Déjà 10 ans sont passés depuis la sortie de King Hobo, premier album du groupe éponyme composé alors de quatre larrons bien moins connus qu’aujourd’hui… Car au sein du quatuor international figure un certain Jean-Paul Gaster, batteur d’un groupe encore confidentiel à l’époque (sauf pour nous), Clutch. Le duo qui l’accompagne est composé de Per Wiberg, qui jouit d’une forte notoriété déjà à l’époque en particulier en tant que clavier de Opeth, et Thomas “Juneor” Andersson – ces deux derniers composant deux tiers d’un autre trio plus actif sur disque que sur scène, les très recommandables Kamchatka. Quant au quatrième membre de l’aventure, il disparaîtra de l’image au fil des années, King Hobo évoluant désormais sous forme de trio. N’ayant pas pu assurer de concerts durant toutes les années consécutives à l’enregistrement de leur premier méfait, tout portait à croire que le groupe devait en rester au statut de projet méconnu culte gravé à l’arrache sur disque à l’issue d’une séance d’enregistrement entre potes… Tout faux : les zicos sont toujours restés en contact, et ont décidé en 2018 d’enregistrer quelques vieilles compos (vieilles de plusieurs années pur certaines), avec le projet de les emmener sur la route ensuite !
Prévenons tout de suite les plus étroits d’esprit : on ne trouvera pas sur cette galette de stoner pur jus – d’ailleurs le premier album n’en contenait pas non plus. Difficile en réalité de circonscrire le groupe à un genre musical bien défini : la créativité des trois larrons semble s’épanouir dans un spectre musical aussi vaste que riche, sans aucunes barrières. A ce titre “Hobo Ride” en intro donne une très mauvaise indication de ce qui nous attend sur le disque, proposant un riff et une rythmique 100% Clutch-iennes (et ce farceur d’Andersson d’opter en plus pour un refrain gueulé “à la Fallon” pour parfaire le tout). Blagueurs. Car la suite est bariolée, débridée, et ne devrait pas laisser grand monde stoïque. Quelques exemples : “King Blues” est une pure démonstration d’un blues lent et fiévreux où les complaintes d’Andersson, portées par des pointes de saxo du meilleur effet, sont bluffantes d’efficacité ; “Good Stuff” et son rock funky rappelle évidemment des plans de RHCP ; le morceau titre “Mauga” est un instrumental où Andersson (encore lui !) propose des plans latino / flamenco (!) ; “Listen Here” est un titre aussi nerveux qu’efficace, au refrain imparable ; quant à l’instrumental de clôture, le très étonnant “New Or-sa-leans”, il déroule une séquence mélodique remarquable, agrémentée de soli d’une redoutable justesse, d’une base de batterie jazzy impeccable, et même de plans… d’accordéon !
Vous l’aurez compris, cet album ne laissera personne indifférent ! Et c’est bien le fait de son principal musicien, à savoir évidemment… Jean-Paul Gaster ! Le maestro des fûts déroule sa maestria sur les 10 titres avec classe et talent, propose un jeu varié, adapté à chaque titre, qui apporte une identité bien spécifique à chacun. Son identité musicale remarquable, mise au service des compos, rejaillit sur tout le disque.
Enfin… à la réflexion… le musicien le plus important du trio est probablement plutôt… Thomas Andersson ! Car oui, le sympathique et fantasque guitariste développe lui aussi une variété de sons et de styles ébouriffante, excellant dans tous les genres qu’il aborde. Prolixe et efficace, le six-cordistes s’y entend aussi dès lors qu’il a l’occasion de coller des soli à chaque espace qui lui est offert, avec talent à chaque fois… Et que dire de sa performance vocale ? A l’aise dans tous les registres, puissant quand il le faut (le refrain de “Dragon’s Tail” ou le très catchy “Twilight Harvest”), et plus subtil lorsque c’est justifié (“King Blues” ou le poignant “How Come We’re Blind”), il apporte un élément essentiel à l’identité musicale du trio.
Mais au final… la question ne se pose pas vraiment… le musicien le plus important du trio est plus probablement… Per Wiberg ! Le plus discret du trio est en réalité à la fois l’homme de l’ombre musicalement (ses lignes de basse sont très sobres, mais apportent pourtant un élément mélodique et rythmique efficace et essentiel) mais aussi la pierre fondatrice du combo : à la manœuvre dans l’organisation des séances d’enregistrement, dans les compos, etc… Il apparaît des échos de tous comme le leader du groupe. Rarement un trio a-t-il proposé trois identités musicales si fortes et si complémentaires à la fois.
Mauga est un album d’une qualité remarquable, fruit d’un processus d’écriture et de jeu complètement atypique, largement lié à la rencontre de trois personnalités bien marquées. Pour certains ça manquera inéluctablement de fuzz, de riffs lourds et gras, de plans planants psyche… Mais ce qui est proposé au détour de ces 10 plages (d)étonnantes est une musique hybride, riche et redoutablement efficace, à l’exacte image de chacun des musiciens qui les ont composées et interprétées. Maintenant, il reste à concrétiser cette volonté a priori affirmée par le groupe d’amener King Hobo sur les planches… On touche du bois !
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Tout juste Auguste Pour moi une belle découverte que ce Mauga Chhronique tres fine merci!