“Nous voulons émouvoir les gens. Si celui qui nous écoute arrive à ressentir ne serait-ce qu’une petite partie de la douleur que l’on a investi dans notre musique, alors on peut dire qu’on a fait ce qu’on avait à faire”. Tels sont les mots de Michael Meacham, l’imposant frontman de Loss à la mine renfrognée, lorsqu’il parle de son groupe. Formé à Nashville en 2004, Loss est depuis ses débuts composé des quatre même membres, qui semblent tous partager la même vision de la musique. Faire de la musique pour soi, par nécessité, et si elle plait à d’autres, tant mieux. Se retrouver en groupe dans une pièce exiguë meublée de quelques amplis et déballer tout ce qu’on a, plutôt que de le faire à deux, l’un allongé sur le divan.
En 2011 sortait leur premier album, Despond, véritable bijou de doom lyrique avec des morceaux comme « Cut Up, Depressed and Alone » dont le titre seul devrait suffire à vous situer l’ambiance. Leur second album Horizonless est sorti cette année sur le même label, Profound Lore Records, ce qui est déjà un gage de qualité en soi, puisque Profound Lore Records sort rarement de la daube, et je ne parle pas du plat provençal. Mixé par Billy Anderson (producteur de Pallbearer, High On Fire, Ramesses, et la liste pourrait être encore longue et chiante), Horizonless était aussi attendu que le retour de Jésus auprès de tout ceux qui avait gouté à la noire poésie de Despond.
Horizonless est construit ainsi : 5 titres longs d’une dizaine de minutes et chacun entrecoupé de morceaux beaucoup plus courts et plus atmosphériques, comme quelques notes de piano ou d’orgue, le cliquetis d’une machine à écrire, ou la simple lecture d’un texte. La durée de certains titres et la lourdeur crasse qui s’en dégage a valu à Loss l’étiquette de Funeral Doom Band, largement à revoir selon moi (vous me direz, comme souvent avec les étiquettes). Déjà, le groupe ne joue pas à un tempo extrêmement lent, du genre le batteur check ses mails entre deux coups de cymbales. Les mélodies sont aussi très présentes, guidées par une guitare claire bien audible, là où le funeral doom peut parfois se perdre dans le brouillard en se trainant péniblement pour essayer d’avancer. La voix de Michael Meacham très gutturale et profonde rentre quant à elle parfaitement dans la boîte du death/doom.
La grande force de Horizonless réside dans la non-linéarité de ses morceaux : le renouvellement est permanent, la tonalité et/ou le tempo changent en cours de route, rien n’est structuré, tout change et rien ne dure. Ce côté très « progressif » rend l’écoute extrêmement riche et variée, d’autant plus que l’album est parfaitement produit et foisonne de détails auditifs. Il vous faudra donc de nombreuses écoutes pour assimiler les 67 minutes de Horizonless. Le premier titre de l’album, le magnifique « The Joy of All Who Sorrow » devrait directement vous plonger dans l’univers caractéristique de Loss, une sorte de mélange entre la brutalité de Mournful Congregation et la poésie de 40 Watt Sun. Le morceau éponyme, « Horizonless », premier morceau du groupe où tous les membres chantent, est également un pur concentré émotionnel où je vous mets au défi de ne pas être pris aux tripes lors du somptueux refrain final. La liste des réussites peut continuer avec « When Death Is All », qui vient clôturer le disque en grande pompe (funèbre, évidemment).
En réalité, chaque minute de Horizonless est à la fois parfaite et unique. Après 6 ans d’absence, Loss a pondu un chef d’œuvre qui réussit à redéfinir le funeral doom en y apportant ce qui manque souvent au genre, de la richesse. Un album qui fera date.
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