Aux frontières du désert, il est de ces groupes qui tracent un chemin tangent et finissent par nous heurter, c’est le cas de Ingrina, sextet de Tulle qui délivre son premier LP, Etter Lys. Entre un Russian Circles adouci et Long Distance Calling torturé, Ingrina joue loin du poncif des successeurs d’Isis et crée une œuvre d’excellente facture.
La musique est introspective sans être profondément Shoegaze. Les passages à la fois aériens et aquatiques dégagent une force émotionnelle renforcée par des montées en puissance instrumentales qui ne permettent à aucun moment de décrocher. Cette cohérence tient beaucoup à la composition du groupe avec ses deux batteries et trois guitaristes qui facilitent la construction d’une structure intense et riche avec de surcroît une basse aussi imposante qu’un éléphant qui charge.
Cette richesse est particulièrement prégnante dès le premier morceau “Black Hole” puis sur “Fluent” et “Coil” où un chant tantôt clair bien que poussé, tantôt Screamo, se perd à demi au sein de successions de thèmes entrelacés.
Les compositions submergent littéralement l’auditeur pour éveiller des sentiments liquides aussi bien que chtoniens. On croise le chant des sirènes et le craquement de l’orage dans l’air, on chute au sol dans la boue avec plaisir, avec le sentiment d’être pleinement vivant. La musique d’Ingrina est organique et aussi complexe qu’un corps. L’âme d’un monstre ancien se réveille, “Resillience” en est le morceau illustrateur, les membres de la créature bougent lentement puis la gueule s’ouvre et pousse son cri du fond des âges. les mouvement s’amplifient sur “Leeways” et du fond du lac, la créature surgit. “Surrender” lui rend hommage dans une introduction de cathédrale, une piste de près de 15 minutes. S’y enchaînent inflexions épiques et rappels de l’esprit des titres précédents. L’angoisse monte comme si la bête “Etter Lys” se dressait tout entière devant nous. Il est de ces créatures qui intriguent lorsqu’on les devine et qui poussent au recul lorsqu’on les embrasse toute entière. Ingrina crée un dragon du fond des âge, immense et polymorphe, sa complexité séduit et effraie tout à la fois.
La production léchée d’Etter Lys en fait un disque d’une richesse rare où la densité des six morceaux tient sur une cinquantaine de minutes ni trop courtes ni trop longues. Ingrina place haut la barre avec ce premier LP et s’arroge une place de choix au sein du Post-Metal Français avec cette capacité à séduire au delà des étiquettes et des genres.
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