Bon sang on l’aura attendu celui-là ! Depuis le dévastateur “Healing through fire” (un disque un peu plombé par la faillite du label Sanctuary quelques mois après sa sortie…), plus de 5 ans se sont écoulés. Chacun des derniers albums du quatuor briton montrait une évolution remarquable en terme de maturité, ce qui a rendu l’attente de ce dernier effort plus dure encore ! Mais notre patience est récompensée, car ils nous reviennent enfin, avec ce “Eulogy for the damned”, sorti dans leur nouvelle maison de disques, Candlelight Records.
Le sourire nous monte aux lèvres dès que l’on entend retentir le son de gratte pachydermique de Joe Hoare : riffs bardés aux hormones, soli crépusculaires (qui trouvent leur place sur presque tous les titres, voir les meilleures illustrations sur “Acid trial” ou “The filthy and the few”), le bonhomme est sur tous les fronts (simultanément parfois : espérons que le doublement de certaines lignes de gratte ne perde pas lors de la transition en live). Difficile de ne pas voir derrière son jeu de manche la pierre angulaire de cet album, et pourtant… impossible d’occulter la performance éblouissante de Ben Ward au micro : son chant profond, rocailleux et limite guttural, mais jamais hurlé, son timbre incomparable servent les morceaux admirablement. Le bonhomme s’essaye même au chant “normal” sur le plus subtil “Save me from myself”, bluffant. Tous deux apportent à Orange Goblin sa trace sonore, son identité, ce qui les distingue parmi leurs rares compétiteurs. Grâce à eux, la présence du groupe explose sur chacun des morceaux du disque. Il serait dommage toutefois de minimiser la qualité de la section rythmique, qui, même si elle est moins “outrageusement” présente, assure une tessiture de fond qui apporte une richesse sonore admirable : leur contribution amène clairement le groupe à un niveau de “maturité sonore” qu’il n’avait jamais atteint jusqu’ici.
La première gifle vient avec l’écoute du premier morceau, “Red Tide Rising” – une double gifle aller-retour en réalité : première mandale pour le son, tout simplement énorme ! Jamie Dodd, derrière les manettes, s’est défoncé, la prod’ est parfaite : ronde, généreuse, rêche… La seconde gifle, c’est la chanson elle-même : on avait presque oublié le talent de nos bonhommes dès qu’il s’agit de pondre des hymnes metal stoner de légende. Mais en alignant l’une de ses pièces maîtresses dès l’intro de l’album, le groupe ne fait-il pas une erreur sur le moyen terme ? Que nenni, les titres suivants viendront nous le prouver comme autant de coups de pieds dans les roubignoles. Exemple sur le “Stand for something” qui suit, avec un refrain tout en harmonie, nouvelle illustration d’une maturité remarquable dans le travail de composition. Autre hymne typique des quatre londoniens, “The Fog” traîne toute sa lancinante doomitude sur presque 7 minutes, charpenté autour d’un refrain surboosté et rageur, tronqué par un break presque progressif en son milieu. Les rythmes varient, les structures des morceaux ne sont jamais sclérosées, pas un temps mort sur ces 10 titres. Et tandis que l’on pensait la cause entendue, OG dégoupille sa dernière grenade avec son morceau éponyme : sur plus de 7 minutes, ils installent progressivement un mid-tempo qui commence par une guitare sèche et monte en puissance. Le titre en arrive à vous prendre par la gorge, avec un climax d’abord étouffant puis aérien, dès la mi-chanson, prenant la forme d’un refrain énorme : basé sur un riff juste évident, calé en léger contre temps, genre pataud et vicieux, ce passage en subtile harmonie de guitare qui n’a l’air de rien assoit à lui seul le talent de composition du groupe. Chapeau bas.
Au final, cette galette remarquable apporte une éclaircie toute salutaire dans ce début d’année un peu austère : assumant sa place dans le peloton de tête des locomotives du stoner européen et mondial, Orange Goblin peut se reposer sur une nouvelle pièce maîtresse de sa discographie. Un album mastoc, ramassé, efficace… un no-brainer, clairement : ce disque ne devrait pas décevoir grand monde, tant il dresse des ponts avec de multiples tendances musicales au cœur du stoner, et les étend même au metal au sens large. Sans se disperser, Orange Goblin ramène à lui tous les amateurs de bonne musique en attente d’une grosse claque dans les gencives.
(Pour donner votre note,
cliquez sur le nombre de cactus voulus)