Kadavar – Berlin


kadavar

2 avis sur cet album :

L’histoire de Kadavar est celle d’une success story. Une fable comme la musique n’en donne plus depuis des lustres. Trois Allemands, l’un de l’Est, l’un de l’Ouest et un Autrichien (ne chipotons pas, parlez-en à Guy Roux) se retrouvent à Berlin, sans le sous. Ils s’habillent dans les friperies ce qui, conjugué à leurs cheveux longs et leur aspect élancé, leur donne un coté efféminé. Seules leurs immenses barbes empêchent le doute d’être permis. Puisqu’ils se sont rencontrés dans un bar, c’est également dans ce genre d’endroits que le trio se rôde et obtient un phénoménal following en 2012, alors qu’est à peine publié leur premier et éponyme album. Leur set en clôture du Desertfest de Berlin la même année, avec Toner Low et Abrahma,  leur donne leur premier rayonnement international.  Leur musique se place dans la continuité de ce que Witchcraft ou Graveyard avaient accompli, ressuscitant l’esprit 70’s, cru et sauvage. Usine à riffs et à refrains entêtants, les multiples labels et pressages ayant vu passer les droits du disque ne se plaignent pas des retombées commerciales. Il n’en faudra pas plus à Nuclear Blast pour récupérer la bête à trois têtes et publier Abra Kadavar au plus vite. Les tournées s’enchainent et le bassiste, Phillip Lippitz, dit Mammut jette l’éponge pour des raisons familiales et professionnelles. Il a tout simplement un… bar à gérer. Il est alors remplacé par un français, Simon Bouteloup, vu du coté d’Aqua Nebula Oscillator, groupe que Kadavar a côtoyé le temps d’un split. Le trio visite toutes les salles et festivals possibles et retourne en studio dans la foulée pour n’en ressortir qu’avec leur troisième album sous le bras.

Ce dernier se nomme donc Berlin. S’il est légitime de penser à cet instant à Lou Reed ou David Bowie, ayant eux aussi vu en la capitale Allemande et sa liberté (à l’Ouest) après guerre, l’endroit idoine pour laisser libre court à leur créativité, c’est plutôt un hommage appuyé à la ville qui les a soudés et propulsés sur le devant de la scène que le trio semble vouloir faire référence. Coté son, les teutons poursuivent leur quête du rock passéiste revenu dans l’air du temps. Leur premier album, porté par l’imparable « Black Sun » restera comme l’un des grands moments de ce revival dont l’exploitation forcenée, surtout par certains labels ayant fait des choix de productions lisses, aura vite tendance à lasser. La suite discographique de Kadavar souffre à mon sens de ce problème : ce genre de rock rétro ne souffre d’aucune faiblesse possible. Si les riffs ne sont pas inspirés, le disque est mauvais. Si les sonorités sont trop aventureuses, l’essence du genre est bafouée. Le droit à l’erreur n’existe pas et rares sont les combos ayant évité les écueils combiné de la redire ET de la « trahison » au cours de leur carrière. Berlin prend le parti de rejouer la carte du vieux rock efficace en apparence et en cela propose quelques belles réussites (« Last Living Dinosaur », « Into The Night » entre autres) mais se vautre lorsqu’il prend le parti de la surproduction (l’insupportable single « The Old Man ») ou pêche par un riff ou un refrain moins percutant (« Thousand Miles Away », « Lord Of The Sky », « Pale Blue Sky »…).  Pire, la relative longueur du disque en devient son véritable défaut. Berlin aurait franchement gagné à être présenté plus ramassé, sur 6 titres, comme l’était le premier disque du combo. Ce défaut, à mon sens, était également celui d’Abra Kadavar.

Difficile donc de parler de bon album lorsque ce dernier est porté par un single plus que décevant et laisse après écoute une impression de remplissage. Pour les quelques bons moments à sauver, que de pistes éculées !

Pour finir Kadavar propose en bonus track une reprise d’un obscur morceau de l’artiste Nico, connue outre Rhin pour ses accointances avec le Velvet Underground. C’est à mon sens ce qui m’a éloigné du trio depuis le premier album : cette sensation de recherche de la sophistication au détriment de l’instinctif, concept louable auquel je ne suis absolument pas sensible.

Iro22

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Je partage avec mon bien-aimé et respecté collègue ce constat d’un album hétérogène, qui a en outre mal été introduit par l’intermédiaire d’un single insipide (« The Old Man »). En revanche, la production de l’album, basique, brute, me paraît parfaitement adaptée, voire même relevant d’une prise de risque plaisante pour un groupe de cette envergure : le trio est enregistré « comme en live », avec quasiment toujours le même son de guitare, quelques effets sur la voix à peine et… trois instruments seulement ! Or combien de trio auraient, portés par les meilleures intentions, ajouté une piste de guitare rythmique pour accompagner les incartades solo de leur guitariste lead et remplir le spectre sonore ? Rien de tel ici où les envolées guitaristiques de Lupus Lindemann (toujours aussi bien senties, précisons-le par la même occasion) trouvent une large bande passante dans le mix de l’album. De fait, l’énergie live du combo se retrouve ici une nouvelle fois retranscrite au mieux possible grâce à ce travail de prod.

Mais là où le groupe se démarque de la masse de groupes de la même tendance « vintage », c’est par son talent de composition. C’est vrai, il y a des titres de remplissage, assez médiocres, inutiles ; on le regrettera. Mais à côté de ça, quels groupes sont aujourd’hui en mesure d’écrire des titres aussi efficaces que « Last Living Dinosaur » ou « Thousand Miles Away From Home », des mid-tempo qui ne sont pas dans mes titres favoris, mais dont on est obligé de louer l’évidente qualité, et les subtiles touches de talent pur que l’on y trouve ici ou là au détour d’une ligne vocale, d’un break venu de nulle part ou d’une rythmique atypique (voir par exemple la ligne de basse complètement décalée qui introduit « Filthy Illusion »). Et que dire de « Stolen Dreams », une perle de groove énergique qui pourrait presque à elle seule justifier l’achat de cette galette… Enfin, Kadavar conforte sa fanbase avec son lot de pépites directement enracinées dans la fin des 60’s : « Lord Of The Sky », « Pale Blue Eyes » ou « See The World With Your Own Eyes » remplissent le cahier des charges avec brio.

Bref, on attendait un album énorme de Kadavar, qui est ces dernières années remonté très haut sur le podium des groupes live les plus intéressants dans ce genre musical. Berlin n’est pas le colosse attendu, malheureusement, mais c’est un très bon album, qui rassure sans être non plus exempt de (relatives) prises de risques. Le disque a par ailleurs le mérite de montrer que le trio berlinois n’est pas prêt de laisser sa place aux jeunes loups aux dents longues qui le regardent d’en bas.

Laurent

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 Point Vinyle :

C’est qu’il va être pressé celui là !

Il s’agit d’un double LP gatefold et Nuclear Blast en prévoit :

  • 300 en blanc exclusivement disponibles sur leur mailorder.
  • 300 en violet exclusivement disponibles sur leur mailorder.
  • 300 transparents pour les US.
  • 500 en bicolore rouge et blanc.
  • 200 en vert.
  • 300 en rouge.
  • 300 en bleu pour les US.
  • Une édition standard noire.
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