mélodie, avait bénéficié d’une production léchée qui avait propulsé cet album parmi nos coups de cœur de l’année, aiguisant au passage notre appétit pour un nouvel enregistrement.

Le retour aux affaires se fait cette fois avec une plaque toujours auto-produite et annoncée comme personnelle, en particulier du point de vue de Grant Netzorg, le chanteur du groupe, qui utilise A Crack In Everything comme catharsis de ses problèmes de boisson passés. Un enregistrement qui prend donc le risque de tourner autour d’un membre unique dirigeant l’ensemble (mais au fond, rien ne nous dit que cela n’était pas déjà le cas, vu le succès évoqué plus tôt).

On s’attend donc, à l’ouverture de l’album, à un sludge qui colle aux pattes, ce que “Don’t Look In The Mirror” ne dément pas. Très vite, on avance dans A Crack In Everything comme dans le brouillard d’un marigot d’où peut surgir une surprise à chaque instant. L’enchaînement des titres n’a rien d’un trajet paisible. Comme pour leur précédent album, In The Company Of Serpents fait sonner son sludge avec talent. Que ce soit avec “A Patchwork Art” et ses riffs doom en alternance avec un mid-tempo bien du sud, ou même un titre plus faible comme “Endless Well”, aux lassantes phrases en boucle, le trio sait donner le change avec un pont qui apporte un vent de renouveau : un mid-tempo, un break, ou bien de discrets chœurs (assurés par Jeff Owens de Goya).

Mais laissons ici la promesse d’un album tout en sludge. “Cincers”, avec un son distordu, fébrile, imparfait, joue avec les codes de la fissure, laissant même planer le doute quelques secondes d’une involontaire erreur d’enregistrement (dans la lignée d’une plaque, disons-le tout de suite, à la production nettement plus en retrait que la précédente).

“Buzzard Logic” se pose en charnière doom qui plonge la galette dans un monde plus froid, plus sombre. Introduite et conclue par le son du glas, elle se mue vite en un paysage plus proche du post-rock qu’autre chose. Le chant scandé, en appui des cordes et de la batterie, s’enfonce dans un monde de plus en plus poisseux, qui dérivera jusqu’au final noir comme un shoegaze de “Ghost On The Periphery”. Un univers où les balades express (à peine plus d’une minute, et diptyque qui ressemble fort à celui déjà présent sur Lux), empoisonnées de “Delirium” et “Tremens”, viennent préparer le terrain à “Until Death Darkens Our Door” et son chant rocailleux à la manière de Leonard Cohen, en réponse au titre de l’album, tiré des paroles d’une chanson de ce dernier, “Anthem”.

Au final, l’album n’est plus sludge que par les échos de ce qu’on connaissait des précédents, et la figure post-rock prend le dessus pour accéder à la catharsis. On sent dans A Crack In Everything un besoin vital de purger le mal qui habite l’auteur des compositions. Un besoin exprimé dans un phrasé mélodique, mélancolique et dur, qui achève la mutation d’un style larvé dans les précédents enregistrements. Un album nécessaire pour le groupe, qui pourra déstabiliser ceux qui attendaient la redite du précédent opus. Au final, A Crack In Everything restera-t-il une parenthèse où l’auditeur accompagnera In The Company Of Serpents dans son cheminement ou est-ce la fin d’une mue et donc un nouveau corps qu’il faudra accepter ?

 

Note de Desert-Rock
   (7,5/10)

Note des visiteurs
   (0/10 - 0 vote)

(Pour donner votre note,
cliquez sur le nombre de cactus voulus)

Laisser un commentaire

You can use these HTML tags

<a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>

  

  

  

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.


Se connecter