Sans crier gare, Khanate est sorti de sa longue période d’hibernation (14 ans quand même depuis Clean Heands Go Foul) pour lâcher cette nouvelle déflagration sonore dans nos esgourdes (plus ou moins) consentantes. Pourquoi cette reformation ? Comment ? Il semble que le projet ait été en quelque sorte réactivé en 2016, tandis que Wyskida (batterie) et Stephen O’Malley se soient retrouvés associés pour un autre projet musical, et aient été pris d’envie d’écrire de nouveaux titres ensemble.
Avec un disque composé de trois plages d’environ 20 minutes chacune, il ne faut pas longtemps pour comprendre que ces quatorze années n’ont pas fait beaucoup bouger les bases musicales du quatuor – constat confirmé dès la première écoute. Khanate c’est du doom quintessentiel, réduit à sa forme la plus extrême et déviante : une base drone lourde et sombre, sur laquelle surnagent des vocaux gueulards déchirants et malsains. Musicalement, si l’on devait se référer à la discographie de son plus éminent membre, Stephen O’Malley, le groupe se positionne (un peu) entre deux de ses projets musicaux : Burning Witch et Sunn O))). Bref, si l’univers développé par ce type de groupes ne vous convient pas, passez votre chemin.
Quand, au bout de 5 minutes de « Like a Poisonned Dog », après avoir écouté tourner un riff sur trois notes à 4 bpm environ, Alan Dubin s’égosille en hurlant « I feel dead », on se dit qu’on tient le bon bout… Ce cri déchirant (littéralement) et plus largement le champs lexical et la thématique portés par les beuglements de Dubin (globalement on oscille entre désespoir, agression, cynisme froid et imagerie fantasmée glauque… “I’m at an all time low”, “It’s alright you can look away”, “We’re too far down”, “Cry with me”…) orientent à la fois la tonalité de l’album et sa tendance résolument « pince sans rire » développée par nos quatre joyeux-lurons. Amis de la gaudriole et du riff enjoué, vous allez être à la fête.
Les trois morceaux de l’album développent chacun une musicalité différente. Tandis que “Like a Poisoned Dog” est sans doute le titre le plus froid, sans concession, avec peu de mouvements distincts, proposés de manière répétitive (ad nauseam ?…), “It Wants to Fly” lui propose plus de variations sur la durée (mais moins de riffs) sur sa première moitié au moins, et un chant plus présent, qui embarque l’auditeur dans un délire qui convoque un univers à la David Cronenberg par exemple (et sa vision déviante). “To Be Cruel” pour sa part emmène dans les tréfonds les plus sombres de la galette, sur fond d’un drone tout en ambiances et lenteur, avant de proposer un dernier mouvement plus “ouvert” (ou “moins sombre”, plutôt, relativisons…).
Khanate fait du Khanate : c’est violent, c’est exigeant, c’est dur, c’est âpre – bref ce n’est pas vraiment du doom mélodique. Faut aimer. Si vous avez une aversion pour le drone, To Be Cruel ne vous réconciliera pas avec leur discographie. Il apporte en revanche l’information que le groupe est toujours bien présent, tout aussi inspiré, et prêt à proposer du contenu pertinent, bien dans son époque. Un bon nouvel album de Khanate.
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