Les sorties du trio norvégien culte sont trop souvent passées sous nos radars. Faute à une distribution de disques souvent famélique, une promo inexistante, certains des symptômes d’un groupe dont la notoriété s’est construite en direct auprès de son public, album après album, ainsi que sur scène. Fortement honorable en soi. Pourtant le groupe ne peut pas être taxé de laxisme : après plus de 25 ans de carrière, le groupe a enregistré une vingtaine d’albums, une dizaine d’EP, et plein de singles, featurings, etc… Une carrière faste, riche, et très variée. Bon, y’a forcément une embrouille – pour être aussi productifs, ils doivent bâcler l’affaire et se répéter… Et là, boum ! Rien que pour nous faire mentir, les bougres nous pondent rien moins qu’un double album, presque 1h30, cash, et justement super diversifié et très différent du précédent…
On ne donnait pourtant pas cher de leur peau quand Kenneth Kapstad, leur batteur, les a quittés en juin 2016 après dix ans de bons et loyaux services. Hans Magnus Ryan et Bent Sæther, seuls restants, ont mis quelques mois à recruter son remplaçant, Tomas Järmyr, mais n’ont pas tardé à le mettre dans le bain, avec un nouveau disque ! Et pour ça, les scandinaves ont choisi la Californie – Los Angeles et le Rancho de la Luna. On a connu pire bizuthage.
Toutes ces infos dans un coin de la tête, on écoute l’album avec une oreille curieuse. Et on l’écoute encore. Et encore…Le premier constat se fait jour : difficile d’en faire émerger une tendance, un positionnement dans la carrière du groupe. le plus marquant est le tour plus “enjoué” pris par le disque au regard de son prédécesseur, le pourtant excellent Here be Monsters. Ce dernier était plus sérieux, plus intimiste aussi. The Tower n’est pas tant son contraire qu’une autre vision du groupe. En tout cas pas une suite logique, c’est assez intéressant à noter !
Plusieurs facettes sont explorées par le groupe, à l’image de “A.S.F.E.”, dont l’intro avec son riff fuzzé rappelle “Paranoid” par le grand Sab’, et qui se termine en rappelant l’aspect groovy lancinant répétitif krautrock perfectionné par des groupes comme Ecstatic Vision. Les atours plus prog et psyche typiques du groupe se font jour progressivement sur la suite du disque, comme sur “Intrepid Explorer” qui, même s’il commence comme un morceau folk un peu mou du genou, se transforme vite en jam grandiloquent avec des plans presque orientaux et des arrangements de cordes du meilleur effet. “Stardust” un peu plus tard fait baisser la pression, il reste pop folk mielleux tout du long, catchy, certes, et pas désagréable mais… bof quoi. “The Maypole” plus loin, dans la même veine, est plus réussi. En tout cas, ça contraste avec « In every dream home (there’s a dream of something else) », lancé par un gros riff et porté par un son de guitare(s) très fuzzé, mais qui se transforme en bluette folk très 60’s sur la fin, avec même des plans de flute !
Les choses deviennent plus sérieuses sur la fin “A Pacific Sonata”, titre de quinze minutes, porte bien son nom : le titre est lent, il commence en électro-acoustique avec un chant haut placé (sur des envolées, en harmonie), puis au milieu accueille des soli très blues (aux sonorités presque Gary Moore-iennes). Puis coup d’accélérateur, la rythmique part en vrille et devient carrément prog, avec plein de couches instrumentales et samples divers. Heureusement “The Cuckoo” remet au goût du jour des grattes plus électriques, mais cale quand même des breaks venus de nulle part, et finit sur des plans très prog (harmonies guitare/chant, segments acoustiques, piano et guitare…), encore. Le dernier morceau “Ship of Fools” (un petit quart d’heure lui aussi, hein…) commence léger avec (encore) force plans prog, puis se métamorphose tout en accélérant le rythme, et en calant des plans bariolés, arrangements WTF et chaos auditif à la clé, avant de se reprendre un peu sur la fin. Un vrai bordel organisé. Clap de fin.
Et bien finalement, l’album est à l’image de ces quelques exemples : riche, varié, baroque donc, jamais très loin des pans les plus progressifs de sa musique, il apporte une vision kaleidoscopique de la carrière de Motorpsycho : il se penche subtilement sur son passé (pour mieux se reposer sur ses compétences connues et reconnues) et donne quelques indices sur de nouveaux territoires possibles à explorer. Un disque audacieux, qui explose d’idées, super créatif, très contrasté. Trop ? Pas vraiment si on a l’esprit ouvert, et si l’on est fan du groupe (et donc un peu habitué…) – ces deux statuts étant souvent liés, soit dit en passant. The Tower se pose donc en (très) bon disque dans la carrière du groupe, qui nous laisse entrevoir encore de probable nombreuses années de carrière pour ce discret mais finalement très actif trio.
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